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Le blues du « Pays blanc »

Entre les cinquante mille morts du Venezuela et les quarante mille oiseaux mazoutés de la marée noire, il n’y a évidemment pas de commune mesure. Entre les inondations en Asie et celles de l’Aude, toute comparaison serait superflue. Enfin, l’ouragan qui a ravagé notre pays fait figure d’anecdote tragique à côté des cataclysmes qui s’abattent ailleurs. Certes. Pourtant il serait hypocrite de vouloir conformer notre émotion ou notre indignation à un degré de gravité reconnu sur l’échelle de la mauvaise conscience universelle

Pour le moment, le mazout est dans le Traict du Croisic, dans les criques de Belle-Ile. Et mes élèves entrent en classe les souliers tachés de goudron. Des camions gorgés de déchets pollués laissent échapper leurs chargements sur la route, des voitures dérapent sur les traces qui souillent la chaussée, les gendarmes barrent l’accès de la côte et interdisent aux gens de prendre des photos.

Parce que  » le pays  » c’est un peu l’âme, les gens d’ici sont atteints comme ont été bouleversés ceux qui ont vu leurs habitations et leurs terres disparaître sous la boue, ou qui ont vu leurs toits et leurs forêts emportés par le vent. La furie des éléments le dispute à l’inconscience criminelle de quelques spéculateurs cupides tandis que ceux qui sont en charge d’agir se soucient trop souvent d’occuper d’abord la scène médiatique.

Comme sujet de leur prochain magazine, mes élèves ont donc choisi de parler de cela. Ce travail leur permettra d’exprimer leur colère et de refaire en écrit le chemin qui mène à la côte, à la rencontre des oiseaux morts, des eaux souillées, des rochers éclaboussés de noir, et des gens de partout qui refusent cette fatalité.

Ce sera l’occasion de prendre conscience que les mots  » économie  » et  » écologie  » ont la même racine qui signifie que l’on doit s’occuper de la  » maison  » : l’endroit où tout et tous devraient être solidaires.

Pierre Madiot, lycée de Guérande.