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Grâce aux outils numériques, de nouvelles pratiques ?

Je suis enseignant en lettres histoire géographie dans un lycée professionnel du Bâtiment et j’ai en charge des classes de terminale CAP essentiellement issues de SEGPA, des terminales BEP et des Baccalauréats professionnels.
Le lycée accueille beaucoup d’élèves qui ont du mal avec le système scolaire, qui arrivent chez nous plus ou moins par défaut, car malheureusement le « Bâtiment » a une mauvaise image : « tu n’es pas bon au collège, tu peux faire carreleur, maçon, chauffagiste, couvreur… » Mais quand on se rend compte de ce que ces métiers demandent comme compétences, on est loin de l’ouvrier qui n’a besoin que de ses bras, il faut qu’il possède « une tête bien faite »…
La plupart de nos CAP sont touchés par de graves difficultés de lecture et d’écriture. Il faut donc trouver les moyens de les intéresser pour éviter le décrochage et les former pour les amener aux diplômes qui sont en ce moment source d’emplois. 

De l’irruption des TICE dans ma pédagogie

L’usage du numérique au sens large a été pour moi un moyen de réconcilier travail et plaisir même pour des élèves « en froid » avec l’école. L’utilisation des TICE est un des moyens pour captiver l’attention de nos élèves.
Le travail sur des dossiers qui comportent des supports différents (vidéo, photographies, graphiques, audios…) permet à chaque élève d’avancer à son rythme sur des documents qu’il est possible d’écouter ou de visionner une ou plusieurs fois si le besoin s’en fait sentir.
Avec des élèves en grande difficulté, l’informatique rassure en effaçant la rature, et le correcteur (bien qu’il soit loin d’être infaillible) masque la dysorthographie et rend fier d’une production écrite. Par l’outil informatique, les élèves ont l’impression de faire « quelque chose de propre et de beau ». Ceux qui sont réticents au travail en classe sont plus enclins à travailler en salle informatique parce qu’ils ont un outil familier qu’ils manient chez eux et qu’ils utilisent bien plus facilement qu’un stylo.
Si tableau noir puis blanc, photocopies, magnétoscope, rétroprojecteur et vidéoprojecteur marquent différentes étapes dans ma manière de faire cours, c’est parce que j’ai pu rendre plus vivants et attractifs mes supports documentaires (du diaporama au montage d’extraits vidéos). Néanmoins, il fallait souvent passer plus de temps à mettre en place le matériel qu’à réfléchir à la pédagogie du document : qui n’a pas alors dû se battre pour disposer d’une télévision ou d’une rallonge ?
C’est l’installation d’une salle pupitre dans mon établissement qui fut le grand tournant de ma pédagogie.

De l’importance de la salle pupitre pour aider les élèves

On peut facilement présenter aux élèves les travaux des camarades avec un logiciel de pilotage. J’ai ainsi utilisé cette année un mode « présentation » pour montrer immédiatement sur tous les postes de ma salle mon propre écran.
Dans le cadre du contrôle en cours de formation de CAP, l’élève peut présenter un dossier numérique. Nous effectuons désormais tout le travail du dossier[[ Les élèves doivent présenter des dossiers composés de trois ou quatre documents de natures différentes choisis par l’élève sur un thème du programme et l’élève doit justifier ce choix.]] en salle pupitre, afin de permettre à l’élève de réaliser son propre diaporama. Quand un élève est prêt à présenter son dossier, j’affiche son écran à l’aide du mode « affichage de l’écran élève » pour qu’il puisse commenter son diaporama devant la classe : le sujet abordé, le thème choisi, la problématique, les explications des documents. Il peut, s’il le désire, annoter les diapositives avec l’outil de dessin que propose le logiciel de pilotage, comme s’il s’agissait d’un stylet sur un tableau interactif.

De l’importance du diaporama pour préparer le CCF

Pour les dossiers d’histoire-géographie, le diaporama est très intéressant et apporte de nombreux avantages.
Une utilisation pertinente, c’est par exemple la réalisation de cartes de synthèse ou de graphiques (après une explication des logiciels à utiliser qu’ils « ingurgitent » très vite) qui est facilitée et donne un autre rendu que les bons vieux crayons de couleur qu’ils se « refilaient » dans les rangs parce qu’ils n’avaient pas leur matériel.
Cette année, j’ai travaillé sur l’aéroport de Roissy-Charles-de Gaulle avec mes élèves de terminale BEP. En salle pupitre, les élèves avaient une carte (carte A) représentant les différents éléments de Roissy (zones de fret, pistes, aérogare, ligne TGV, autoroute…) et une image satellitale (carte B). Après une explication du mode de fonctionnement du logiciel de dessin, les élèves ont reproduit à main levée les zones de la carte A sur l’image satellitale. En utilisant l’effet de transparence pour supprimer l’image, ils obtiennent un simple croquis de l’aéroport qu’ils impriment et mettent dans le classeur.
Voilà l’avis d’un élève : « C’est intéressant le repérage sur une carte satellite, on ne voit pas les choses de la même façon. C’est plus facile sur ordinateur et c’est plaisant. Le résultat est sympa ». Ses remarques m’ont encouragé à travailler dans ce sens pour les années futures, particulièrement en bac pro (les élèves doivent être capables de réaliser une carte analytique en 1re et une carte de synthèse en terminale avec l’outil informatique).
D’autres logiciels permettent aux élèves de s’enregistrer afin de s’entrainer à l’oral sans passer par le regard parfois cruel du groupe classe. Ils rédigent dans l’onglet de commentaire de diapositive ce qu’ils doivent ensuite dire dans la présentation. Ils améliorent ainsi leurs explications comme leur diction (rythme de lecture, débit de parole) après chaque écoute.
Les élèves sont obligés de mémoriser les commentaires, qui n’apparaissent pas lors de l’affichage en pleine page du diaporama : excellente occasion de travailler la compétence à rendre compte à l’oral sans lire. 

Le tableau interactif, le numérique de demain ?

Il est encore trop tôt pour mesurer l’effet des TBI sur la pédagogie du lycée professionnel. On peut au moins dire qu’ils séduisent les élèves, apporte une meilleure lisibilité des documents sur lesquels on travaille en classe. S’ils sont en réseau, on a également un formidable outil de recherche documentaire quand le besoin s’en fait sentir.
Par contre, le tableau ne permet qu’à un élève à la fois d’agir alors que nous savons bien qu’il faut que tous les élèves soient actifs, comme c’est le cas en salle pupitre. Il faut sans doute envisager ces outils numériques dans leur complémentarité.

Laurent Lasson
Professeur de lettres-histoire en lycée à Marly (Nord-Pas-de-Calais)