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La complainte du changement

 « Tu vas à l’école pour rapporter des bonnes notes », disait ma mère. Je m’y efforçais. Et puis j’ai changé. J’allais à l’école pour le plaisir de l’histoire, la littérature, les sorties de « sciences naturelles ». Les bonnes notes découlaient de mon engagement et non l’inverse. Plus tard, j’ai appris que des experts, psychologues, sociologues, pédagogues avaient montré que le rapport au savoir que j’avais développé ainsi était bien plus prédictif de réussite scolaire à long terme.

Je suis surpris quand j’entends les ministres, qui changent beaucoup ces derniers temps, expliquer que, s’il faut changer d’urgence les programmes et la formation des enseignants, c’est pour avoir de meilleures notes aux évaluations internationales. Et je suis plus surpris encore quand j’apprends que ce sont des experts qui leur soufflent les bonnes façons de faire ! Les experts ont bien changé ! À moins que les ministres aient changé d’experts, choisissant ceux qui leur disent ce qu’ils veulent entendre ?

Le plus surprenant c’est que ces changements sont envisagés alors que les précédents n’ont pas commencé à faire leurs effets. Étonnant que des experts qui prétendent faire reposer leurs projets sur « la preuve » et les évaluations systématiques oublient de le faire pour les programmes et les modalités de formation des enseignants qu’ils ont eux-mêmes en partie inspirés il y a à peine cinq ans. Ignorent-ils que les résultats en matière d’éducation et de formation s’inscrivent dans le temps long ?

Et je passe de l’étonnement à l’agacement lorsque ces ministres, qui changent souvent sans vraiment changer, disent : « ceux qui ne sont pas d’accord avec nos changements sont des résistants au changement ». Je m’étrangle : quoi ? Alors que notre revue arbore sur sa couverture un slogan qui comprend quatre fois le verbe « changer » ! Nous y donnons la parole, depuis tant d’années, à une grande diversité d’experts ainsi qu’à d’innombrables experts du quotidien qui changent l’école à bas bruit.

Tiens et si, Madame la ministre, vous choisissiez de leur faire confiance, en fixant les grandes orientations, en en donnant les moyens et en autorisant la diversité des façons de faire. Alors ça, ça nous changerait !

Yannick Mével

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