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La relation avec les familles s’apprend aussi

La mise en place, depuis quelques années, de séminaires d’analyse de pratiques, de forums de discussion dans le cadre de dispositifs de formation ouverte à distance et plus récemment, de stages filés[[Stage filé = stage en responsabilité d’une journée par semaine durant l’année de formation des professeurs des écoles après la réussite au concours (année professionnelle).]] en formation initiale des professeurs des écoles signale bien l’importance des questions de relations aux familles. Les enseignants expriment souvent et plus facilement qu’avant leur désarroi et leurs difficultés à trouver un « bon » niveau de relation avec les parents. S’ils sont conscients qu’il est nécessaire de travailler en collaboration les uns avec les autres, ils semblent souvent désemparés sur les modalités à mettre en œuvre.

Comment entendre les difficultés de relations enseignants/familles ?

Le manque de lisibilité de la notion même de « famille » ne facilite pas la compréhension mutuelle. Aujourd’hui, les codes sociaux ont été bousculés et la famille a changé. Elle est devenue multiforme. Or, les repères construits par les enseignants qui arrivent en formation, et qui résultent de leur propre vécu familial, se situent parfois bien loin des réalités des élèves[[Pour aider à percevoir ces évolutions des familles, des documents et des outils sont régulièrement mis en ligne sur le site des professionnels de l’Enseignement catholique 1er degré, à l’instar de l’article intitulé « L’évolution des relations école-famille » ou du « dossier : Relations école-famille ».
Consultables sur www.sitecoles.org.]]. Il faut alors déconstruire les références antérieures avant de les construire à nouveau pour parvenir à la compréhension nécessaire à l’accompagnement de l’élève.
Autre manque de lisibilité : l’école et ses codes de fonctionnement. Peu à peu, les pratiques se sont transformées (la polémique récente sur l’apprentissage de la lecture en est un exemple). L’approche par compétences a modifié les stratégies d’évaluation et les parents ne peuvent plus s’appuyer sur leur propre expérience scolaire pour suivre le parcours de leur enfant. Le détour par l’information et l’explication des modalités pédagogiques mises en œuvre dans les classes devient indispensable si les enseignants veulent pouvoir installer une relation de confiance entre eux et les familles.

« Bien s’entendre »… ou un peu plus ?

Un travail explicite sur la notion de coéducation et de partenariat est un indispensable préalable et passe par une intelligibilité des responsabilités de chacun. Parents et enseignants agissent en complémentarité pour le bien-être des enfants. Cette complémentarité doit permettre à chacun de garder sa légitimité : cela n’implique ni le renoncement à sa spécificité, ni la dilution des responsabilités, mais invite à comprendre les logiques à l’œuvre dans les espaces familial et scolaire pour parvenir à les mettre en cohérence[[Le Comité national de l’Enseignement catholique, a voté le 23 avril 2004, un texte sur « La participation des parents à la mission éducative ». Il précise la nature des relations entre les parents et l’école catholique ainsi que leur place spécifique dans la communauté éducative. Ce document est disponible sur www.sitecoles.org.]].
Être partenaire ne se résume pas à « bien s’entendre[[Dans l’Enseignement catholique, les parents « choisissent » l’école où ils inscrivent leur enfant, mais ce n’est cependant pas une garantie de « bonne entente ». Une famille sur deux a recours à l’Enseignement catholique pour au moins un enfant à un moment de sa scolarité. In « Public ou privé », Langouet G., Léger A., 1991. On sait que leurs motivations sont très variables. Plusieurs sondages et écrits en témoignent « Si la motivation pour des raisons annoncées comme strictement religieuses semble en nette régression, la requête dans l’ordre de qualité de l’enseignement, d’ailleurs dissociée du niveau scolaire proprement dit, ou de l’éducatif, semble s’accroître. Derrière toute démarche d’inscription, il y a une demande d’ordre éducatif et c’est bien sur ce registre qu’il convient d’abord de se situer ». In « La participation des parents à la mission éducative ».]] » et la coéducation ne peut se faire sans un respect inconditionnel de chacun des partenaires. Comment permettre la construction de liens et de collaborations tels qu’ils ne dévient pas vers la remise en cause professionnelle de l’enseignant ou la déqualification éducative des parents ?
Là réside sans doute l’un des enjeux de la formation. C’est à cette dernière de favoriser la compréhension d’une éducation scolaire qui complète et s’articule à l’éducation parentale, mais qui ne cherche pas à la remplacer.
Il convient alors de donner aux enseignants en formation les moyens d’une compréhension des problématiques familiales dans le rapport qu’elles entretiennent avec l’école. Car de prime abord, tous les parents ne perçoivent pas l’enseignant comme partenaire, mais parfois, comme l’écrit Jean-Marie Petitclerc, comme celui dont il faut protéger leur enfant. Il faut ensuite leur fournir des outils afin qu’ils puissent construire, dans l’espace scolaire, un cadre qui aide l’enfant à grandir et à réussir en tant qu’élève quelle que soit la situation familiale dans laquelle il évolue.

