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Éveil aux sciences en école primaire

Figure 1 : Concentration des rayons lumineux au foyer d’une parabole.

Nous sommes treize doctorants-moniteurs à avoir participé à l’atelier « Eveil aux sciences » organisé par le Centre d’Initiation à l’Enseignement Supérieur de l’académie de Grenoble. L’intitulé de notre atelier indique clairement notre but, qui est de stimuler chez un public l’envie de comprendre son environnement. Notre mission consiste à intervenir auprès d’un public varié lors de la fête des sciences, puis auprès d’élèves d’écoles primaires lors de séances en classes de CM2, et ce, afin de diffuser la culture scientifique. Nous sommes accompagnés dans cette démarche par Pierre Aldebert, directeur de recherche et médiateur scientifique en sciences chimiques au CNRS, dont l’aide précieuse nous a permis de préparer au mieux ces évènements.

Pour les séances en école primaire, nous avons choisi le recours à l’expérimentation. Ces expériences se devaient avant tout d’être attrayantes afin d’intéresser les élèves et de générer de la curiosité. Pour intéresser les élèves, nous avons choisi des expériences en lien avec des réalités connues, ou spectaculaires, voire « magiques ». Notre démarche se veut être une initiation, il ne s’agit en aucun cas d’un enseignement des sciences à proprement parler (ce que nous serions bien incapables de faire car nous ne sommes pas formés pour). Ces expériences avaient pour ambition principale d’éveiller les élèves à la démarche scientifique, plus qu’à leur transmettre un savoir tiré du programme scolaire. Le but étant que les élèves puissent faire des analogies, et que l’expérience leur donne accès à une façon de penser qui leur permette de comprendre d’autres phénomènes. Nous avons donc essayé de faire comprendre aux élèves des notions telles que les mesures qualitatives/quantitatives ou la nécessité de se référer à un échantillon témoin que nous appellerons référence pour pouvoir faire des comparaisons.

Que fait le soleil ?

Les élèves de classes de CM2 nous étant peu familiers, nous avons travaillé en étroite collaboration avec leurs enseignants (G. Barthe, C. Blanc, C. Boyoud, et M. Buffière), ce qui nous a permis d’adapter nos interventions aux connaissances des élèves. Afin de rendre cohérentes les diverses interventions en classe, qui se font avec des intervenants différents à chaque séance, celles-ci suivent une thématique commune. Prenant appui sur les inquiétudes que certaines avancées technologiques engendrent et pour contribuer à répondre aux questions que l’on se pose sur les problèmes environnementaux, nous avons appelé notre thématique « La science en vert et avec tous ». Nous avons choisi de présenter des expériences en rapport avec le Soleil et l’eau.

Le constat le plus souvent fait par les élèves à propos du Soleil est qu’il nous apporte la lumière du jour. Cette lumière fait bien plus que nous éclairer, les petites expériences exposées ici ont tenté d’en faire prendre conscience aux élèves. Ces expériences ont pour ambition de montrer les effets thermiques induits par la lumière du Soleil, et plus généralement par la lumière, tout en initiant à la démarche scientifique.

La première de ces expériences visait à (dé)montrer aux élèves que la lumière chauffe. Le dispositif est composé d’une parabole en carton (de fabrication maison) recouverte de papier d’aluminium. La parabole est orientée en direction du soleil, et un flacon contenant de l’eau est placé à son foyer. Un flacon équivalent est placé dans la pièce loin de toute source de chaleur. On explique que la lumière chauffe, et que le but de l’expérience est de concentrer la lumière en un seul endroit afin d’avoir beaucoup de chaleur. Nous avons constaté que de nombreux élèves font instantanément l’analogie avec l’expérience de concentration de la lumière à l’aide d’une loupe (qu’ils semblent quasiment tous connaître en CM2). La présentation de l’expérience permet aussi d’expliquer qu’une parabole est une forme géométrique au même titre que le cercle, le carré ou le triangle. Ensuite, on expose à l’aide d’un schéma le chemin suivi par les rayons lumineux venant se réfléchir dans la parabole (voir figure 1). On montre ainsi qu’ils passent tous par le même point, et que celui-ci s’appelle le foyer de la parabole. Cette explication permet ensuite d’élargir l’effet de concentration de la lumière au foyer de la parabole, à celui de concentration du signal télévisé par les antennes paraboliques. Cette analogie assure le lien entre l’expérience scientifique à priori inutile, et une utilisation concrète et connue des élèves. Après la présentation et les questions, le résultat de l’expérience est prêt à être montré aux élèves. On explique l’utilité du deuxième flacon qui sert de témoin et permet la validation du résultat. Plusieurs élèves mettent leurs doigts dans les deux flacons afin de comparer leur température et constater que l’eau est indiscutablement plus chaude dans le flacon situé dans la parabole. Cette manipulation permet d’aborder la notion de mesure qualitative. On explique qu’il est possible de déterminer quel est le flacon le plus chaud, mais on ne sait pas à combien se chiffre l’écart de température. Afin de rendre cette expérience spectaculaire dans l’imaginaire des élèves, on peut conclure (si le temps le permet) en racontant le récit mythologique du siège de Syracuse au cours duquel Archimède aurait enflammé les voiles des navires ennemis à l’aide de miroirs paraboliques (ce qui permet aussi de faire une présentation d’Archimède).

