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La Validation des Acquis de l’Expérience dans un processus de certification au C2i « enseignant » (version complète)

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1. Problématique et contexte de l’expérimentation

L’instauration dans tous les IUFM de France du C2i « enseignant » pose la question de la validation de 27 compétences qui, dans notre cas (IUFM d’Alsace), est dispensée à 515 professeurs stagiaires du 2nd degré répartis dans plus de 150 établissements et à 515 stagiaires du 1er degré affectés sur trois sites de formation. Ceci représente environ 30 000 validations à gérer ; une vraie gageure.

Un autre défi à relever est de tenir compte de la validation des acquis de l’expérience (VAE). En effet, plusieurs stagiaires arrivant à l’IUFM possèdent déjà bon nombre de ces compétences qui ont été acquises dans d’autres contextes que celui de la formation au métier d’enseignant (e.g. dans le cadre universitaire, professionnel ou personnel). Pour valider ces acquis, sans obliger les stagiaires à suivre une nouvelle formation, nous avons souhaité rompre avec un processus d’évaluation qui suit traditionnellement, et dans la foulée, celui de formation. Nous avons donc décidé de distinguer les contextes d’acquisition et d’évaluation des compétences ; ces dernières pouvant être en effet acquises dans un contexte de formation donné (e.g. disciplinaire) et évaluées dans un autre contexte (e.g. lors d’une visite d’un formateur au cours du stage professionnel). Le tableau suivant, rendu accessible en ligne, visait à suggérer (et non imposer) des parcours possibles conduisant à la validation des 27 compétences du C2i. Les Aii et Bii sont les compétences à acquérir[[BO n°1 du 5janvier 2006 : http://www.education.gouv.fr/bo/2006/1/MENT0502170C.htm ]].

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Figure 1 : Guide des contextes d’acquisition et de validation des compétences du C2i2e

La validation (étape somme toute formelle qui suit celle d’évaluation), s’opère « en ligne » sur demande individualisée et motivée du stagiaire. Elle est soumise à un formateur référent qui est affecté à un groupe d’une trentaine de stagiaires environ. Cette demande de validation doit être accompagnée d’une description sommaire du contexte d’évaluation et du nom du formateur « évaluateur ». Le référent du groupe, ayant toutes les données pour valider la ou les compétences demandées, complète en ligne le dossier de compétence du stagiaire.
Pour faciliter la validation des 30 000 compétences, sans obligation de rencontre entre les personnes concernées, nous avons eu recours à un carnet de bord numérique en ligne : une sorte de e-Portfolio d’évaluation. Celui-ci procure conjointement souplesse (l’évaluation se fait en continu toute l’année), fiabilité et fonctionnalité : trois critères indispensables.

2. Hypothèses

Si ce carnet de bord numérique rend plus facile et plus réactif le processus de validation, insistons sur le fait que c’est en laissant libre les stagiaires de choisir leur parcours en fonction de leurs besoins, et surtout en rompant tout lien entre les contextes d’acquisition et les contextes d’évaluation des compétences visées, que nous pensons pouvoir atteindre notre objectif : celui-ci étant précisément de permettre conjointement l’acquisition des compétences non encore maîtrisées et la validation de celles qui ont été acquises, soit au cours de la formation, soit au cours d’expériences passées.
Nous présentons au paragraphe 3 le carnet de bord utilisé par les stagiaires et formateurs et donnons au paragraphe 4 les résultats d’une expérimentation conduite durant l’année 2006-2007 auprès des professeurs des écoles stagiaires impliqués dans cette démarche de formation scénarisée et instrumentée. Ces résultats rendent compte de l’efficacité d’un tel dispositif dans la prise en compte de la validation des acquis de l’expérience.

