Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

La politique éducative locale, analyse et illustrations

Ahmed El Bahri, Berger Levrault, 2023

Pour qui veut s’y retrouver dans la jungle des dispositifs en tous genres qui peuplent la « politique éducative » au niveau des territoires, comme on dit aujourd’hui, ce livre sera très utile. Des schémas divers sont proposés qui explicitent divers aspects de cette politique, notamment « la chaine de gouvernance éducative » (p.21) ou le déroulé possible d’un programme de réussite éducative (p.119), étant entendu que ce ne sont pas des modèles mais des exemples tirés de l’expérience de l’auteur dans des villes comme Angers. D’ailleurs, Ahmed El Bahri est un acteur de terrain, responsable de l’Education nationale (chef d’établissement, puis IPR vie scolaire ), mais aussi anciennement maire -adjoint d’une ville moyenne, ce qui lui permet d’avoir « un pied partout ».

La référence à des textes institutionnels et des exemples nous permet donc d’y voir plus clair sur les projets éducatifs territoriaux et en particulier les zones d’éducation prioritaire ou les récentes Cités éducatives. Un long chapitre est consacré à la question des rythmes scolaires avec un séduisant focus sur les temps d’activités périscolaires de la ville de Rennes, aussi bien sur leur organisation que sur leurs riches contenus. Comment ne pas continuer à regretter le quasi généralisé retour à la semaine de quatre jours à partir de 2017 !

On lira avec intérêt également le chapitre « la valorisation des compétences informelles des jeunes » avec la présentation des « badges de la réussite » et du parcours citoyen. On aurait cependant aimé qu’on approfondisse ce qui n’est esquissé. Ainsi, page 77, je lis à propos d’un programme « prendre soin de sa santé », « il reste la question de la légitimité à reconnaitre les bonnes pratiques des familles par un badge ». Plus généralement, si l’ouvrage nous permet d’explorer un vaste champ des possibles, à partir d’expériences visiblement avancées et solides, il reste parfois à la surface des débats qui peuvent se poser. On peut remarquer au passage que les villes citées en exemple sont plutôt prospères (si on excepte Trappes) et dynamiques. On sait bien que c’est plus compliqué lorsque les moyens manquent ou qu’il n’existe pas de vraie volonté politique.

Disons que par moments, on a l’impression, malgré l’exposé de telle ou telle difficulté, que les choses sont assez simples, en particulier la collaboration entre l’Education nationale et les collectivités. Les controverses au moment des changements de rythmes scolaires ont montré qu’il n’en est rien. De même aujourd’hui se pose la difficulté à recruter des animateurs qualifiés et compétents, nécessaires pour mettre en œuvre les programmes ambitieux cités dans le livre.

SI on ne peut qu’être d’accord avec le projet exposé dans l’introduction « faire de l’ouvrage un outil de politique locale d’éducation » et présenter un canevas qui propose une politique éducative qui doit être centrée sur l’enfant et la famille », on pourra regretter qu’il n’ait pas intégré davantage les pistes pour surmonter les difficultés et qu’il n’ait pas suffisamment évoqué les aspérités, les tensions, les conflits. Ceux-ci ne sont qu’effleurés. De même que l’on sait bien que les effets de vitrine et les coquilles vides, cela existe aussi. Une vision trop idéale, voire irénique peut conduire à éluder les problèmes et être trop loin de ce qui peut se faire dans certains territoires. Une thématique qu’il conviendrait donc d’explorer davantage.

Jean-michel Zakhartchouk