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L’évaluation par ceintures, inquiétant ou rassurant ?

Tous les ans, des collègues s’inquiètent pour moi, craignant une réaction négative des parents qui n’accepteraient pas que leur enfant ne soit pas noté « sur sa copie ». Je dis « sur sa copie » car, dans mon système d’évaluation par ceintures, je mets une moyenne trimestrielle (étant le seul professeur du collège à travailler de la sorte, je dois remplir les bulletins comme les autres). Ces parents, dont on aurait tant à craindre les foudres, sont souvent surpris en début d’année quand leur enfant leur explique le principe de l’évaluation par ceinture. D’abord surpris, puis rassurés car ils voient une motivation chez leur enfant, une volonté de « réussir la ceinture ». Ils me disent qu’ils n’ont pas à rappeler qu’il faut réviser, et sont étonnés d’entendre : « surtout, il ne faut pas que je rate ma ceinture ! » ou encore « attention, demain je passe ma ceinture, c’est important ! ».

Je dois avouer que souvent, lorsque j’entends ces propos, je suis moi-même surpris. Mais ce qui me paraît encore plus important dans mon métier d’enseignant, c’est quand une mère d’élève, accompagnée de sa fille, toute souriante, me dit : « Merci. Merci pour ce que vous faites car ma fille a systématiquement mal au ventre avant les contrôles. Pas avec les ceintures. » Je me tourne alors vers l’enfant et lui demande pourquoi. Elle me répond qu’elle ressent une motivation importante pour réussir l’épreuve, et qu’elle se sent rassurée car elle a une deuxième chance, « un filet de protection » qui n’existe pas avec la notation traditionnelle. En effet, toute ceinture ratée est repassée par l’élève. Jusqu’à la réussite. Etant donné que je donne une moyenne chiffrée à la fin du trimestre, les passages de ceintures sont transformés en notes (les élèves partent tous de 20 et perdent 4 points à chaque passage raté). Mais ceci a peu d’importance pour cette élève, ce qui compte pour elle est de se savoir « protégée » et, en cas d’erreur, de pouvoir se rattraper. Malgré cela, les ceintures gênent certains élèves, souvent de bons élèves, car ils peuvent perdre 4 points pour une petite erreur…

Je m’aperçois que mes exigences sont plus fortes qu’avant, pour les élèves comme pour moi. En effet, ce système de ceintures, s’il donne de grandes satisfactions, notamment en classe ou au travers des retours des parents, n’est pas confortable. Je me sens constamment sur la brèche, dans le doute et l’incertitude car dans une pratique « à part », qui fait parfois sourire et n’est pas prise au sérieux, mais aussi agace et peut gêner.

Emmanuel Picart
Professeur d’Histoire Géographie
Collège Massey, Tarbes.