3. Description du carnet de bord

3.1. Du côté des enseignants stagiaires

Le stagiaire accède au menu d’un carnet de bord détaillé à travers l’Espace Numérique de Travail (ENT) de l’IUFM. Ce menu propose un bilan qui affiche :
– le code et le libellé de chaque compétence
– le nombre de compétences en cours d’acquisition
– le nombre de compétences dont la validation est demandée
– le nombre de compétences validées
– le nombre de compétences dont la validation est refusée
Pour chaque compétence validée ou refusée, la date de validation ou de refus apparaît dans le carnet de bord ainsi que le nom du formateur « validateur ».

Ce menu permet également au stagiaire de demander la validation d’une ou plusieurs compétences par un simple clic sur un bouton. Dans ce cas, un courriel est envoyé aux formateurs C2i du groupe. Les formateurs reçoivent alors les références du stagiaire, le code et libellé de la compétence dont la validation est demandée et un lien permettant l’accès direct à la validation de cette compétence. Ce courriel peut, en outre, être transmis à un autre formateur non attaché à ce groupe (par exemple le directeur de mémoire) pour lui demander de prendre en charge la validation de cette compétence.

3.2. Du côté des formateurs

Le formateur accède également à un menu de l’application par l’ENT. Le formateur peut consulter et valider les demandes de validation d’un usager ou consulter ou valider une demande de validation pour un ensemble de compétences (Cf. Figure 2).

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Figure 2 : Consultation, validation ou demande de validation pour un usager

Dans le premier cas, le formateur peut obtenir la liste de tous les stagiaires, la liste de ceux dont le C2i2e n’est pas acquis, celle des stagiaires qui ont demandé une validation d’une ou plusieurs compétences, etc. (Cf. Figure 3).

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Figure 3 : Sélection par usager

Si le formateur décide de consulter, de valider, ou de refuser les compétences d’un usager, il clique sur son nom et coche les compétences qu’il souhaite soit refuser (clic sur le bouton « Refuser »), soit valider (clic sur le bouton « Valider » ; Cf. Figure 4). Un courriel est alors envoyé au stagiaire. Les autres formateurs « valideurs » du C2i2e et lui-même recevront une copie de ce courriel.

Des info-bulles donnent le libellé de chaque compétence et la couleur de chacune d’entre elles indique au formateur si cette compétence est demandée, validée ou si elle a été refusée.

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Figure 4 : Consultation, validation ou demande de validation pour un ensemble de compétences

Enfin, le formateur peut également décider d’envoyer une demande de validation de compétences à un autre formateur. Dans ce cas, Il clique sur le bouton « valideur » (Cf. figure 3) pour choisir le formateur et procède à la demande en écrivant tout ou partie de son nom dans un masque de saisie conçu à cet effet.
Dans le deuxième cas, à savoir celui où le formateur décide de consulter ou de valider une demande de validation pour un ensemble de compétences, il devra cocher les cases des compétences à traiter (Cf. Figure 5).

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Figure 5 : Sélection d’un ensemble de compétences

Trois listes s’affichent alors après avoir cliqué sur le bouton « Traiter » (Cf. Figure 6) ; d’abord la liste des usagers qui ont fait la demande de validation des compétences sélectionnées par le formateur. A côté d’elle, s’affiche la liste des usagers ayant au moins une compétence non validée parmi les compétences sélectionnées. Enfin, une troisième liste constituée par tous les usagers qui ont validé l’ensemble des compétences sélectionnées par le formateur apparaît en troisième colonne. Le formateur peut alors valider les compétences affichées en sélectionnant les usagers et en cliquant sur le bouton « valider ».
Là encore, le formateur peut aussi décider d’envoyer une demande de validation des compétences, pour certains usagers affichés, à un autre formateur. Il devra alors sélectionner ces usagers, cliquer sur le bouton « valideur » pour choisir le formateur et cliquer sur le bouton « demande ».

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Figure 6 : Traitement des compétences sélectionnées

4. Résultats

En juin 2007, nous avons demandé à tous les professeurs des écoles stagiaires de l’académie de Strasbourg de répondre à une enquête en vue de connaître la manière dont ils ont vécu cette expérience, l’intérêt qu’ils ont trouvé à utiliser le carnet de bord numérique et l’impact de ce design pédagogique de formation sur la VAE. Trois sites de formation ont été concernés : Strasbourg (8 groupes), Colmar (6 groupes) et Guebwiller (2 groupes). 452 stagiaires ont répondu à ce questionnaire ; ce qui correspond grosso modo à l’effectif académique des professeurs des écoles stagiaires.

