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École inclusive. Conditions et applications

La parution de cet ouvrage de Philippe Tremblay, aujourd’hui professeur en sciences de l’éducation à l’université de Laval au Québec, est la bienvenue au moment où le Ministère de l’Éducation nationale en partenariat avec le Secrétariat d’État auprès du Premier Ministre en charge des personnes handicapées publie les conclusions du premier Comité national de suivi de l’école inclusive. Le livre permet en effet d’interroger le modèle inclusif français qui fait la part belle aux dispositifs dits inclusifs – ULIS (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) , UE (Unité d’enseignement), PIAL (Pôle inclusif d’accompagnement  localisé) et aux AESH (Accompagnants d’élèves en situation de handicap). Avec l’éclairage de la recherche internationale,  Philippe Tremblay examine les conditions propices à la mise en œuvre de l’école inclusive et ce qui lui fait obstacle dans dix brefs chapitres très stimulants respectivement intitulés : « La législation et les ressources » ; « Les valeurs et attitudes » ; « L’engagement collectif et le leadership » ; « Le groupement, la présence et la participation » ; « La qualité de l’enseignement » ; « La différenciation et l’accessibilité » ; « Le soutien à l’élève » ; « La collaboration entre professionnels » ; « Les relations avec les parents et la communauté » ; « Le développement professionnel ».

Aucune prescription dans cet ouvrage – comme l’énonce l’auteur qui rappelle qu’il ne suffit pas de se décréter inclusif pour l’être – mais des pistes à travers l’analyse de pratiques probantes et des questions à la fin de chaque chapitre pour guider la réflexion.

Dans le premier chapitre, Philippe Tremblay évoque pour la France – comme l’avait fait la Rapporteuse spéciale des Nations Unies – la nécessité de faire disparaître ou de transformer les structures médico-sociales qui prennent en charge les élèves sur le temps scolaire ainsi que de transférer certains budgets de la Solidarité et de la Santé vers l’Éducation nationale. Il s’agirait aussi de reconfigurer une certaine légitimité pédagogique dans le champ de l’inclusion en autorisant les enseignants à identifier les difficultés et des besoins scolaires sans nécessairement passer par un diagnostic médical. Une approche non catégorielle des handicaps qui doivent ne plus être envisagés comme troubles ou déficiences est aussi, selon l’auteur, une autre des conditions qui favorisent l’école inclusive.

Le chapitre 2, quant à lui, met en lumière la persistance d’attitudes négatives chez les enseignants à l’égard de l’école inclusive et tout particulièrement dans le secondaire où les pratiques se focalisent davantage sur la discipline que sur l’enfant. L’école inclusive repose pourtant sur  l’acceptation que les élèves à besoins éducatifs particuliers relèvent de la responsabilité des équipes pédagogiques dans leur recherche d’un enseignement différencié et accessible. Le coenseignement est aussi, selon Philippe Tremblay, « un synonyme d’inclusion scolaire ou du moins de la meilleure manière de l’opérationnaliser. » Il permet « l’accès aux mêmes programmes et l’interaction avec les pairs. » Il « vise à maintenir tous les élèves au sein du même groupe par un travail de différenciation de l’enseignement.  […] Il  est étroitement lié à une conception d’un enseignement spécialisé non pas corrective mais plutôt  qualitative ». A ce titre, «  l’enseignant spécialisé doit être considéré comme un spécialiste de la différenciation pédagogique plutôt qu’un spécialiste des troubles et des déficiences ».

Les professeurs ressources semblent pourtant plutôt mobilisés en France dans cette dernière perspective. Les enseignants coordonateurs d’ULIS ou d’UE ne pourraient-ils pas être dès lors « ces spécialistes de la différenciation pédagogique » ? Le Comité de suivi national de l’école inclusive n’en fait  pas mention. En tant que personnes ressources[[Le CAPPEI (Certificat d’aptitudes professionnelle aux pratiques de l’éducation inclusive) donne aux enseignants qui l’obtiennent  le statut de personne ressource.]] pour leur école ou leur EPLE, ils sont pourtant des acteurs clés de l’éducation inclusive.

Evelyne Clavier