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«Agir contre le décrochage scolaire»

Si l’ensemble des causes « externes » au décrochage (difficultés familiales et sociales, âges, genre, santé) sont rappelées, de nombreuses questions sont posées au système scolaire lui-même, et parfois dans ce qu’il a de plus sensible. Ainsi, l’orientation et les difficultés d’articulations entre les cycles et les degrés sont pointées, ce qui est assez habituel lorsque l’on recherche les causes du décrochage. Mais la mise en avant de l’évaluation, du sens des apprentissages ou du climat scolaire comme facteur pouvant favoriser une rupture est potentiellement plus perturbante pour le système scolaire. Ce rapport avance donc l’idée que le décrochage est aussi (principalement ?) le résultat d’un fonctionnement global ou la prise en compte, entre autres, de l’élève en tant que personne, l’intégration des familles, la gestion des temporalités des adolescents, qui ne sont pas celle de l’institution, sont prises en défaut. A travers le prisme du décrochage scolaire et de ses causes internes, c’est un portrait en creux qui est fait de l’école.

Une fois les enjeux globaux de la lutte contre le décrochage posés et chiffrés, le rapport met l’accent sur les insuffisances actuelles du système de repérage et de mesure. Les auteurs considèrent que le flou récurrent sur les chiffres nuit à une appropriation par tous de la dimension réelle de l’action qui doit être engagée. Ce constat de relative carence interroge donc a posteriori les résultats quantitatifs annoncés récemment (moins 20 000 décrocheurs sur l’année).

Les modalités actuelles de lutte sont présentées en différenciant, sans hiérarchiser, les logiques très structurelles, type MGI (actuelle MLDS), et des propositions encore expérimentales, comme les LATI, dispositif intermédiaire entre la prise en charge de l’élève qui donne des signes de décrochage avec des aides de droit commun (PPRE, aide personnalisée) et l’accueil en classe relais des élèves en rupture scolaire, et les ESPI types Micro Lycée. Pour les premières, il est préconisé, entre autres, une définition claire des missions et la pérennisation des actions courtes sous couvert d’évaluation ainsi qu’une meilleure reconnaissance institutionnelle. Pour les ESPI type Micro Lycée, il est considéré qu’ils pourraient être amenés à se généraliser mais « sous conditions d’évaluations longitudinales de l’apport pour les élèves ».

Mais c’est autour des solutions évoquées, appelées « axes majeurs d’avancée », que se trouve le cœur du propos. En effet, les dimensions éducatives et pédagogiques prennent ici toute leur place. La solution semble être à chercher dans l’organisation même de notre système éducatif. Les intitulés des axes sont éloquents : prise en compte de la personne chez l’élève, organisation du tutorat, aide scolaire spécifique, aménagement du temps scolaire, professionnalités croisées autour de l’élève, relations construites avec les familles.

Il ressort donc de ce rapport que les solutions au décrochage sont à rechercher au cœur même de notre système scolaire, non pas seulement à travers des empilements de dispositifs, même si ceux-ci peuvent avoir leur utilité, mais par une réflexion plus globale sur les dysfonctionnements structurels de l’école. D’ailleurs les pistes évoquées pour remédier au décrochage pourraient éclairer bien au-delà de la lutte contre ce phénomène. Ainsi, la formation des enseignants, le lien avec la recherche, la recherche de synergie entre les acteurs d’un même territoire sont préconisés. Enfin, il est difficile de ne pas citer une des préconisations qui s’intitule « Des changements pédagogiques de fond pour rendre la classe bienveillante ».

Cela interroge l’école dans sa faculté à s’emparer de la question de la prévention du décrochage et de la mettre au cœur même de l’enseignement par des réponses pédagogiques adaptées. Ce sera l’objet de la quatrième partie.

goe_me_.jpgIl convient également d’engager des corrections, sinon des réformes de fond, s’agissant de pratiques pédagogiques et de conceptions de l’enseignement qui favorisent et même conduisent au décrochage.

Philippe Goémé