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L’Élément : Quand trouver sa voie peut tout changer !
Comme beaucoup d’entre vous, sans doute, j’ai découvert Ken Robinson grâce aux très nombreuses réactions sur Twitter à propos de sa vidéo : changer l’Education. Puis il y a eu sa conférence «Comment l’école tue la créativité» (2006). Et enfin la parution de son ouvrage : L’Élément : Quand trouver sa voie peut tout changer ! dont on peut voir la présentation dans un entretien avec Emmanuel Davidenkoff qu’il clôture en répondant a la question « Le changement est-il en cours ? » de la manière suivante : « Je le crois, et il vient de la base – élèves, enseignants, parents et personnalités locales. C’est toujours ainsi que démarrent les véritables révolutions. »
On pourrait interpréter ce livre comme une trace de cet hyper-individualisme qui gagne notre époque. La réussite et le bonheur supposent une forme d’adéquation entre soi et… soi. Il y aurait une vérité de chacun, et réussir reviendrait à la reconnaître, l’accepter et la mettre en œuvre dans ses activités qu’elles soient professionnelles ou personnelles. Une autre critique qui peut être présentée, c’est la liste impressionnante de récits de vie de personnes. Tout cela pourrait donc vous donner des boutons. Mais il faut y regarder de plus prêt.
L’Élément, c’est l’ensemble des talents, passions, aptitudes qui nous sont propres. Mais leur reconnaissance ne va pas de soi puisque les attentes de la famille, du système scolaire, des amis, plus tard du monde professionnel, de la culture, réduisent ou ignorent la diversité des intelligences, des motivations, des intérêts des personnes.
Les récits que Ken Robinson rapporte montrent l’importance d’au moins deux éléments pour la reconnaissance de l’Élément, et son développement. D’une part l’action d’un mentor qui opère cette «reconnaissance» et la valide. Il sert également de protecteur pendant que s’opère l’acceptation de l’Élément, par la personne elle-même. Et puis il y a la tribu, le groupe, le réseau de personnes avec qui cet Élément peut être partagé, cultivé, développé.
Et ces rencontres n’ont rien à voir avec la chance, même si souvent les personnes elles-mêmes le formulent ainsi. Il s’agit d’occasions saisies et provoquées, de recadrages de situations à priori défavorables grâce à une aptitude à voir selon différents points de vue. Mais, «tous les systèmes scolaires [au monde] nous inculquent une vision très restreinte de l’intelligence, en surévaluant certains types de talents et d’aptitudes. […] Cette approche stratifié et unifiée de l’enseignement marginalise tous ceux qui n’ont pas une tendance naturelle à apprendre de cette manière.» (p. 20.)
Les débats actuels sur le socle et la Refondation seraient éclairés par la lecture de ce livre qui fait quelques recommandations. Supprimer la hiérarchie actuelle des matières et même revoir cette notion de matières, et surtout personnaliser l’enseignement. Les réformes actuelles dans le monde se centrent essentiellement sur le contenu d’enseignement et son évaluation et rarement sur la pédagogie. C’est pourtant là l’essentiel. Les systèmes éducatifs les plus réputés au monde «investissent dans les professeurs. En effet, les élèves réussissent mieux quand on comprend leurs talents, leurs attentes et leurs compétences. Voilà pourquoi le mentorat est d’un tel secours dans la vie de tant de personnes. Les professeurs formidables ont toujours su que leur véritable rôle consiste non pas à enseigner une matière, mais à éduquer un élève, le mentorat est le souffle vital d’un système éducatif.»
La lecture du Hors série des portraits de Monique Royer publié par les Cahiers pédagogiques sera un excellent prolongement à celle du livre de Ken Robinson. Florence Castincaud dans la préface écrit : « On trouve en effet dans ces “courts métrages” une extrême diversité de façons de faire de motivations, de compétences, de domaines d’innovation, du primaire au lycée et au lycée professionnel, de la France à l’étranger, auprès d’élèves petits ou grands, de banlieue ou de campagne, certains en situation de handicap, d’autres dans des zones de conflit, etc. On ne tirera pas de ces pages un portrait-robot de l’enseignant innovant, ni une méthode en cinq ou dix points de la réussite pédagogique. » Et plus loin, « L’avenir n’est pas aux héros solitaires, même si chaque individu a sa responsabilité. Les acteurs de l’éducation qui s’expriment à travers ces pages sont plutôt les hérauts d’une conception de métier où l’engagement de chacun dans des équipes accroit le pouvoir collectif de faire advenir une école plus juste. »
« Ce sont des gens qui ont cessé depuis longtemps d’“avoir peur de tout”… » écrit Florence Castincaud. Et s’il pouvait en être ainsi pour les élèves, et qu’ils reconnaissent plus facilement leur Élement ?
Bernard Desclaux