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Jean-Luc Boiré, illustrateur de conviction
Ce sont nos dessins de presse. Les derniers auteurs en date ? Vidberg, Pol Le Gall, Lecroart, Dum, Joëlle Pichon, Koch, Jacques Risso, Borris, Vincent Caut, Antoine Legrand. Vous voyez que leurs noms vous disent quelque chose ! Certains sont des enseignants qui dessinent, d’autres des professionnels du dessin. Et on ne sait pas, au premier coup d’œil, les différencier.
Jean-Luc Boiré, un nom que l’on retrouve depuis longtemps au bas de nos dessins de presse, est dans la catégorie poids lourds : c’est un pro. Un pro du trait. Un pro du message aussi. Puisque ses dessins laissent souvent derrière eux un parfum qui se diffuse et vous suit. Longtemps. Essayez.
– Jean-Luc Boiré : Content d’avoir travaillé pour vous ce mois-ci. Avec les Cahiers pédagogiques, je peux accompagner des gens portés par des convictions et qui transmettent une pensée, une réflexion. C’est ce qui fait que je me retrouve à illustrer une des revues des Ceméa ou des revues politiques et syndicales. J’aime ça.
– Cahiers pédagogiques : Aux Cahiers, vous êtes à la bonne porte, alors effectivement ! Mais qu’est-ce qui amène à cette activité, Jean-Luc ? Est-ce qu’on tombe dedans tout petit ?
– Ce n’est pas mon cas, puisque je suis issu du milieu agricole. Mais j’ai grandi dans une ville de banlieue. Ma rencontre avec le dessin, elle s’est faite, je pense, dans les bureaux de tabac où l’on trouvait chaque semaine nos comics préférés. La bande dessinée, c’était populaire.
– Les bandes dessinées, jamais la peinture par exemple ?
– Oh si, l’art s’est mis à m’intéresser assez tôt. J’ai découvert Van Gogh au collège, d’ailleurs. Mes parents m’ont encouragé, m’ont acheté des livres d’histoire de l’art qui se terminaient toujours sur l’art abstrait. Et ce qui était fascinant, c’est qu’il n’y avait plus rien après.
– Peut-être alors que vous avez voulu inventer la suite ! Puisque vous peignez aussi.
– Qui sait… En tout cas, ma peinture est plutôt abstraite aussi, joue sur des densités, des matières, des surfaces, des couleurs. Le figuratif, je le garde pour mes dessins.
– Et les mots ?
– Ils sont très peu présents. Avec une entrée poétique, le dessin parle souvent de lui-même. Même si l’inspiration vient de lectures, d’associations de mots, j’aime quand le dessin ensuite se passe du texte. Quand les mots s’y noient.
– On vérifie d’ailleurs ça dans vos dessins de ce mois-ci sur les décrocheurs, oui. La petite fille accablée par son gros cartable sur le dos, le garçon qui ne tient plus à l’adulte que par un fil. Suffisamment évocateurs pour que le lecteur écrive l’histoire lui-même. Votre activité de dessinateur a toujours été votre profession ?
– Non, pas du tout. Mes premières commandes datent de 1989, mais j’ai travaillé un moment comme enseignant en collège. Puis il a fallu que je choisisse entre l’enseignement et l’illustration. Je crois que c’est mon gout pour la solitude qui m’a aidé à décider. Au départ, j’étais tout à fait autodidacte, puis j’ai repris des études d’arts plastiques en fac, par intérêt. C’est là que j’ai découvert les rouages intérieurs qui mènent à l’image.
– L’illustration est-elle aujourd’hui votre activité unique ?
– Non, j’interviens en ateliers artistiques, plutôt sur la peinture que sur l’illustration qui demande des techniques préalables, avec des publics divers : des jeunes déscolarisés, des jeunes en établissement et service d’aide par le travail (Esat), des déficients mentaux. Je me sens plus à l’aise dans ce cadre que dans le cadre scolaire : le poids de l’institution n’est pas là.
Propos recueillis par Christine Vallin