Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !
Jouer collectif pour une éducation démocratique

Djéhanne Gani fait connaissance avec le Café pédagogique d’abord en tant que lectrice. Elle enseigne alors l’allemand dans un collège de Réseau d’éducation prioritaire. « Je suis arrivée dans cet établissement par hasard, je ne me projetais pas professionnellement en collège et en éducation prioritaire. Mais c’est là que j’ai appris le métier, que je l’ai profondément aimé. »
Auparavant, elle a été enseignante stagiaire en Alsace, est passée par la Normandie, a été TZR (titulaire de zone de remplacement) en région parisienne, a interrompu son parcours de prof pour préparer une thèse sur l’écrivain autrichien Hermann Broch.
Pendant onze ans, dans ce collège, elle s’est trouvée à sa place avec un poste qui correspondait à sa conception de l’école, pour une éducation émancipatrice. Son parcours d’élève a été sans histoire, mu par un bonheur simple d’apprendre dans des établissements où l’urgence sociale se faisait peu sentir. « Ma mère était éducatrice spécialisée. Ma sensibilité aux inégalités, à l’importance de la part sociale de l’école, vient sans doute de là. L’école était placée au cœur de notre éducation à la maison, dans cette foi que l’école sera le moyen de la réussite. Une grande place était faite aux livres, à la culture, parfois à défaut d’autre richesse. »
En enseignant l’allemand auprès d’élèves pour qui c’est la première langue vivante, elle tisse une relation pédagogique au long cours durant les quatre ans de leur scolarité au collège. Elle s’attache à éveiller la curiosité. « L’allemand est pour moi un détour pour passer dans l’altérité d’une culture, c’est un détour par l’autre, par l’ailleurs, vers des questions universelles. » Elle apprécie aussi dans l’éducation prioritaire les liens humains avec les collègues et, au-delà, avec les familles, les associations, qui permettent d’investir la coéducation. Elle perçoit là la force de l’engagement individuel et collectif pour la réussite des élèves, leur place dans la cité.
En reprenant le chemin de l’enseignement après sa thèse, elle « passe de la théorie à l’action », tout en conservant un certain recul pour observer, analyser, partager et militer. Dans le préambule de son blog « Parce que ! », elle explique son engagement associatif et politique : « Je milite pour une école de toutes et tous, une école de la joie, une école des liens, de l’apprendre, ensemble. L’école ne doit-elle pas donner l’envie, les outils et le plaisir d’apprendre pour toute la vie dans une société de l’accélération et du changement, dans une société où l’éducation peut être permanente et partout? »
Rejoindre le Café pédagogique lui semble logique. Elle le lit comme « un média engagé qui fait le lien avec l’écosystème de l’éducation ». Il y a deux ans, elle contacte Lilia Ben Hamouda, alors rédactrice en cheffe du Café, pour lui proposer des articles sur la politique éducative, l’éducation prioritaire, la voie professionnelle, le métier de prof et l’enseignement de l’allemand. Elle s’implique dans le collectif, se régale à contribuer et, en cette rentrée, prend le relais de Lilia qui elle-même a succédé au fondateur du média, François Jarraud.
Le changement est accompagné d’un renouveau du site avec une nouvelle mise en page et du bleu qui se substitue au marron. Il n’est pas révolutionnaire, l’objectif étant principalement d’offrir plus de lisibilité, en phase avec les modes de lecture numérique actuels. Des questions de fond demeurent, celles liées au financement en particulier. « L’indépendance a un cout. Y faire face repose sur l’engagement et donc les adhésions à l’association. »
Le modèle de gouvernance, fondé sur le collectif, est également un enjeu, avec une équipe de rédacteurs dispersés sur le territoire. « Comment garantir un fonctionnement collectif, comment faire en sorte que je sois une cheffe d’orchestre en résonance avec toutes et tous, que je sois le moins isolée possible ? » L’idée est d’organiser régulièrement des réunions de rédaction en visio, pour que les rédacteurs se connaissent, échangent sur les sujets à traiter.
Ils ont en commun une certaine vision de l’école, avec la démocratisation au fronton de la ligne éditoriale, le souci de montrer les difficultés « sans être dans un discours décliniste ». « Comment être dans une forme d’honnêteté, de lucidité, mais aussi dire que c’est un métier qui a du sens, pour lequel on se bat, de monter une forme de résistance dans l’école avec ce qu’il y a de douloureux mais aussi de beau ? ». L’engagement militant pour les valeurs de l’école publique, de l’école mixte en tant que modèle de société est clairement revendiqué.
Pour la première fois en juin, le Café pédagogique a affiché une position politique en appelant à voter pour le Nouveau front populaire. « L’idée de tribune s’est vite imposée. L’école, c’est politique, et il y a une responsabilité des politiques sur la question de l’école inégalitaire, celle qui fabrique des ressentis extrêmement dangereux pour la démocratie. »
Pour bien relayer l’actualité éducative, les inquiétudes et les réussites, les orientations politiques, les échos de la recherche et du terrain, l’équipe souhaite s’étoffer, s’ouvrir à d’autres disciplines et à la vie scolaire. Le rythme quotidien des publications, avec une discipline à la une chaque jour, est très soutenu pour la dizaine de rédacteurs réguliers complétée par des contributeurs ponctuels. L’enjeu pour le collectif est de continuer à faire vivre un lieu « qui permet de former les collègues alors que la question de la formation est importante ; qui donne un accès gratuit aux ressources, qui parle de politique de l’éducation et de pratiques de terrain, avec un regard qui porte nos valeurs ».
Pour aller plus loin
Le site du Café pédagogique.
Parce que !, le blog de Djéhanne Gani.