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Le plan « Banlieues » : beaucoup de bruit pour peu de chose ?
La création des Zep, il y a plus de vingt-cinq ans, a notamment permis la reconnaissance de deux réalités ignorées jusque-là par l’Éducation nationale : l’importance, sur le déroulement de leur scolarité, de l’environnement dans lequel vivent les élèves, d’une part, et, d’autre part, le regroupement dans un petit nombre de territoires (villes ou quartiers) de populations particulièrement démunies.
À partir de là, le dispositif prioritaire s’est implanté dans un petit nombre de territoires repérés comme lieux de tels regroupements et les liens avec l’environnement (c’est-à-dire les structures assurant le logement, l’emploi des parents, la santé, etc.) ont été développés afin que les conditions de vie s’améliorent et freinent un peu moins les cursus scolaires. Rappelons tout de même ici ce que chacun sait, que l’essentiel des apprentissages scolaires est dû à la qualité des rapports maître-élève et élèves entre eux. Cela dit, ce que l’État, les collectivités locales, les associations… mènent comme politique et actions dans les Zep a toujours été observé avec attention par les enseignants, vu l’impact possible sur le déroulement des scolarités.
Qu’apporte, en ce domaine, le plan « Banlieues » ?
Les mesures scolaires du plan « Banlieues »
– Pour les décrocheurs : des « écoles de la deuxième chance ». Le président de la République estime que « la deuxième chance c’est un projet de société ». En effet, si une deuxième chance était offerte à chacun des 100 000 (ou plus) sortant chaque année non diplômés du système éducatif, alors il y aurait une nouveauté considérable. Mais combien de places effectives seront-elles créées ? Il y en a déjà très peu et les projets de création sont fort limités.
– Pour les élèves défavorisés « aptes » : des internats d’excellence. Là aussi, il ne s’agit nullement pour nous de refuser un dispositif qui peut s’avérer utile. Les enseignants de Zep savent que certains élèves, auraient intérêt, pour une période donnée, à sortir de leur environnement pour développer des capacités repérées. Mais pour quelques milliers de places annoncées, combien seront créées ? Et à la condition que l’encadrement hors des heures de cours soit de qualité, ce qui n’est pas le cas pour ceux qui existent déjà.
– Pour la mixité scolaire, on prévoit des fermetures de collèges. Qu’on ferme un collège qui ne parvient pas, depuis de nombreuses années, à bien fonctionner, pourquoi pas ? L’expérience toutefois nous montre que des collèges en déshérence ont pu se redresser et finir par attirer des élèves d’autres secteurs. Il convient donc, d’abord, d’examiner quelles conditions permettraient de les relancer plutôt que de les fermer. D’autant plus que la fermeture d’un collège (cela se fait déjà de temps à autre) entraîne des difficultés pour les familles concernées. Il convient donc d’être très prudent et attentif aux réalités fines de chaque situation.
– Pour la mixité scolaire aussi, on annonce le « busing » dans cinquante villes. Quelques mois après, on en est à huit. Mais c’est peut-être mieux ainsi car une telle opération est extrêmement délicate à mettre au point et demande beaucoup de concertations préalables.
– Toujours pour la mixité scolaire, on annonce enfin la création de trente sites d’excellence. « Ils auront des classes d’élite rassemblant les meilleurs élèves et bénéficiant d’un enseignement d’excellence. L’encadrement sera renforcé et une banque de stages sera créée […]. » Ces deux mesures (sites et banques) étant mises en place à la rentrée 2008, il est trop tôt pour en juger. Espérons que les annonces correspondront aux réalités.
– Dernier élément scolaire du plan « Banlieues », cette annonce : « 5 % des élèves de tous les lycées vers les classes préparatoires ». De tous les éléments du plan, celui-ci est le seul novateur et certainement le plus important. Comment va-t-il être appliqué ? Certes, il faudra attendre la fin de l’année scolaire pour constater les effets en France d’un dispositif appliqué dans l’État du Texas depuis quelques années et qui, effectivement, a entraîné des mouvements d’élèves favorisés vers des établissements regroupant surtout des populations défavorisées.
Les autres éléments du plan « Banlieues » ne concernent pas l’éducation. Les observations apportées, ci-dessus, pour chaque point, apparaîtront sans doute désabusées. Il faut dire que par rapport aux enjeux (on se rappellera ici les dramatiques événements de novembre 2005) et, vu le triomphalisme des annonces, les observateurs ont été déçus. Cependant, mieux vaut les quelques avancées prévues que le statu quo.
Des questions qui restent en suspens
L’OZP, pour sa part, au printemps 2008, attendait toujours des réponses à quatre questions :
– Quel avenir pour les Zep qui ne sont pas devenues « réseaux ambition réussite » (RAR) ? Car, sur plus de mille Zep et Rep, 254 sont devenues RAR. Que vont devenir les autres ? Rebaptisées « réseaux de réussite scolaire » (RRS), elles semblent aujourd’hui livrées à elles-mêmes. Pour l’OZP, sans pilotage et sans accompagnement, les moyens attribués ont peu d’effets sur la réussite des élèves. Et les équipes qui ne sont pas en RAR vivent cet abandon comme le prélude à la disparition d’un dispositif dans lequel beaucoup se sont investis.
– Quelle place pour les écoles maternelles et élémentaires dans l’éducation prioritaire ? C’est dans les écoles et dans une continuité entre écoles et collèges que l’éducation prioritaire a du sens. Sur le terrain, dans les RAR, l’accent est mis sur les seuls collèges.
– Comment constituer des équipes dans le RAR (réseaux ambition réussite) ? Depuis 2006, l’effort s’est concentré sur les réseaux ambition réussite. Le ministre s’exprime à leur sujet et affirme leur vocation à l’innovation. Le plus souvent, le pilotage et l’accompagnement local, académique et national sont effectifs. En particulier, les corps d’inspection se sont investis dans l’accompagnement des équipes. Cependant, la nomination des équipes de direction et des professeurs référents doit bénéficier d’un effort particulier pour attirer dans les RAR les personnes susceptibles d’y réussir.
– Enfin, quel avenir pour les coordonnateurs d’éducation prioritaire, dont le rôle est essentiel en particulier en ce qui concerne les liens interdegrés et ceux avec la politique de la ville, doit être réaffirmé ?
Ces questions conjoncturelles posées au ministère reprennent les éléments d’une réflexion plus vaste menée par l’OZP avant l’élection présidentielle sur l’éducation prioritaire et qui avait abouti à la publication d’un manifeste sur ce thème. L’OZP y réclamait « le meilleur » de l’Éducation nationale pour les territoires les plus en difficulté et une politique de la Ville (donc un plan « Banlieues ») coordonné pourvu des moyens financiers qu’exige l’ampleur de la tâche.
Le plan « Banlieues » de février 2008 n’est certes pas à rejeter et présente des éléments positifs mais n’apparaît pas suffisant pour enrayer l’échec scolaire qui, malgré tout, reste surtout présent dans les territoires de l’éducation prioritaire.
Observatoire des zones prioritaires
http://www.association-ozp.net/