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La mise en place de l’accompagnement

Au cours du premier trimestre 2010, une enquête a été menée par l’institution sur les conditions de la mise en place de l’accompagnement personnalisé, dans huit académies, auprès de lycées (LP, LGT, polyvalents, cités scolaires).

Une adhésion très variable

Un premier constat apparait : les conditions de la mise en place sont très disparates et l’unanimité est loin d’être acquise quant au bienfondé de la réforme, entreprise, il est vrai, dans un contexte de restrictions budgétaires décourageant. Le degré d’adhésion est ainsi très variable selon les établissements et à l’intérieur d’un même lycée, selon les professeurs.
On observe une grande différence entre les établissements qui ont une culture de suivi des élèves (par exemple en zone sensible) et ceux qui n’ont pas d’expérience de mobilisation collective.

La mise en Œuvre ?

On assiste parfois à une reconduction pure et simple des objectifs et des modalités de l’aide individualisée, voire du travail en « modules »[[Dispositif antérieur à l’aide individualisée, les modules devant se « moduler » en fonction des besoins des élèves au cours de l’année. Dans les faits, ils ont rapidement été ramenés à un simple dédoublement de classe..]]

On note en effet une difficulté générale à entrer dans la problématique de l’accompagnement. De nombreux professeurs sont déroutés par le fait que l’accompagnement concerne tous les élèves. La dichotomie entre soutien et approfondissement reste structurante, à la fois dans les choix d’organisation (thèmes de travail, composition des groupes) et dans la conception de l’action éducative. De fait, cette dichotomie renvoie à une autre encore plus prégnante, entre forts et faibles, les plus en difficulté restant enfermés dans une pédagogie du soutien et de la remédiation.

En outre, l’absence d’évaluation — en réalité de notation — semble poser des problèmes à certains enseignants qui estiment que les élèves ne s’investissent que s’ils sont notés.

Parmi les autres mesures prises dans le cadre de la réforme figure le tutorat. Peu de retours ont été recueillis sur ce point : soit qu’il n’est pas associé à l’accompagnement, soit qu’il n’existe pas, soit qu’il est prévu — avec des réserves — pour le deuxième trimestre. Certains chefs d’établissement considèrent qu’il est trop consommateur de moyens dans l’état actuel des ressources des lycées. Lorsque les établissements l’ont mis en place, il est réservé à quelques élèves demandeurs, en grande difficulté, redoublants ou absentéistes. Ce sont alors les professeurs principaux qui l’assurent, plus rarement, les conseillers d’éducation. Aucun projet de stage de mise à niveau n’a été mentionné explicitement dans l’échantillon enquêté.

Ignorances et incertitudes

Sauf dans les cités scolaires, on remarque dans les lycées une quasi-ignorance de l’accompagnement éducatif mis en place dans les collèges. La référence au socle commun n’est jamais évoquée spontanément par les professeurs. La notion de compétence se heurte à un refus massif. De sorte que les résultats des évaluations du palier 3 ne sont que très rarement utilisés par les équipes de 2de pour orienter les objectifs de l’accompagnement.

Une autre source d’interrogations concerne l’apprentissage des méthodes, regroupé souvent sous le terme ambigu de « méthodologie ». Derrière ce terme, se cachent des interprétations très variables. On trouve à la fois :

  • des approches des méthodes caractéristiques d’une discipline, principalement en sciences et en mathématiques ; 
  • des approches du travail personnel : organiser son cahier de textes, utiliser un brouillon, prendre des notes, apprendre un cours…
  • ou des approches du type « métacompétences » : auto-évaluation par exemple.

À l’intérieur d’une même équipe, il peut exister de grandes disparités de pratiques. Les manières de conduire le travail hésitent entre le cours (y compris prescriptif dans le domaine du travail personnel) et l’analyse réflexive à partir d’une tâche effectuée en cours ou dans la séance d’accompagnement. Cette dernière peut être soit individuelle (avec un guide d’analyse), soit collective (avec un échange et des comparaisons animés par le professeur).

D’autres contenus sont observés : l’accompagnement est parfois utilisé pour faire des travaux en petits groupes difficilement réalisables en grand groupe classe ou encore considérés comme complémentaires des enseignements obligatoires.

Le lien entre des enseignements d’exploration et l’accompagnement est assez ténu, en raison du fait que l’accompagnement est d’abord perçu comme une aide aux apprentissages et non comme une réflexion sur l’orientation.

Une formation au questionnement ?

La première orientation de travail pour les équipes qui consisterait à se poser la question de l’articulation entre l’accompagnement et le travail ordinaire mené en classe est relativement absente du questionnement des équipes en formation.

L’augmentation sensible des effectifs dans de nombreux établissements tend à conforter l’enseignement magistral frontal et rend difficile d’envisager une réelle différenciation pédagogique interne à l’enseignement qui, d’ailleurs, n’a jamais vraiment été expérimentée dans les lycées.

Par ailleurs, la prise de conscience que l’attitude des élèves trouve sa principale explication dans le manque d’ancrage de l’accompagnement dans des projets personnels et dans l’absence de contractualisation se fait laborieusement.

Le cas particulier des lycées professionnels

Au contraire des LGT qui proposent, le plus souvent, des thématiques distinctes, il semble que les lycées professionnels aient conçu plus fréquemment des programmations d’activités articulées en cycles. Les équipes, la plupart du temps, ont pris appui sur l’entretien d’accueil personnalisé, utilisé non seulement dans sa dimension « accueil » mais aussi dans sa dimension « analyse des besoins de formation ».

