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Le lycée, entre collège et supérieur

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arton7664.pngEn 1999 sortait le Cahier coordonné par Raoul Pantanella : « Quelle pédagogie pour les lycées ? » À le relire aujourd’hui, on constate avec bonheur et intérêt que les initiatives, les propositions innovantes mises en œuvre il y a dix ans conservent toute leur actualité, leur valeur et leurs militants, un grand nombre d’enseignants n’ayant jamais cessé d’œuvrer pour transmettre les fondamentaux et adapter les apprentissages à la réalité forcément mouvante des nouveaux lycéens.

Mais en construisant ce nouveau Cahier, nous nous demandions surtout si et comment une réforme venue d’en haut, annoncée, différée, puis finalement menée tambour battant à partir de la rentrée 2010 avait été en mesure de faire bouger les lignes et les structures pédagogiques pour susciter l’adhésion des acteurs.

La rupture et les tensions que sous-tendent un grand nombre d’articles peuvent se lire aussi bien hors les murs qu’entre les murs.
Dans un contexte de crise économique majeure et durable, la volonté du gouvernement de faire des économies est souvent vécue comme une agression par les personnels dans les établissements scolaires. Et les enseignants renâclent à répondre à une demande pressante de diversification de leurs missions et de multiplication de leurs tâches, parce qu’ils la relient d’abord aux suppressions de postes et aux réductions de moyens horaires.

Dans les murs de la classe, les enseignants avouent parfois ne plus reconnaitre le lycéen derrière l’adolescent multi-tâches, rarement concentré mais toujours connecté.

Ce qui nous frappe aussi, c’est l’inégale prise en compte de l’autonomie dans les lycées. Elle est assumée sans complexes par certaines équipes, avec enthousiasme, au travers de projets d’établissement volontaristes et innovants. Dans d’autres lycées, où les personnels n’ont pas encore pris le temps d’en faire le long et difficile apprentissage, son exercice se traduit par de la circonspection, de l’inquiétude, des résistances. Nous avons ainsi rencontré ceux que l’innovation et le doute critique stimulent : ceux-là se frottent aux dispositifs nouveaux et enchainent parfois les activités, au risque du surmenage. Nous avons également entendu ceux qui se sentent déstabilisés, dans l’attente d’une prescription introuvable. Et ceux qui se replient, parce qu’ils acceptent mal de devoir négocier avec leurs collègues des répartitions horaires ou des options pédagogiques. Ce désarroi, nous l’avons d’ailleurs durablement perçu en sollicitant, depuis deux ans, des contributions à ce numéro : nous nous sommes heurtés à des murs de silence, à des refus polis, à des renoncements troublés.

Cependant, cette rupture ouvre des pistes intéressantes. L’utilisation du numérique modifie les pratiques pédagogiques. La mise en œuvre – convaincue – de l’accompagnement personnalisé fait ressortir une nouvelle dynamique du travail en équipe. Là où les établissements construisent leur autonomie, les conseils pédagogiques deviennent l’instance de la discussion pédagogique transversale, à l’origine de décisions fondamentales pour l’évolution de l’établissement. Enfin, l’objectif de continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur est déjà en marche.

Pour que ces réussites diffusent dans tout le système, il faut espérer l’arrêt de coupes claires dans les moyens et une volonté politique forte d’accompagner les actions. C’est seulement ainsi que le métier d’enseignant se transformera, comme l’écrit Françoise Clerc, « pour recentrer l’enseignement sur les apprentissages et non sur les programmes ».