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La maternelle, école première et fondatrice. Construire le socle éducatif, cognitif et culturel

L’auteur l’affirme d’emblée : l’avenir scolaire de l’enfant se joue à la maternelle. C’est en étudiant l’histoire et surtout le fonctionnement actuel de cette école qu’elle s’attache ensuite à le démontrer.
Héritière d’une longue tradition d’accueil du jeune enfant, la pédagogie de la maternelle s’est nourrie des apports des psychologues qui ont étudié les diverses formes d’intelligence des enfants, et des pédagogues : l’auteur le rappelle, avec un « zoom » sur Maria Montessori, Piaget, Wallon, Vigotsky et les recherches actuelles, en une synthèse claire et précise.
L’un des rôles de la maternelle est de faire de l’enfant un élève, ce qui implique la séparation d’avec la famille, la découverte d’un nouveau milieu et la socialisation afférente, ainsi que l’entrée dans des apprentissages structurés. L’auteur s’intéresse donc aux liens avec les parents, qui doivent « accepter de partager leur influence éducative » et plaide pour le partenariat avec eux, la coéducation ; elle traite ensuite de quelques outils qui aideront à l’accueil de l’enfant : le cahier de vie qui assure la transition entre vie à l’école et vie hors l’école, les rituels qui rassurent (même si ce n’est pas leur seule fonction), le panier à doudous qui permettra de se séparer progressivement de cet objet si cher aux plus petits…
C’est aux apprentissages qu’est consacrée la partie centrale de l’ouvrage. Un chapitre montre en quoi la maternelle contribue à construire les compétences du socle commun, puis chaque domaine d’activités[[Le livre a été publié en juin 2008 et les nouveaux programmes de l’école l’ont été au BO du 19 juin, : l’auteur s’appuie donc sur les programmes de 2002. Mais ce n’est pas gênant, les grandes lignes étant les mêmes en ce qui concerne l’école maternelle.]] est développé : vivre ensemble, agir et s’exprimer avec son corps, découvrir le monde (donc math, sciences, techniques, structuration du temps et de l’espace), apprentissages artistiques. La progression des objectifs d’une section à l’autre est abordée, des types d’activités sont suggérés, tantôt rapidement, tantôt de façon plus détaillée, comme pour le jeu mathématique ou la mise en place du carnet de dessin. Tout un chapitre est consacré au langage, « objet et outil d’apprentissage » et à la découverte de l’écrit. Au long de ces pages, l’auteur indique systématiquement les référents théoriques, empruntant à divers domaines de recherche, sur lesquels se fondent la détermination des objectifs et les choix de tâches à proposer aux élèves : citons seulement, à titre d’exemples, les passages consacrés au schéma corporel, à la différence entre activités graphiques et activités d’écriture ou à la conscience phonologique. Le va-et-vient entre théorie et pratique est constant, jamais applicationniste.
Mettre en œuvre un programme aussi ambitieux, construire « le socle éducatif, cognitif et culturel » de la scolarité ultérieure, cela exige des enseignants professionnels solidement formés. Un chapitre est alors consacré à quelques gestes professionnels importants du maître de maternelle (qui est souvent une maîtresse !) : étayer et désétayer l’enfant dans ses apprentissages, interagir avec lui dans le langage en adoptant un « parler professionnel » dont l’auteur indique les caractéristiques, évaluer, observer finement pour repérer les difficultés d’apprentissage et les éventuels troubles du langage (dont le dépistage relève ensuite du médecin scolaire et non du maître), travailler avec les parents…
Dans le cadre des évolutions actuelles de l’école, sur lesquelles s’achève l’ouvrage, l’auteur aborde la question de la scolarisation des « deux ans », un problème récurrent depuis des années. Elle en affirme et démontre l’utilité pour peu qu’existent les moyens de bien accueillir ces tout-petits… ce qui ne va pas dans le sens des dernières déclarations ministérielles sur ce sujet. Elle réfléchit enfin à la façon dont l’école peut accueillir les enfants porteurs de handicap, comme le veut désormais la loi.
Longtemps considérée comme le fleuron du système éducatif français, la maternelle a fait l’objet de critiques depuis quelques années et semble entrer dans une zone de turbulences. La lecture de ce livre confirme que c’est une véritable école, nécessaire, aux objectifs ambitieux, dont les maîtres ont besoin de solides connaissances dans des domaines diversifiés (psychologie, sociologie, pédagogie, didactique, disciplines académiques…) et de savoir-faire réfléchis. Au moment où la formation des maîtres est en chantier, osons espérer que toutes les parties prenantes à cette réforme auront cette exigence présente à l’esprit.

Élisabeth Bussienne