Nécessaire alternance

Dans le référentiel de compétences des enseignants, introduit par le nouveau cahier des charges de la formation (BO n°1 du 4 janvier 2007), « travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école » figure comme l’une des 10 compétences à acquérir. Cette acquisition s’appuie sur des connaissances, capacités et attitudes précises.
Très souvent, le champ relationnel est travaillé en formation du côté des savoir-être : il s’agit de permettre le développement d’attitudes essentielles pour faire face efficacement à un éventail de situations, allant de la gestion d’un entretien à celui des conflits. Cette approche ne peut être pertinente que si elle est complétée d’un travail explicite sur les connaissances indispensables à la compréhension des situations et sur la construction effective des capacités nécessaires au développement d’un savoir-agir en situation.
L’articulation de ces trois niveaux est facilitée par l’alternance vécue en formation, à condition que celle-ci offre les espaces appropriés à l’explicitation d’une pratique, à son analyse et à sa compréhension théorique. Si les stages, notamment la journée filée, permettent de vivre concrètement la relation avec les parents et d’en percevoir les problématiques, trois moments sont fondamentaux en formation :
– les temps d’échange et d’analyse de pratiques. Ils offrent un lieu pour exprimer les réussites et les difficultés et construire un savoir d’expérience élaboré avec les pairs ;
– les apports dans les domaines psychologiques et socio-éducatifs. Ils favorisent la compréhension théorique et donnent des repères scientifiques pour appréhender, analyser et affiner son action ;
– les ateliers pédagogiques. Ils débouchent sur la construction d’outils susceptibles d’être utilisés en réponse aux besoins formulés.
C’est parce que la formation veillera à la qualité de la mise en lien de ces trois moments qu’elle suscitera une vraie construction des connaissances, des capacités et des attitudes conduisant à la compétence de « coopération avec les parents ».
Dans l’Enseignement catholique[[L’enjeu de la formation dans ce domaine est bien perçu dans l’Enseignement catholique, même si sa mise en œuvre est encore à amplifier : Pour développer « des conditions d’une participation efficace des parents à la mission éducative », il est stipulé de « renforcer la formation des enseignants aux relations avec les parents et (d’) en faire une priorité. […] « Cette formation existe déjà dans les Instituts de formation de l’Enseignement catholique, mais elle doit absolument être développée, qu’il s’agissent de formation initiale ou continue, à l’instar des formations prodiguées dans les autres secteurs de la vie civile et économique et destinées à mieux connaître ses partenaires. Son insuffisance contribue aujourd’hui à de nombreuses incompréhensions, peurs et préjugés ». In « La participation des parents à la mission éducative ».]], cette formation s’appuie évidemment sur des référents théoriques, mais aussi sur une réflexion anthropologique et des textes de l’Église[[Encycliques. Textes de la Congrégation pour l’Education catholique (Rome) …]]. L’approche éthique[[« Agir en fonctionnaire de l’Etat de façon éthique et responsable » est l’une des compétences attendues des enseignants qui se décline dans l’Enseignement catholique avec sa spécificité. In « Cahier des charges de la formation initiale des maîtres en IUFM. Arrêté du 19 décembre 2006 ».]] de la relation aux parents est certainement pour nous une question éternellement remise en chantier et à laquelle contribue la formation.

Nathalie Tretiakow, CFP Emmanuel Mounier Paris,
en collaboration avec Formiris et des rédacteurs de
www.sitecoles.org.