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Jul : « L’école résonne avec le monde alentour »

Jul. Copyright Dargaud - Cécile Gabriel

Jul. Copyright Dargaud - Cécile Gabriel

Jul. Copyright Dargaud – Cécile Gabriel

Le dessinateur Jul a fait toute sa scolarité de la maternelle jusqu’à l’entrée au lycée à l’école Decroly, à Saint-Mandé. Ou comment une scolarité dans cette école pas comme les autres influence une vie d’adulte.
Comment êtes-vous arrivé à l’école Decroly ?

Mes parents étaient des enseignants soixante-huitards, antisystèmes. Comme on habitait à Champigny, ils ont donc choisi ce système alternatif. J’y suis resté de la maternelle à la 3e. C’est une école où j’ai appris le mot «croquemort» en maternelle, à cause des manifestations contre la mairie de Paris qui voulait supprimer nos subventions (l’école dépendant de la ville de Paris à l’époque) : «Chirac, croquemort, Decroly n’est pas mort !» Il y avait aussi un élevage d’animaux. Une des préconisations de l’école, c’est de s’intéresser au monde alentour.
Pendant tout le collège, on nous serinait que c’était horrible dehors. On nous a préparés à un choc, mais nous avons presque tous été agréablement surpris, parce que ce n’était pas si terrible, en fait ! Ça devait être de la pédagogie d’anticipation. Nous étions hyperadaptables, au fond.

Et c’est comme ça qu’on devient dessinateur satirique ?

Oui, c’est certain, cela vient de l’esprit contestataire de l’école ! L’esprit critique est quelque chose de commun à tous ceux qui sont passés par Decroly : apprendre à questionner ce qui est présenté comme une évidence, comme quelque chose d’immuable. Je faisais et vendais des journaux en 9e (CE2) : tout le monde achetait Le Julien déchainé ! J’étais encouragé par l’ambiance. Et mon professeur avait conseillé à mes parents de m’acheter la Rubrique-à-brac de Gotlib. Ç’a été un choc !
Entretemps, j’ai enseigné quelques années, après avoir fait une classe préparatoire littéraire. Je suis très favorable à cette filière, mais il faudrait beaucoup plus de places. Dans ces classes-là, on reçoit une formation qu’on pourrait dire gratuite, puisque presque personne ne réussit le concours. Cela permet d’éviter une hyperspécialisation trop précoce. On en sort avec un univers très riche et très ouvert.

Est-ce qu’on est tenté d’y mettre ses enfants, ensuite, dans cette école ?

Eh bien, il y a des questions techniques, ou plutôt immobilières : je n’habite pas vraiment à côté, mais si j’avais été à proximité, j’aurais tout fait pour les y mettre. Sauf que c’est aléatoire : on y entre par tirage au sort. Jusqu’ici, ça va pour eux, ça se passe bien, mais je suis quand même vigilant sur le côté «pensionnat de Chavagnes» qu’on peut parfois croiser dans le système normal : la concurrence entre les enfants, les punitions, la discipline, pas une oreille qui ne doit dépasser.

Jul ministre de l’Éducation nationale, ça donnerait quoi ?

Je préfèrerais ministre de l’Environnement ! Pour l’éducation, le problème est trop vaste.
Je crois qu’on ne peut pas appliquer un système normatif. Il faut faire au cas par cas, laisser plus de souplesse d’une école ou d’un établissement à l’autre. Parce qu’au fond, peut-être y a-t-il des endroits où il est bon de serrer la vis aux enfants ?
J’appliquerais quand même quelques principes. En premier lieu, la suppression des notes au profit d’appréciations, pour être soi-même sa propre mesure et ne pas se jauger par rapport aux autres, ne pas être dans la compétition. Et puis, il faudrait que les parents puissent être impliqués dans l’école. L’école résonne avec le monde alentour, ce n’est pas un lieu à part. Mais il faudrait aussi inverser la hiérarchie des valeurs pour que l’école soit ultravalorisée, pour que le métier de professeur soit plus attractif pour les meilleurs. Quand j’étais petit, «riche» était une insulte à l’école, c’était stigmatisant : j’ai vécu dans un monde où c’était infamant de gagner de l’argent. Et pourtant c’étaient les années quatre-vingt, les années fric, les années pub. Dans l’idéal, il faudrait un monde où personne n’ait envie de gagner plein d’argent, sauf en n’ayant pas le choix.

Propos recueillis par Cécile Blanchard


Bibliographie
Derniers ouvrages parus de Jul : Silex and the City, tome 6.
Merci pour ce Mammouth, Dargaud, 2015 ;
La Planète des Sages. Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies (avec Charles Pépin), tome 2, Dargaud, 2015.

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Article publié dans notre n°529, Des maths pour tous, coordonné par Guillaume Caron et Rémy Duvert, mai2016.

Plus que jamais, la question des « mathématiques pour tous » se pose. Elle implique qu’on cesse d’appliquer partout et à tous le même « traitement » mathématique, et qu’on prenne en compte le rapport spécifique aux maths que chaque élève a construit en fonction de son histoire scolaire, familiale, et personnelle.

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/640-des-maths-pour-tous.html