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La webradio pour travailler l’oral et l’écrit

Dans un lycée professionnel, à travers la production d’émissions de webradio, les élèves travaillent la production d’écrit avant de développer aussi des compétences orales.

À la radio, difficile de laisser place à l’improvisation ! « Ça y est, nous avons fini le montage de l’émission ! » Cette phrase, aboutissement de chacune des émissions, d’un projet terminé parfois dans la douleur, exprime le soulagement d’avoir finalisé l’émission, parfois imparfaite mais produite avec la volonté de faire le mieux possible. Car oui, réaliser une émission de radio est un exercice difficile et long.

Les élèves s’investissent souvent au début sur le principe qu’ils vont parler devant un micro comme sur les radios commerciales qu’ils écoutent. Ils pensent que c’est simple de dire seulement ce qui leur passe par la tête, qu’il est aisé de faire des plaisanteries, de garder le rythme et l’énergie sur la durée d’une émission. Et puis, chacun confronte ses représentations à la réalité et la prise de conscience est immédiate : à la radio, difficile de laisser place à l’improvisation. Il faut donc échanger, penser, réfléchir à un angle, écrire et penser collectif pour atteindre l’objectif.

Un projet pédagogique

Depuis la rentrée 2015, nous avons, mon collègue Jacques Rouzineau et moi-même, décidé de créer une webradio afin de sensibiliser les élèves à ce média. L’idée était de proposer un projet leur permettant de développer certaines compétences exigées par les programmes tout en leur offrant de vivre une expérience singulière.

Les classes ciblées par le projet ont été, les deux années, des classes de 1re bac pro commerce. Nous avions estimé qu’il était plus simple d’engager ce projet avec des élèves qui avaient déjà vécu une année scolaire au lycée (groupe formé, méthode de travail intégrée, etc.) et qui ne préparaient pas l’examen du baccalauréat. Les classes étaient composées de trente élèves. Concernant le choix de la spécialité commerce, il s’est imposé naturellement. Ces élèves doivent développer des compétences techniques d’argumentation, de maitrise d’un vocabulaire précis, de capacités d’écoute, etc.

La mise en œuvre du projet

Notre studio est un petit studio mobile composé d’une table de mixage, d’un ampli son, de quatre micros unidirectionnels, d’un micro de reportage H2 et d’un ordinateur. Le logiciel de montage choisi, Audacity, est libre de droits.

L’heure « radio » a été intégrée à l’emploi du temps de la classe.

Globalement, les élèves se sont révélés plutôt enthousiastes. Nous leur avons proposé une liberté éditoriale quasi totale. Les limites imposées ont été liées au règlement du lycée, aux limites de la liberté d’expression et aux contraintes techniques (il était impossible de traiter d’un évènement sportif qui se déroulerait le weekend suivant, sachant que nous ne connaissions pas les dates de diffusion de chaque émission).

Nous avons ensuite, lors de la réunion de présentation du projet, fait réfléchir nos journalistes quant à la nécessité d’équilibrer le contenu des émissions. Les élèves ont dégagé plusieurs réflexions, qui ont permis de dresser une liste de contraintes émanant des élèves eux-mêmes : nous ne pouvions pas parler seulement de sport, enregistrer des sujets de plus de deux minutes, les émissions ne devaient pas durer plus de douze minutes (le temps nécessaire à leur diffusion par les hautparleurs du lycée). Travailler en binômes était également plus simple.

l’ensemble de la classe en conférence de rédaction

Lors de cette réunion, les élèves ont trouvé son nom à la radio, Namelessradio, certains se sont proposés pour réaliser un jingle, d’autres pour être les présentateurs, d’autres pour apporter une aide technique ou faire des affiches pour annoncer l’arrivée d’une radio dans le lycée. Chacun s’est ainsi intégré au projet en mettant en avant ses compétences au service du groupe.

Nous avons organisé des conférences de rédaction, afin que chacune des émissions réponde aux critères définis pas les élèves.

Une règle s’était imposée, le présentateur ou la présentatrice était rédacteur en chef de sa propre émission. Chaque groupe proposait une idée qui était notée au tableau, s’ensuivaient des discussions sur les contenus (équilibre des sujets de l’émission), les formats (micros-trottoirs, interviews, billets, etc.) et la possibilité que cette idée soit réalisée. En effet, rapidement les élèves ont compris qu’ils devaient être raisonnablement ambitieux. Ils ont appris à rédiger leurs questions (pas de questions fermées, capacité à relancer l’interviewé), à maitriser leurs prises de son (niveau sonore, pollution sonore, positionnement des micros, etc.), à prendre le temps de faire des montages propres (garder une homogénéité dans le son final, évacuer certains sons désagréables, sélectionner une courte partie dans leurs enregistrements en conservant le sens du discours, etc.).

De l’enregistrement à la diffusion

Une fois les sujets retenus, ils étaient hiérarchisés et une durée leur était accordée.

La progression a été très rapide. Les élèves se sont emparés de leur sujet, ils ont enregistré de nombreux sons. Ils ont ensuite été confrontés au choix de devoir sélectionner les informations pour produire un sujet qui devait répondre à une exigence de durée. Ils ont, par cette expérience, compris la subjectivité inévitable des reportages et anticipé, lorsqu’ils partaient en reportage, le futur montage.

Le présentateur ou la présentatrice devait, de son côté, rédiger intégralement ses interventions et les lire à haute voix avant de s’enregistrer.

Enfin, les éléments étaient assemblés pour constituer l’émission : « Ça y est, nous avons fini le montage de l’émission ! » L’effervescence pouvait retomber. L’émission était ensuite diffusée dans le lycée et mise en ligne sur le site E-lyco.

Des compétences travaillées et révélées

Un rituel de travail s’est donc instauré pendant ces heures « radio » où chacun a trouvé sa place, son rythme et son plaisir.

L’expérience a révélé aux élèves des compétences qu’ils ignoraient d’eux-mêmes, elle les a obligés à affronter leur voix, son placement, la nécessité de clarté dans l’articulation et dans la précision des questions.

Elle a également été l’occasion de belles rencontres. En effet, Marie-Laure Augry est venue dans notre classe pour présenter son métier, elle a accepté d’accorder aux élèves un entretien radio. Puis, quelques semaines plus tard, deux des élèves les plus investis ont été invités à Paris par madame Augry, afin de réaliser des reportages et participer à leur montage. Ils ont été ensuite diffusés dans le cadre de son émission.

Xavier Couilleau
Professeur de lettres-histoire à Nantes (Loire-Atlantique)