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La description… quelle importance ?
Ce numéro se fonde sur un constat : celui de l’insuffisance des études sur la description qui a été jusqu’à présent, essentiellement étudiée dans une perspective typologisante, en référence aux textes littéraires (principalement naturalistes). Malgré certains effets de connaissance, cela s’avère en grande partie inapproprié pour appréhender la description dans ses différentes dimensions : organisation, fonctions, diversité de ses réalisations sociales, etc. Cela demeure aussi d’un intérêt limité pour comprendre les problèmes auxquels se confrontent les élèves, voire pour fonder des séquences d’enseignement destinées à les aider à surmonter leurs difficultés.
Ce constat, qui a généré depuis trois ans les recherches de l’équipe THEODILE [[THEODILE : Équipe de recherche : « Théories didactiques de la lecture écriture « , Université Charles-de-Gaulle, Lille III]] et a suscité un numéro de Pratiques [[Pratiques, n’ 99, La description, septembre 1998.]] et un ouvrage [[Y. Reuter, éd., La description, théories, recherches, formation, enseignement, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1998.]], trouve un prolongement et un élargissement dans ce numéro des Cahiers pédagogiques qui, tout à la fois, cherche à diffuser auprès d’un public plus large que le cercle restreint des chercheurs ce renouveau des recherches, qui approfondit certaines pistes et en ouvre d’autres (notamment sur la description dans les autres disciplines).
À l’encontre de nombre d’idées reçues, la fonctionnalité de la description est ainsi reconnue : comme outil méthodologique dans de nombreuses disciplines, comme « phase » indispensable (de construction des données, de contrôle des interprétations … ) dans les activités de recherche, comme instrument d’objectivation des pratiques en formation, etc.
La diversité de ses modes de présence est aussi affirmée : à l’écrit comme à l’oral, dans les petites annonces matrimoniales, dans la description de métier des offres d’emplois, dans le discours des enseignants sur les élèves. On perçoit, à ce simple relevé que les enjeux qui lui sont liés sont loin d’être anodins… Diversité des modes de présence encore dans les différentes disciplines : français bien sûr mais aussi langues, histoire et géographie, sciences de la vie et de la terre, philosophie… La place nous a manqué dans ce numéro pour en convoquer d’autres encore (EPS, arts plastiques … ) mais l’important est sans doute ici de sortir du cadre au sein duquel la description n’est pensée que comme objet d’étude en français pour se rendre compte de sa fonction d’outil méthodologique, d’outil de construction des savoirs dans la majeure partie des disciplines scolaires. A l’heure où l’on envisage une épreuve interdisciplinaire au baccalauréat, où l’on insiste aussi sur la nécessité du travail en équipe, aussi bien des élèves que des enseignants, il n’est sans doute pas inutile de réfléchir à ces instruments transversaux…
La diversité des modes de présence de la description touche d’ailleurs le français lui-même: selon les classes, le type de support (textuel ou iconique, fixe ou mobile), le type d’exercice demandé (décrire, analyser, interpréter).
À l’encontre encore de nombre de clichés, ce numéro permet d’appréhender que la description est organisée, même s’il convient de distinguer entre des principes généraux et des variations, liées par exemple aux conventions propres à tel genre ou à telle discipline, même s’il s’agit aussi d’élargir l’analyse à l’ensemble des notations disséminées dans un texte qui participent à l’effet descriptif.
La complexité de la description est aussi soulignée : en raison de ses relations avec différents cadres théoriques, en relation avec ses visées variables selon les situations, en relation avec ses enjeux de connaissance et avec son imbrication à d’autres visées, complémentaires mais parfois antagonistes (expliquer, argumenter … ), en rapport avec les objets susceptibles d’être décrits (plus ou moins réels, imaginaires, abstraits … ). En fait, comme toute conduite articulant du cognitif et du discursif, la description se développe au risque de tensions : entre objectivité et subjectivité entre contextualisation et décontextualisation, entre sélection nécessaire et ouverture à de l’inattendu. On comprend mieux qu’elle puisse être formatrice mais il convient cependant de construire les conditions pour qu’elle puisse être maîtrisée par les élèves, pour qu’elle ne devienne pas un obstacle dans l’appropriation des connaissances…
De ce point de vue, outre la construction des problèmes qu’il tente de faciliter, ce numéro propose, au travers de divers articles, des réflexions plus directement centrées sur les interventions didactiques possibles (de l’école primaire à l’université).Trois directions – dans diverses disciplines – sont plus particulièrement explorées : l’analyse des instructions officielles et des manuels scolaires, l’analyse de réalisations d’élèves et des problèmes qu’ils peuvent rencontrer, et enfin des propositions de séquences et d’exercices.
Ce numéro des Cahiers pédagogiques n’est sans doute qu’une étape dans le renouvellement des études didactiques sur la description. J’espère, en tout cas, qu’il contribuera à lever nombre d’idées reçues, à diversifier les modes de travail, à mieux appréhender les pratiques descriptives et leurs effets…
Yves Reuter, Université Charles de Gaulle, Lille 111.