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En faisant le tour des thèmes abordés…
Sans exclure les pratiques actuelles liées à la santé qui ont cours dans les établissements scolaires, nous avons choisi de centrer ce dossier sur la médecine (médecins et infirmières) et l’école (élèves et enseignants) et d’envisager trois axes dans ces relations entre la médecine et l’école : d’abord la souffrance des élèves, puis la place de la médecine dans l’école et, enfin, quelques aspects de l’éducation à la santé.
Nous commencerons par la souffrance car, à l’école, il y a des enfants qui souffrent. Leur corps, leur psychisme et leurs interactions engendrent gêne, malaise, douleur, mal-être lourd pour eux comme pour leurs enseignants. Et l’on sait que leurs difficultés sont importantes [[Statistiques toulousaines (médecine scolaire, IA, 2000).]] :
– 7 % des 11/19 ans se disent déprimés (75 % chez les jeunes en échec scolaire) ;
– 17 % de myopes chez les adolescents en 1993 contre 7 % en 1987 ;
– 40 000 jeunes tentent chaque année de se suicider ;
– 30 000 accidents mortels par an chez les jeunes ;
– 17 % prennent des médicaments ;
– dès 11 ans les jeunes consomment de l’alcool ;
– un jeune de moins de quinze ans sur cinq fume ;
– un jeune sur quatre s’est vu proposer de la drogue et 16 % en consomment.
Il n’est pas directement question ici de l’enfant malade ou handicapé mais plutôt de la manière dont l’école envisage et s’occupe de cette souffrance : Mireille Cifali nous parle d’accompagnement, des enseignants et une infirmière évoquent la prise en compte de la plainte, de la difficulté d’apprendre, est également envisagé ce difficile regard sur le corps en particulier en EPS, pour se protéger certains élèves ont des stratégies défensives mais peut-on être dispensé de corps ? Que signifie être inapte à une discipline scolaire ? Parfois aussi les troubles psychiques ont des échos corporels et deviennent ceux du comportement, comment les prendre en compte, comment collaborer avec le personnel médical soignant ? Car l’élève n’est pas seulement en relation avec des enseignants, il est aussi pris en charge par des soignants. Ainsi, dans une seconde partie, nous nous intéresserons à la place de ces soignants et de leur médecine dans l’école.
Dans une perspective historique un lien institutionnel fort existe depuis le XIXe siècle. En 1887, une loi instituait les services de santé scolaire du primaire. En juin 1936, pendant le Front populaire le sous-secrétariat à l’éducation physique est placé sous l’autorité d’un médecin. Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux sports et aux loisirs est rattaché au ministère de la Santé publique. En 1945, on crée le corps des médecins scolaires qui sera intégré à l’Éducation nationale seulement en 1991. Dans le dossier, Florence le Roux nous rappelle également l’histoire des infirmières scolaires.
Alors, si l’éducation est bien l’affaire de tous et notamment des médecins et des infirmières, quelle est aujourd’hui leur place dans l’école ? Sont-ils des conseillers, des experts ? Incarnent-ils une toute-puissance médicale, deviennent-ils des modèles ? Jacques Gleyse évoque l’extension d’un territoire en montrant comment, depuis longtemps déjà, la médecine a investi le champ scolaire. Pierre Madiot lui s’intéresse au glissement des termes médicaux dans le vocabulaire pédagogique. Quant à Michel Barlow, il envisage les similitudes de ces deux métiers, de ces deux pratiques (leurs stratégies sont-elles comparables ?), tandis que Catherine Verdier-le Cam qui a exercé ces deux professions livre son propre témoignage. Mais cette place de la médecine dans l’école n’est pas seulement celle des soignants, elle est aussi celle d’une éducation particulière, d’une éducation à la santé qui fait l’objet de notre troisième partie.
La notion de santé évolue, c’est un concept culturel lié au milieu et au mode de vie. On appelle souvent sain un individu qui s’adapte et supporte bien les conditions de vie qui lui sont imposées. Dans les IO de 1967 on pouvait lire « Plus que le simple maintien du corps et de l’esprit dans un équilibre satisfaisant, la santé paraît devoir être considérée comme la capacité, pour un individu, d’ajuster en permanence ses réactions et ses comportements aux conditions du monde extérieur, de s’accoutumer à l’effort, bref de se dépasser soi-même. Prise dans cette acception, la santé doit s’apprendre sans cesse. » Cette conception est-elle toujours valable ?
Dans cette dernière partie Georges Vigarello plaide pour l’éducation à la santé comme enseignement d’une nouvelle discipline tandis que Nelly Leselbaum comme Guy Vermeil demandent à l’école de déjà s’appliquer à elle-même les principes qu’elle défend et, entre autres, d’aménager le temps des écoliers. Mais éduquer à la santé n’est pas seulement l’affaire de l’école et des enseignants, les médecins aussi ont à éduquer leurs patients et à devenir pédagogues, comme nous l’expliquent fort bien Jean-François d’Ivernois et M.-G. Albano puis Stéphane Lelong.
Au terme de ce dossier il apparaît bien que les relations entre la médecine et l’école sont à la fois anciennes et profondes, sereines mais aussi conflictuelles et que les deux métiers d’enseignant et de médecin ont sans doute quelques points communs.
Jacques Carbonnel, Enseignant en retraite.
Françoise Carraud, Institutrice à Chalon-sur-Saône.