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Fragments d’Assises

La réunion de deux-cent cinquante professionnels de l’éducation un samedi à Paris pourra laisser perplexe. Pourquoi ce besoin de se rassembler pour évoquer l’école et ses changements protéiformes ?

Est-ce le besoin de sortir de la solitude ? Les différents intervenants ont beaucoup insisté sur la nécessité de travailler ensemble, si dure à faire vivre au quotidien.

« Est-ce le besoin d’échanger de façon apaisée ? Pourquoi le débat sur l’école est-il si peu rationnel ? » demande Philippe Watrelot. Pourquoi, à l’inverse, les discussions des Assises étaient-elles si mesurées ? La qualité de l’écoute et la rigueur intellectuelle des interventions m’ont frappée. Il me semble bien que nous avons pris la mesure pendant ces quelques heures de la complexité des situations que nous vivons. Et si nous trouvons un confort non négligeable dans une certaine proximité de pensée, si nous ne faisons qu’effleurer les chantiers problématiques et si la densité de la journée ne permet d’approfondir que jusqu’à un certain point, il n’en reste pas moins que ces interventions nous interpellent, nous interrogent et nous enrichissent.

Que nous ayons mis des mots sur des préoccupations partagées, que nous ayons retrouvé avec plaisir nos propres convictions ou que nous ayons découvert un autre regard sur un vécu commun ou proche, ces échanges sont roboratifs.

Certains intervenants sont sociologues, historiens, journalistes et portent un regard distancié salutaire sur notre profession : s’ils pointent nos insuffisances et nos contradictions, ils le font avec bienveillance.

De plus, ces Assises réunissent des intervenants optimistes et énergiques. Certains ont pointé la propension à la déploration des salles des profs. Ils ont également souligné que, paradoxalement, cette tendance se doublait souvent d’une énergie à enseigner, faire des projets, évoluer dans ses pratiques. Je l’ai parfois constaté mais reste néanmoins persuadée que cette inclination à se lamenter est souvent pernicieuse. Elle influence le regard que les élèves ont sur l’école et sur eux-mêmes, quand bien même on mesurerait les discours qu’on tient en leur présence, et elle abîme les enseignants. Une journée comme celle-ci revigore parce que les interventions sont positives, ce qui ne veut pas dire angéliques.

L’école change donc avec, contre, malgré…les enseignants. Nous composons avec sa force d’inertie et le sentiment d’être pris dans un tourbillon qui nous dépasse : les élèves changent, la société change.

Le changement est ambivalent : Résister au changement, c’est tour à tour être progressiste et réactionnaire. Transformer c’est adapter ou détruire. Changer c’est prendre la mesure des difficultés ou les fuir. Nous vivons tous avec ce paradoxe au quotidien.

Au bout du compte, ces assises ouvrent des chemins à la réflexion et nous permettent de repartir avec plus d’énergie et d’enthousiasme pour affronter la réalité du métier.

Nathalie Bineau