Figure 1 : Concentration des rayons lumineux au foyer d’une parabole.

Figure 1 : Concentration des rayons lumineux au foyer d’une parabole.

Effet de serre

Après avoir apporté la « preuve » que la lumière chauffe, nous voyons en quoi cela est important sur Terre. Des récipients clos emprisonnent différentes ambiances et chacun comporte un thermomètre montrant l’influence des gaz dits « à effet de serre » sur la température. Cette expérience est l’occasion de questionner les élèves sur l’effet de serre (vocable qu’ils semblent tous avoir déjà entendu, mais qu’aucun ne peut expliquer), l’atmosphère et ses composants… On voit que, sous insolation, la température est supérieure dans les récipients contenant des gaz tels que le dioxyde de carbone ou la vapeur d’eau, comparés au récipient témoin rempli d’air. Cette expérience démontre donc le processus de réchauffement climatique induit par l’augmentation de la quantité de gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère. Elle permet aussi de faire un peu de chimie afin d’expliquer la fabrication de dioxyde de carbone avec un morceau de craie plongé dans du vinaigre blanc (notion d’acide/base…). Bien que cette expérience suive chronologiquement celle avec la parabole, et malgré des questions fortement orientées, aucun élève n’a suggéré que le flacon rempli d’air servait de témoin. La présence des thermomètres permet d’introduire la notion de mesure quantitative. Les élèves constatent que les récipients contenant le dioxyde de carbone ou la vapeur d’eau sont plus chauds « au toucher » que le flacon témoin. Cependant, ils ne peuvent pas déterminer si c’est le flacon de dioxyde de carbone le plus chaud ou celui contenant la vapeur d’eau. Les thermomètres nous permettent de conclure de manière fiable. On montre donc que pour comparer des grandeurs entre deux systèmes dont l’écart est faible, il faut utiliser un instrument de mesure suffisamment précis.

Le fait de présenter des expériences surprenantes ou qui peuvent expliquer « des choses dont on parle aux informations » semble captiver l’attention des élèves (ce qui est sûrement amplifié par le contexte). Certes, nous n’avons pu intéresser absolument tous les élèves, mais une grande majorité d’entre eux s’est montrée curieuse et cela nous paraît être très positif. Nous avons aussi constaté que le recours à l’expérimentation permet un travail transdisciplinaire, induit en grande partie par les questions des élèves.

La conception des séances et la réalisation des expériences demandent un temps important, et nous imaginons difficilement que cela puisse être mis en place par un enseignant seul au vu de toutes les compétences, attitudes et connaissances à transmettre. De plus, nous sommes conscients que ce type d’intervention ne peut laisser une trace durable dans l’esprit des élèves qu’à condition qu’il y ait un travail de reprise des séances par l’enseignant en classe entière.

Les enseignements que cette expérience a pu nous apporter sont aussi transposables pour la réalisation de nos cours en université… Cette expérience enrichissante nous a donc permis un retour réflexif sur nos pratiques d’enseignement mais aussi de recherche.

David Riassetto, Doctorant – Moniteur au Laboratoire des Matériaux et du Génie Physiques (Grenoble).