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L’ouverture du collège à la voie professionnelle

Lors des Journées d’automne 2003 [[Voir n° 416, septembre 2003, page 6.]], notre mouvement, le CRAP, a réfléchi à la question : Quel collège pour demain ? Il a répondu par dix propositions en défendant l’idée d’un « Collège pour tous, c’est-à-dire où tous les élèves sortant du collège doivent avoir acquis les mêmes fondamentaux. Cela implique une évolution des pratiques, encouragée par des dispositifs comme les itinéraires de découverte (IDD), l’heure de vie de classe, la pédagogie de projet… Tout élève doit avoir rencontré un aspect du monde et de la formation professionnelle. La connaissance des métiers doit concerner tous les élèves dès le primaire ainsi que la connaissance des outils et des machines d’aujourd’hui. Le brevet doit être transformé (évaluation de compétences disciplinaires, mais aussi transversales, évaluation de l’exposition d’un travail poursuivi toute l’année, etc.). »

Lors d’un atelier de ces journées d’automne, un groupe de travail a tenté d’approfondir la question « Le collège doit-il risquer de s’ouvrir à la voie professionnelle ? » Il a argumenté sa réponse positive en trois points que nous soumettons ici à votre réflexion.

Des actions concrètes à entreprendre

– 1. Former les professeurs à la voie professionnelle par un travail sur leurs représentations à travers des visites et des stages dans les lycées professionnels (LP) et centres de formation d’apprentis (CFA).
– 2. Défendre l’obligation faite aux enseignants de faire des stages en entreprise. Prendre en compte cette formation dans leur avancement.
– 3. Rendre les élèves curieux devant le monde des métiers et des formations, en travaillant sur leurs représentations, sur la connaissance de soi, de leurs goûts et leurs intérêts. On peut, par exemple, utiliser les outils multimédias et papiers que propose l’ONISEP (Office national d’information sur les enseignements et les professions).
– 4. Conduire les élèves en stages en entreprise. Les chambres des métiers ont mis en place des dispositifs adressés aux élèves qui les mettent en contact avec les entreprises et des professionnels. Le rapport de stage que l’élève produit à l’issu de ce moment doit constituer un temps fort dans sa formation. Sous forme orale, il est présenté devant les élèves curieux du domaine présenté et devant plusieurs adultes qui évalueront son analyse critique du milieu découvert.
– 5. Conduire les élèves en stages en lycée professionnel, stages pendant lesquels ils fabriquent sur des machines avec les professeurs et élèves de LP. Les rectorats commencent à développer des partenariats à l’aide de moyens en heure pour les professeurs de LP et de collège. On peut imaginer à l’issu de ce stage, un type de rapport oral analogue à celui évoqué ci-dessus. Des points de vue divergents permettront un échange riche sur ce que peut apporter tel ou tel lycée professionnel.
– 6. Installer des classes à projet technique et professionnel (PTP) en s’inspirant des classes à projet culturel ou sous forme d’itinéraires de découverte. Maintenir et développer l’option technologie en 3e.

Faire un suivi des élèves du collège partis en LP et les inviter à venir parler de ce qu’ils font.
– 7. Encourager les projets d’établissement et les IDD capables de fédérer l’établissement sur des réalisations issues de la rencontre avec le monde socio-économique d’un territoire, (exemple : visite et enquête des sels marins de Guérande).

En ce qui concerne l’évaluation

– 1. Introduire dans l’évaluation terminale en collège des travaux collectifs qui mettent en œuvre des compétences techniques, manuelles, artistiques et intellectuelles.
– 2. Inclure dans chaque discipline des critères d’évaluation prenant en compte les savoir-faire techniques et manuels mis en œuvre dans des réalisations, des productions qui trouvent leur sens dans la référence aux pratiques sociales. Par exemple faire un journal avec un logiciel de mise en page, faire produire des textes en français, en histoire avec l’ordinateur pour travailler la langue et le pilotage du traitement de texte (compétences qu’ils acquièrent en technologie), faire une carte en géographie, une fresque du temps en histoire, etc.

Être attentif au savoir-utiliser les outils et machines (outils de mesure ou d’expérience chimique en sciences de la vie et de la terre et sciences physiques, appareil photo, caméscope, magnétoscope, ordinateur dans les réalisations sur projet, etc.).
– 3. Donner du temps à chacun pour réussir une tâche complexe minimale en réaffirmant le droit à l’erreur.
– 4. Continuer à évaluer en termes toujours positifs et supprimer le mot « lacune ».
– 5. Inclure dans le socle commun exigible et évaluable les compétences techniques et manuelles « qu’un élève en fin de 3e au XXIe siècle ne peut se passer d’ignorer ».

Les expériences menées dans ce sens, avec un projet incluant une production et une ouverture sur le monde professionnel, montrent qu’il n’est pas toujours facile de convaincre ni les élèves, ni les collègues, sous prétexte que « ce n’est pas ce qui sera évalué » ou que « ce n’est pas dans le programme ».
– 6. Évaluer les capacités d’observation, de questionnement, d’analyse mise en œuvre lors des stages en entreprise et en lycée professionnel et dont les élèves rendent compte devant un jury composé de membres différents de la communauté éducative.

Les dérives auxquelles il faut échapper

– 1. Travailler contre la tendance des enseignants à s’identifier à leur discipline en oubliant ou rejetant tout ce qui n’est pas du champ de leurs compétences. Tous les enseignants sont concernés par l’ouverture au monde professionnel dans leur contenu disciplinaire, en parlant chaque fois que c’est possible, du métier auquel se réfère telle ou telle de leurs pratiques (en particulier lors de leur fonction d’animateur de l’heure de vie de classe). Le professeur principal, correspondant privilégié de la personne ressource qu’est le conseiller d’orientation psychologue, et relais auprès des familles a une place privilégiée dans cette action.
– 2. Surtout ne pas (re)créer des classes à profil qui regrouperaient que les « mauvais » élèves, puisqu’il s’agit de valoriser la voie professionnelle !
– 3. Lutter dans les établissements contre une orientation précoce qui enferme dans un choix dès la préadolescence.

C’est, semble-t-il, sur ce dernier point qu’il nous faudra être le plus vigilant. Même si les déclarations du ministre Ferry et le rapport Joutard (nouveaux programmes de technologie) affirment que l’ouverture vers la voie professionnelle n’est pas une orientation, nous sentons bien que ce sera la dérive qu’il faudra éviter.

Notes prises par Monique Ferrerons et Roxane Caty-Leslé.