Une idée qui fait néanmoins son chemin

Après une période où les enseignants étaient, dans leur ensemble, très réservés, voire hostiles, il semble que l’idée de l’accompagnement fasse son chemin aussi bien auprès des personnels que des élèves. Cependant, la pression sur les moyens rend les équipes inquiètes quant à la pérennité des expériences actuellement réalisées. Un soutien plus clair du corps d’inspection est souvent réclamé, malgré la prise de conscience que tout l’accompagnement ne peut être piloté du seul point de vue des disciplines.

L’organisation : des besoins nouveaux

Le conseil pédagogique n’est pas toujours en capacité de coordonner réellement les dispositifs, soit qu’il n’ait pas été saisi des projets par les équipes, soit que les projets aient été mis au point individuellement par chaque professeur intervenant, soit que le conseil n’ait pas été considéré comme suffisamment représentatif par les équipes.

La plupart des proviseurs craignent de devoir renoncer à l’organisation mise au point cette année, quand il faudra mettre en place l’accompagnement dans le cycle terminal. En effet, l’accompagnement exerce une forte pression sur les moyens, tant en termes d’emplois du temps (notamment pour ménager des moments de concertation des équipes) qu’en termes de locaux (petites salles souvent en nombre insuffisant, CDI trop petits ou surchargés).

Enfin, la prise en considération de la spécificité du travail collectif exige l’intégration des temps de concertation dans les activités professionnelles et l’émergence d’un niveau fonctionnel intermédiaire pour faciliter le travail collectif. Il devient nécessaire de désigner un coordonnateur disponible (c’est-à-dire partiellement déchargé d’enseignement) pour assurer la continuité des équipes et leur mémoire pédagogique.

L’emploi du temps

C’est la mise en barrette des séances d’accompagnement sur deux ou trois classes qui semble privilégiée, mais la possibilité de faire passer les élèves d’un groupe à l’autre en cours de séquence est rarement utilisée.

Les séquences sont en général organisées selon des cycles périodiques : souvent entre deux congés ; parfois, une première période avant la Toussaint puis après une périodicité calée sur le trimestre.

Pour que les élèves et les familles aient une bonne visibilité de l’accompagnement, il semble important qu’il se présente sous forme de cycles, dont les objectifs (et non les thématiques) sont clairement affichés et mis en rapport avec des plans de travail personnalisés.

La composition des groupes

La composition des groupes est très variable : groupes de niveau, groupes hétérogènes aléatoires (selon la demande des élèves), groupes de compétences en langues. De même, la  répartition des élèves en leur sein obéit à des choix divers. Un établissement, par exemple, propose simultanément un ensemble de séances parmi lesquelles les élèves peuvent choisir en fonction de leurs besoins ou des conseils donnés par les professeurs. D’autres préfèrent que les professeurs désignent les élèves bénéficiaires.

La taille des groupes varie également de façon importante, mais la moyenne s’établit autour de quinze élèves, ce qui est fréquemment estimé comme excessif par les professeurs.

Et la formation ?

Tous les établissements regrettent la faiblesse, voire l’absence de formation et les difficultés que les proviseurs rencontrent dans la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement de leurs équipes.

Les équipes demandent à être elles-mêmes accompagnées, pour analyser leur travail, l’évaluer et l’améliorer.

D’une manière générale, les pratiques changent lentement : le travail en équipe n’est pas acquis, la pluridisciplinarité, la dimension transdisciplinaire de l’aide et la conduite d’une analyse réflexive dans le cadre de l’apprentissage du travail personnel ne sont pas familières, de même que l’articulation de l’orientation et de l’aide aux apprentissages, rarement envisagée.

L’expérience des entretiens d’accueil personnalisés en LP montre qu’une double formation se révèle nécessaire sur la conduite de ces entretiens et sur l’analyse des besoins de formation. Leur expérience acquise sur ce point gagnerait à être transposée en LGT.

Une réflexion approfondie sur les différentes fonctions de l’évaluation et sur la contractualisation de l’accompagnement (élèves, famille, équipe pédagogique) semble être également une priorité de formation dans les LGT.
Avec le recul d’un trimestre, de nombreuses équipes considèrent qu’il faudrait adapter l’organisation aux besoins des élèves. Ce qui signifie notamment définir des objectifs plus clairs, mais ceux-ci sont difficiles à déterminer dans les conditions actuelles : manque de continuité de l’information entre les collèges et les lycées, manque d’anticipation dans l’organisation des dispositifs, faible niveau informatif des évaluations en termes de besoins d’apprentissage, obligation de rendre l’organisation de l’accompagnement compatible avec les autres missions du lycée…

Françoise Clerc
professeure émérite en sciences de l’éducation
Extraits de l’analyse des résultats

On pourra lire en complément les positions d’éducation & devenir.


Le cadre de la mise en place

Depuis la rentrée 2010, dans le cadre de la réforme, les lycées d’enseignement général et technologique ont dû mettre en place un nouveau dispositif : l’accompagnement personnalisé. Intégré à l’horaire des élèves, il se déroule sur soixante-douze heures annuelles, soit deux heures par semaine en moyenne. C’est un temps d’enseignement distinct des heures de cours traditionnelles et destiné à tous les élèves. Il inclut plusieurs activités :

  • un soutien aux élèves qui rencontrent des difficultés ;
  • un approfondissement de connaissances ou une autre approche des disciplines étudiées ;
  • une aide à l’orientation qui s’appuie sur le parcours de découverte des métiers et des formations.
  • Il est à noter que ce dispositif existe depuis la rentrée scolaire 2009 pour les élèves de baccalauréat professionnel, dans le cadre de la nouvelle voie professionnelle : 210 heures, à répartir sur les quatre-vingt-quatre semaines du cycle de trois ans.