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Jacques George
Il a porté notre histoire

Notre ami Jacques George s’est éteint ce lundi 6 mars. Ses forces déclinaient, mais il gardait son esprit vif et incisif et un humour que nos lecteurs ont souvent pu apprécier. Jacques George avait entrepris de raconter l’aventure du Crap et des Cahiers pédagogiques et était la mémoire de notre mouvement. Lui rendre hommage ici ne peut consister en une solennelle biographie ; nous préférons bien plutôt situer ce qu’a pu être son combat intellectuel et militant et le sens de son engagement.
Je crois d’abord qu’il nous a toujours rappelé l’importance de l’Histoire. On croit toujours réinventer le présent et on ne sait guère resituer dans le temps long les innovations, comme la création du collège unique ou la création des TPE. Il savait insérer des thèmes aussi actuels que l’apprentissage de la lecture, la place des parents, la démocratie, la coopération, dans une diachronie.
En écoutant sa défense vigoureuse d’une grande exigence culturelle, souvent très classique – au risque même de minorer des formes plus nobles qu’il ne le pensait comme la bande dessinée si l’on se rapporte à ce qu’il exprimait dans le dossier des Cahiers sur ce thème, qui aurait pu douter de son attachement au patrimoine culturel, aux legs du passé ? Mais Jacques n’opposait jamais culture et pédagogie et, tout en rappelant l’importance des connaissances disciplinaires, il invitait à cette culture multiforme qu’il voyait à l’œuvre par exemple chez Edgar Morin qu’il avait interviewé pour la revue.
Il a toujours eu une grande passion pour le combat politique. Ayant vécu et accompagné les grandes mutations qui ont atténué le radicalisme soixante-huitard, il avait adhéré à un réformisme qui n’avait cependant rien de tiède : qu’on lise certains de ses billets du mois parfois très contestataires. Il aimait d’ailleurs à rappeler – et pas plus tard que lors de la célébration des soixante ans des Cahiers – qu’il ne suffisait pas de se dire « de gauche » pour faire vivre les idées de gauche à l’école comme il le disait dans ce numéro de 1978 qu’il affectionnait particulièrement : « Questions à (la) gauche », et comme il avait pu le redire lors de cet été 81 où, récemment arrivé dans l’équipe, j’élaborai avec lui et quelques autres un dossier d’urgence baptisé avec ardeur « le champ des possibles ».
On lira dans ce numéro l’interview de Bronislaw Geremek : Jacques avait rencontré ce grand humaniste à Bruxelles et avait eu grand plaisir à l’interroger.
Nous republierons prochainement dans la revue et sur notre site quelques articles marquants de Jacques. Nous sommes en tout cas bien résolus à poursuivre la lutte qu’il menait avec nous ; que nos lecteurs soient assurés qu’il ne s’agit nullement d’un cliché, mais d’une envie, un soir d’émotion et de tristesse, de « continuer le combat » comme on le disait il n’y a pas si longtemps, tout en aimant comme lui la vie, l’amitié et les rires partagés.

Pour le bureau du CRAP, Jean-Michel Zakhartchouk