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Former des généralistes ou des spécialistes ?

Il est de bon ton de décrier la partie « commune » de la formation professionnelle des enseignants, qui serait au mieux un gadget et au pire du temps perdu… Mais que dirait-on d’une formation de médecins qui ne connaîtraient que leur seul domaine de spécialité ?

Le mémoire professionnel, qui s’est imposé année après année comme un irremplaçable outil de la formation des enseignants dans l’alternance entre pratique de classe et réflexion distanciée, serait remis en cause du fait de sa « lourdeur » supposée et de son utilité prétendument douteuse… Les formations médicales prétendent-elles pouvoir se passer d’un mémoire de fin d’études ?

Selon nos « réformateurs », en première année les étudiants n’auraient que faire des « compléments d’âme » apportés dans les IUFM, alors qu’en deuxième année les professeurs stagiaires n’auraient guère besoin d’un recul critique pour éclairer leur pratique de classe – de ce « luxe inutile ». Toute la vérité du métier serait dans « la pratique de la classe », à telle enseigne que l’expérience de terrain serait accrue de moitié (voire prolongée sur deux années), et que les formations universitaires seraient diminuées d’autant… Que penserait-on de formations médicales soit totalement coupées des métiers de la santé, soit totalement déconnectées de la recherche médicale ?

Le nœud de cette mauvaise querelle, qu’il soit explicite ou qu’il reste masqué, c’est bien le peu de prix que l’on attache à la recherche scientifique et universitaire dans les sciences de l’éducation et le soupçon de son inutilité pour la formation professionnelle des enseignants… Autant la recherche médicale est socialement valorisée, autant les recherches en éducation sont encore dévalorisées.

Que dirait-on en effet d’un projet de réforme de formations médicales qui ferait fi de toutes les recherches dans le domaine médical ? Or, toutes les recherches (nationales et internationales) en sciences de l’éducation convergent pour montrer qu’il ne peut exister de véritable formation sans l’éclairage des travaux menés sur l’enseignement et sur l’apprentissage. Seul cet éclairage peut permettre à l’enseignant (en formation initiale ou continue) de penser et repenser son métier en l’apprenant et en le pratiquant.

Il n’est pas question de revendiquer quelque immobilisme d’autosatisfaction, mais bien de revendiquer les moyens de continuer. Non certes qu’il n’y ait rien à réformer dans la formation des enseignants dans les IUFM, mais c’est bien au contraire à une refondation de ces jeunes institutions qu’en appellent les esprits clairvoyants… pas à leur démembrement.

Alain Legardez, professeur des universités en sciences de l’éducation, IUFM d’Aix-Marseille.