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Faire réellement ensemble

Plaidoyer de l’Andev, association regroupant les directeurs et les cadres de l’éducation des villes et des collectivités territoriales, pour développer le dialogue et la concertation entre l’Éducation nationale et ses partenaires, afin de mieux combattre les inégalités.

Alors que l’histoire du système éducatif français nous enseigne combien les liens entre l’Éducation nationale et les collectivités territoriales sont à la fois obligatoires et nécessaires, l’indispensable approche partenariale mérite d’être réinterrogée et amplifiée. Croiser les regards des institutions de l’État et de la fonction publique territoriale sur les évolutions et les analyses en cours doit permettre d’aller plus loin, pour une gouvernance et une mise en œuvre réellement cohérentes, complémentaires et respectueuses des prérogatives de chacun, au service de l’épanouissement et de la réussite scolaire des enfants qui nous sont confiés.

Forte de son expertise de terrain, l’Andev prône une logique d’ancrage territorial, moins descendante, au plus près de la réalité et de la diversité des territoires d’une éducation désormais partagée.

Conscientes de cet enjeu de continuité et de complémentarité des politiques éducatives, nombre de collectivités ont engagé une réflexion de fond concernant la montée en puissance de leurs services concernés par l’éducation des enfants et jeunes de la cité. Bien au-delà des seuls aspects matériels, les communes, départements et régions participent effectivement au fonctionnement global d’une éducation nationale (complémentarité des temps d’éducation formelle et informelle, projets éducatifs de territoires, lutte contre les inégalités, mixités et inclusion, etc.), mais l’intention partenariale ne doit pas être mise à mal par des injonctions ou solutions pensées de manière unilatérale.

Besoin de continuité

La Cinquième République a connu un nombre conséquent de ministres de l’Éducation nationale, initiant des changements, parfois très rapides et majeurs, qui brisent les logiques de continuité. Rien que depuis l’année 2000, quatorze ministres se sont succédé jusqu’à aujourd’hui, avec autant de réformes ou ajustements, changements, retours en arrière qui ont eu un impact considérable sur les personnels de l’Éducation nationale mais aussi sur les collectivités territoriales. Dans un contexte de recherche de sens et de lisibilité, les professionnels des différentes institutions ont besoin d’un cap clair, de confiance réciproque et de sérénité pour mettre pleinement en œuvre des politiques éducatives fortes, ambitieuses, à la hauteur des défis d’aujourd’hui.

Même si les élus et services municipaux font souvent preuve d’une remarquable capacité d’adaptation et de proactivité pour trouver des solutions aux problématiques soulevées (voir la réforme des rythmes éducatifs ou la crise sanitaire), la difficulté réside le plus souvent dans le manque de concertation en amont.

Les municipalités bénéficient aujourd’hui de l’atout de la proximité et sont progressivement devenues les interlocutrices incontournables des directeurs d’écoles, des IEN de circonscriptions et des parents d’élèves, mais les textes normatifs et dispositifs trop descendants ont peu de chance de faire émerger l’efficience attendue. Quid d’une approche réellement partagée par le dialogue et la concertation concernant les questions d’éducation, avant la mise en application de textes et décrets nationaux ou d’orientations politiques locales ?

Travailler ensemble

Bien des territoires ont su dépasser certains corporatismes pour avancer de manière très qualitative, en s’appropriant les évolutions souhaitées et dans une logique réellement concertée et pluriprofessionnelle. Là où chacun des acteurs a intégré que le « faire ensemble » et le « s’ajuster ensemble » – soit l’intelligence collective – conditionnaient la réussite, sur le sujet du harcèlement par exemple.

Cette logique d’éducation globale et concertée pose les bases d’une école publique comme lieu qui rassemble et qui ne peut désormais se passer du « travailler ensemble » pour répondre aux défis auxquels la nation doit faire face. Si l’école ne parvient pas à combattre totalement les inégalités, alors combattons-les ensemble, chacun à sa place, dans le cadre d’un partenariat bien pensé !

Il ne s’agit en aucun cas de prendre la place des enseignants, mais bien de permettre d’aider les enseignants à mieux exercer leur métier et de faire que la pluralité d’acteurs et intervenants locaux, aux compétences et expertises multiples, favorisent l’enrichissement de l’environnement. Quand les évolutions du paysage éducatif interrogent et bousculent les pratiques et modes de faire des uns et des autres, les acteurs doivent s’adapter ensemble aux nouvelles situations à venir, « le bouger » des uns entrainant inévitablement « le bouger » des autres. Autant de défis qui ne pourront être relevés qu’à la condition que les acteurs éducatifs bénéficient de temps institutionnels suffisants pour se rencontrer, temps de qualité au plan national comme au plan local.

Restreindre le sujet si important du lien entre l’Éducation nationale et les collectivités à ces quelques lignes est bien entendu insuffisant, tant il y aurait encore à dire, à illustrer, à proposer, à espérer…

Thierry Vasse
Vice-président de l’Andev

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