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L’éducation peut-elle être encore au cœur d’un projet de société ?

La réponse est bien entendu « oui », au sens de « oui, elle doit l’être », alors même que les thèmes d’éducation et de projet ne sont plus tellement au cœur des débats concernant l’école. Dans ce petit livre, Philippe Meirieu, avec le concours de Pierre Frackowiak, tous deux honnis des antipédagogues, démolit quelques idées fausses et met l’accent sur ce qui devrait être essentiel. Non, l’école de Jules Ferry n’était pas une école de l’égalité et de la réussite de tous, mais elle n’était pas non plus ce pur lieu de « transmission des savoirs ». Et les auteurs d’insister sur l’importance, pour les pères de l’école républicaine, de la lecture comme « moyen de vérifier ce que dit autrui » et comme outil critique. Et si l’on parle d’héritage, on pourrait peut-être évoquer davantage le travail formidable de Jean Zay, trop oublié aujourd’hui.
Non, les pédagogues ne sont pas les ennemis de la culture et des savoirs, bien au contraire, seule la pédagogie permet de « ne pas se payer de mots » et de rendre vraiment possible la transmission et l’appropriation de ceux-ci. Face aux méfaits d’une société hypermarchande, ce qu’on appelait déjà il y a quarante ans la « société de consommation », l’école peut proposer des alternatives si elle sait se montrer à la hauteur des défis actuels. Or, « les antipédagogues assènent leur désespérance éducative et présentent le dressage sous toutes ses formes comme la condition de notre survie » et « discréditent tout effort pour mobiliser les élèves, leur donner le goût d’apprendre »…
Les auteurs pourfendent une vision minimaliste du socle commun, présente dans les programmes du primaire (mais est-il bien juste d’appeler cela « socle commun » et pourquoi ne pas montrer que le socle peut tout à fait être autre chose, être un outil d’émancipation ?) et avancent quelques propositions pour favoriser la triple démarche : expérimentale, documentaire et créative, condition pour former le citoyen actif dont la société a besoin. Ils appellent en conclusion à un dépassement des clivages idéologiques, ce que certains systèmes éducatifs qui marchent bien ont réussi à faire et qui pourrait reposer sur deux idées force : la promotion de la société de connaissance et le développement de la formation tout le long de la vie.
Un petit livre utile dans la confusion qui règne actuellement en matière d’école et qui pourrait contribuer à l’émergence de débats enfin féconds.

Jean-Michel Zakhartchouk