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Face à la violence
Fait de société ? Effet de mode ? Chaque jour les médias décrivent avec plus ou moins d’idées préconçues et de complaisance – déontologie des journalistes oblige – des situations de violence dans les établissements scolaires : les lecteurs suivent ces récits avec un frisson d’horreur, les acteurs dans les établissements et les quartiers fulminent de se voir ainsi désignés !
Les autorités entrent en guerre, et répondent par des termes militaires à ce durcissement social : c’est le plan de lutte contre la violence de 1998, précédé de trois plans – un par an – accompagné de circulaires, de mesures, de dispositifs divers : le front, aux dires mêmes de nos généraux ne semble pas reculer, malgré la mobilisation demandée aux hussards d’une république menacée.
Ce dossier des Cahiers pédagogiques [[Écrit avec nos amis d’Éducation et Devenir avec qui nous avons eu grand plaisir à faire ce numéro, après d’autres actions communes (notamment à propos de la réforme des lycées).]] n’a pas la prétention de présenter un énième plan de lutte contre la violence, ni d’offrir des idées simples qui désignent le responsable, cette vieille tentation de désigner un bouc émissaire : à tour de rôle, les chefs d’établissement routiniers qui baissent les bras, les parents irresponsables qu’il faudra envoyer en justice, les enseignants coupés des réalités qui seront rééduqués, les jeux vidéo et la télévision qui rendent les jeunes idiots, les barbares (sauvageons ?) des quartiers dits » défavorisés » qui seront éloignés dans de lointaines campagnes.
Ce cahier n’a pas non plus la volonté de présenter des solutions miraculeuses, ce prêt-à-porter éducatif qui fait la fierté des plans ministériels, les actions sans réflexion, les structures providentielles : entre autres, les classes-relais qui se multiplient ; les médiateurs et autres aides-éducateurs qui, mal intégrés dans un projet global de façade, peuvent cristalliser les problèmes ; des permanences de la police installées dans les collèges et les lycées ; des instances éducatives sur lesquelles les enseignants se débarrassent de leurs responsabilités.
Nous ne voulons pas non plus faire pleurer Margot, même si les récits des uns et des autres montrent les souffrances des individus enfermés dans leur solitude, confrontés à des difficultés dont ils ne sortent pas.
Si l’empathie est indispensable, le discours de la plainte ne résout pas les problèmes : nous avons besoin d’énergie, d’honnêteté, de courage et d’imagination, de réflexion et de recul pour agir dans un contexte aussi complexe.
C’est ce que nous sommes allés chercher dans les pratiques des acteurs ; ils témoignent qu’il est possible de ne pas considérer la violence comme une fatalité qui nous dépasse mais comme un phénomène social sur lequel il est possible d’agir, dans un premier temps, à l’intérieur des établissements par : la réaffirmation de la règle, la libération de la parole, la construction du sens aux activités proposées aux élèves et toujours, le respect de la dignité de la personne. L’engagement des personnels – d’abord celui du chef d’établissement – y est très fort. Chacun occupe pleinement sa fonction et en assume toutes les dimensions : travail en équipe, participation à la vie de la collectivité, prise en charge du politique, de l’éducatif, du pédagogique. Le travail collectif s’appuie sur l’échange et le partage de l’analyse, de la gestion des problèmes, des prises de décisions.
Toutefois, la qualité de la participation des acteurs ne constitue pas une condition suffisante pour régler la question de la violence. L’école n’est pas coupée de son environnement : le travail en lien avec des partenaires extérieurs (police, justice, associations, entreprises, musées, etc.), sans confusion des rôles ni abandon des responsabilités, est une construction difficile, rare à vrai dire, mais utile.
En fait, l’école n’a pas à assumer seule la responsabilité de ces difficultés et les enseignants à porter seuls la politique de l’école. Fait de société, le phénomène de la violence doit être pris en charge par la nation tout entière : quelle éthique chez les plus hauts responsables, modèles de réussite républicaine qui servent de modèles ou de repoussoirs aux jeunes ? Quelle volonté de s’attaquer aux sources d’injustices et d’inégalités croissantes dans l’école ?
Il s’agit enfin de s’interroger sur le sens de l’éducation dans notre société et les missions confiées à l’école : il serait temps de lancer un débat qui permette de rechercher les moyens de passer de la » barbarie civilisée et républicaine à l’édification d’une cité réellement humaine « .
Michèle Amiel, Proviseur du lycée Évariste Galois à Noisy-le-Grand.
Agnès Paon, Principale de collège à Rouen.
Marie-Christine Presse, Documentaliste CUEEP de Lille.