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Facebook, quelle aventure… – Carnet de bord d’une enseignante-documentaliste stagiaire

En octobre 2009, je distribue un questionnaire à une classe de 3e : « Facebook et moi ». « Connais-tu Facebook ? As-tu un profil ? Le consultes-tu souvent ? » Et surtout des questions sur les paramètres de confidentialité. Et là ! Une élève écrit trois pages sur l’utilisation de Facebook, dont je vous livre (avec son autorisation) quelques lignes : « Facebook ? Oui je connais ce site depuis un an maintenant et j’y passe surement un peu trop de temps ! En une journée je dois y passer entre une et quatre heures, enfin dès que l’ordinateur est allumé, je me jette dessus pour voir si je n’ai pas une demande d’ajout à une liste d’amis, si quelqu’un n’a pas écrit quelque chose sur mon mur (appelé aussi page, profil) ou a commenté une de mes photos. Juste par curiosité, et à partir du moment où on est dessus, on en profite pour voir le profil du copain et de la copine, lui écrire un petit quelque chose, regarder les nouvelles photos qu’a mis Mlle Fraise pour sa soirée Halloween, quelles sont les personnes qui y étaient, etc. Commenter le statut de M. Poire quand il marque qu’il a passé une mauvaise journée, rester bête lorsqu’on voit sur la page d’accueil que M. Patate est en couple avec  Mlle  Frite, enfin vous voyez en fait, Facebook c’est un peu le Public ou le Voici des adolescents… »
Hélas, le témoignage de cette jeune fille avisée est une exception. Cette autre élève est plus représentative des lacunes : « Eh bien nous n’avons pas besoin de les installer [les paramètres de confidentialité], sachant que c’est automatique[[Il faut préciser que, à la date de rédaction de cet article, le profil par défaut sur Facebook est public et qu’il faut les modifier pour les protéger.]]. Enfin, pour les photos par exemple y a un petit cadre où l’on clique et cela nous met si on veut que les photos soient montrées à tout le monde, seulement à ses amis, aux amis de ses amis ou à personne. Ensuite, c’est sécurisé, sachant qu’on doit accepter une personne pour qu’elle puisse voir notre profil ! »
Le dépouillement du questionnaire montre que les élèves connaissent Facebook, mais l’utilisent parfois sans réfléchir, et, surtout, ne se sentent pas forcément concernés par la notion de protection de la vie privée.

Un projet d’éducation aux médias basé sur l’histoire

Après une exposition sur la Première Guerre mondiale organisée au CDI par cette classe, nous décidons de travailler sur les grands évènements en histoire. Ma collègue d’histoire accepte de me suivre dans cette aventure… Et quelle aventure !
Facebook est une interface qui propose d’insérer des actualités au jour le jour, ainsi que des photos et vidéos en fichier joint ; comme réseau social, il permet une diffusion à l’ensemble des élèves ; il est aussi ancré dans leurs pratiques quotidiennes : un outil tout à fait adapté à nos besoins ! « Votre mission si vous l’acceptez… » est donc de créer, sur Facebook, le profil de la classe, avec une page de groupe attenante intitulée « Facebook pour transmettre l’histoire et la mémoire » [[Le groupe Facebook est public : http://www.facebook.com/home.php?#!/group.php?gid=272638831912&ref=mf.]]. C’est une page « gardienne de la mémoire » qui évoque, au jour le jour, les évènements marquants du XXe siècle : de la Première Guerre mondiale aux attentats du 11 septembre 2001.
Les élèves, en binôme, recensent les évènements qui se sont déroulés entre 1914 et 2001. Ils en sélectionnent entre trois et cinq, les plus marquants, les plus significatifs dans des domaines variés (politique, militaire, économique, culturel, scientifique), puis ils résument l’évènement et expliquent pourquoi ils l’ont retenu, cherchent des illustrations (image, texte ou vidéo). Enfin, ils insèrent le tout sur Facebook, le jour de l’anniversaire de cet évènement.
Ce projet est intégré dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences, et permet notamment de travailler, en histoire, la compétence « Situer et connaitre les grandes périodes de l’histoire de l’humanité ». En documentation, Facebook permet de travailler bien des notions : fiabilité des sources, validation de l’information sur Internet, respect du droit d’auteur, publication en ligne, vie privée/vie publique dans le monde numérique.

Première séance : comment vérifier et valider une source sur Internet ?

Avant de publier, il est impératif que l’information diffusée soit fiable et vérifiée. Il en va de notre responsabilité en tant qu’enseignant, mais aussi de celle de l’élève en tant qu’auteur. Une séance au CDI en demi-groupe est consacrée à un travail de recherche et à une mise en commun, autour d’un diaporama sur la validation de l’information. Les premières recherches sont lancées.

Deuxième séance : la vie privée et la confidentialité sur Facebook

La création de la page Facebook est l’occasion d’évoquer la question de la confidentialité et de la vie privée[[Voir aussi les nombreuses activités proposées par le Réseau Education-Média : http://www.media-awareness.ca/francais/index.cfm.]]. Les questions fusent à propos du profil de notre classe et du groupe « Facebook pour transmettre l’histoire et la mémoire » : qui peut voir quoi ? Qui peut écrire ? Qui voit ce qu’on écrit ? C’est l’occasion de montrer, en utilisant le vidéoprojecteur, comment régler les paramètres de confidentialité. Une élève a été volontaire pour vérifier ce que pouvaient voir de son profil ceux qui n’étaient pas dans ses contacts. Chacun est reparti avec un dossier « Projet Facebook » qui reprend les notions vues ensemble et celles peu approfondies faute de temps. Désormais, tous peuvent, de chez eux, régler les paramètres de confidentialité de leur compte personnel et faire la demande d’ajout à la liste « d’amis » du profil de la classe.

Bilan d’étape

Y a-t-il un intérêt pédagogique à utiliser Facebook dans les apprentissages des élèves ? [[Cf. un point de vue engagé dans ce billet :
http://pedagotice.blogspot.com/2009/08/facebook-lecole.html.]] Le projet est toujours en cours lors de l’écriture de cet article, mais la réponse nous semble d’ores et déjà positive. Les élèves jouent le jeu et sont demandeurs. ; l’apprentissage des dates en histoire devient ludique, mais tout aussi efficace, le support étant plus attractif qu’une frise chronologique ; la publication numérique permet en outre de mettre en valeur leur travail[[À propos de l’intérêt d’externaliser les travaux des élèves, cf. Dossiers de l’ingénierie éducative : « Publier, un acte scolaire ? », n°62, juin 2008.]]. Pour la préparation au brevet, j’ai proposé sur le profil Facebook des sites de révisions comme « le Web pédagogique » dont les élèves se sont servis.
Enfin, en travaillant avec le support Facebook, nous pouvons répondre aux objectifs du socle commun et donner du sens aux apprentissages. En travaillant sur l’écriture et la maitrise de la langue, l’autonomie et la responsabilité du citoyen, la formation à l’esprit critique et « l’e-réputation », on développe une réelle éducation à l’information et une culture numérique.
Facebook, outil de communication utilisé par les élèves avant tout dans le cadre de leurs pratiques personnelles, peut donc aussi être investi dans le cadre scolaire pour former à un usage raisonné des nouvelles technologies.

Audrey Guilbaud-Varachaud
Professeure-documentaliste stagiaire en collège à Bayonne , en collaboration avec Anne Teitgen, professeure d’histoire-géographie