4.1. Sur les contextes propices à l’acquisition et à la validation des compétences

Sur l’ensemble des contextes proposés, l’enquête nous a permis de connaître ceux qui ont été investis par les professeurs stagiaires pour chaque compétence visée. Il ressort de cette étude que le fait d’avoir différencié les contextes d’acquisition et de validation des compétences a manifestement créé de nouvelles opportunités de validation. Les contextes investis dans le but de valider une compétence donnée n’ont pas été forcément ceux qui l’ont été pour l’acquisition de cette compétence. Des parcours personnalisés et réfléchis ont donc progressivement remplacés ceux plus traditionnels qui, classiquement, intègrent l’évaluation dans l’action de formation elle-même. Par ailleurs, en regard des parcours initialement proposés (Figure 1), nos résultats montrent que les professeurs stagiaires ont su créer librement leur propre parcours sans pour autant suivre formellement ceux qui leur avaient été proposés.

4.2. Sur le carnet de bord numérique

Les résultats obtenus sont plutôt encourageants eu égard au défi qu’il était question de relever. En effet, le carnet de bord numérique a été plébiscité par 89,5% des professeurs stagiaires. Ils l’ont trouvé très utile et performant pour la validation de leurs compétences. De fait, la réactivité propre à cet outil semble bien avoir répondu aux besoins et attentes des usagers : rapidité, efficacité, opérationnalité, zéro papier.

4.3. Sur la validation des acquis de l’expérience (VAE)

24% des enseignants stagiaires disent avoir déjà acquis au moins une des compétences du C2i2e avant d’entrer en formation à l’IUFM. Parmi ces 24%, le nombre de compétences déclarées comme « acquises » au cours de leur expérience antérieure n’a pas été supérieure à 12 (sur les 27 attendues en fin de formation) avec en moyenne 7 compétences déclarées acquises (écart-type de 2). Mais le résultat le plus intéressant est que parmi l’ensemble de ces compétences déclarées acquises antérieurement, 88% d’entre elles ont pu être validées à l’IUFM sans qu’une formation n’ait été nécessaire. Ce résultat est plutôt encourageant et salutaire. Quant au faible pourcentage de compétences acquises en entrant en formation, ce résultat n’est pas alarmant en soi. Il témoigne simplement, selon nous, du haut niveau d’exigence de ce référentiel.

5. Conclusion

Ces premiers résultats ne permettent pas encore de valider de manière probante nos conjectures liées à ces designs pédagogiques de formation visant notamment à favoriser la VAE. En particulier, rien ne nous indique encore, formellement, la part que joue l’application informatique et celle que joue la scénarisation de la formation dans cette avancée. Néanmoins, force est de constater que cette démarche de formation scénarisée et instrumentée montre des perspectives intéressantes et prometteuses pour faciliter la VAE. De plus, elle conduit l’enseignant stagiaire à acquérir des compétences de plus haut niveau : celui-ci apprend progressivement à devenir un praticien réflexif capable d’apprécier à sa juste valeur ses propres compétences et ainsi à orienter sa formation en connaissance de cause. Tout ceci concourt à la construction de compétences métacognitives que tous les spécialistes du domaine considèrent comme essentielles, en particulier lorsque l’enseignant s’engage dans une longue carrière : prise de conscience de ses besoins en formation, capacité d’analyse réflexive sur sa pratique, capacité à actualiser ses compétences et à s’engager dans des actions de formation tout au long de sa vie, etc. Voici des considérations qui méritent bien notre attention.

Marc Trestini, IUFM d’Alsace , 141, avenue de Colmar – 67100 Strasbourg.
marc.trestini@alsace.iufm.fr