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Du projet de zone au Programme Personnalisé de Réussite Éducative

Du collectif à l’individuel

En même temps que les ZEP apparaissaient en 1981 dans le paysage de l’Education nationale, la dynamique de projet se déployait également à tous les étages de l’édifice institutionnel. Zone, école, établissement, réseau, chacun devait formaliser « son projet » visant les objectifs de réussite des élèves, mais se situant tous dans le champ de l’action collective. Ainsi des actions lecture, des défis mathématiques, des jumelages avec des institutions culturelles ont fleuri, chacun faisant assaut d’imagination dans des intitulés toujours évocateurs de prise en charge collective. L’équipe Escol qui a analysé le contenu des premiers projets de zone a pu relever qu’ils mettaient tous en oeuvre des actions pédagogiques et ou éducatives s’adressant avec plus ou moins de succès à l’ensemble des élèves. Ainsi, le projet individuel de l’élève était-il décliné en dernier, en accord avec la loi d’orientation de 1989 « plaçant l’élève au centre du système éducatif ». Ce n’est que depuis une quinzaine d’années que se renforce une cohérence progressive visant à la contractualisation, d’abord avec le groupe, puis de plus en plus avec l’élève lui-même, dans des procédures cherchant à dépasser la difficulté ou l’échec scolaire. La possibilité de mise en oeuvre de situations pédagogiques avec des groupes d’élèves de plus en plus réduits est devenue une exigence prégnante des enseignants désireux d’apporter des réponses individualisées à des situations personnelles. En écho à ces attentes, implicites ou non, depuis quelques années certains élèves de cycle 3 sont signataires avec leurs parents de Projet Individuel d’Intégration Scolaire (PIIS). Mais il aura fallu attendre la mise en place des Projets Personnalisés d’Aide et de Progrès (PPAP), en 1998, pour que la stratégie d’ensemble du projet d’école soit complétée par la mise en oeuvre de programmes d’actions pensés pour un seul élève, par l’élaboration du projet individuel conçu de façon personnalisé par rapport aux besoins d’un enfant.

Notons cependant qu’ il peut s’agir, d’abord, de répondre à une situation psycho-sociale plus générale : informés très jeunes, et parfois trop tôt, en fonction de leur « maturité réelle », des complexités et des ingratitudes de la vie contemporaine, les enfants courent un double risque de devenir des consommateurs soumis et des rebelles précoces, en révolte légitime contre les trop lourdes responsabilités morales que l’environnement social leur fait subir. Les enfants concernés par l’éducation prioritaire risquent d’être les victimes les plus immédiates d’un processus social trop répandu. Alors la mise en oeuvre des PPRE est une chance, un atout, une opportunité encore plus pour eux, en prenant bien le soin de respecter et de prendre en compte les difficultés les plus aigues qu’ils peuvent éprouver devant des situations d’apprentissage souvent banales chez un grand nombre de leurs camarades plus favorisés.

Responsabilisation individuelle

Le Programme Personnalisé de Réussite Educative (PPRE) tel qu’il est défini dans les textes officiels du mois d’août 2005 se situe volontairement au niveau de l’élève, et plus encore dans la continuité des apprentissages, de son évolution et de son devenir, de la construction de ses compétences. Il souligne l’importance de croiser différents outils évaluatifs (évaluations nationales, conseils de cycles, livret scolaire, etc.) avec des démarches plus singulières permettant de préciser le diagnostic individuel (tests internes à l’établissement et ou propres à la classe). Il se fonde sur la notion de temporalité dans un parcours scolaire individuel et évolutif de l’école élémentaire au collège. La nécessité d’un temps d’observation et d’un temps d’action défini en regard des objectifs de compétences à atteindre (ni trop ambitieux ni trop réducteurs) comme des compétences du socle commun et des savoirs visés, et l’importance d’une régulation exigeante, sont autant de conditions d’une mise en oeuvre fructueuse. Celle-ci sera facilitée par l’appui sur des dispositifs existants (projet personnalisé de scolarisation, équipe FLE, RASED, actions en ZEP, logique du PPAP), sur des volontés partagées d’enseignants, et sur la répartition des tâches entre professionnels permettant l’allègement mais aussi l’efficacité du suivi. Le PPRE engage la responsabilisation propre de l’élève face à sa prise de conscience du sens des apprentissages.
Cette évolution ne répond pas seulement à un besoin légitime de gagner toujours plus en cohérence pédagogique ; il vise aussi à mieux reconnaître le jeune ou l’adolescent dans son statut actif d’élève ; et, par la dimension morale d’un engagement contractuel réaliste, à le préparer au sens éthique de la citoyenneté ; ce qui pour des jeunes, et encore plus pour ceux de ZEP, revêt toujours un sens majeur. Il ne saurait être question de laisser l’enfant seul face à ces complexités. Le travail en équipe est essentiel en ce qu’il permet, dans ce cadre et ce contexte, de favoriser la réflexion, la mutualisation et les échanges de pratiques en s’appuyant sur des temps de concertation réguliers au cours desquels l’enseignant de l’élève concerné, croisera son propre regard avec celui des collègues mais aussi, en cas de nécessité, avec celui des partenaires extérieurs.
Il apparaît donc souhaitable de travailler au niveau des compétences internes de cycle et non de fin de cycle, sur un temps limité (1/2 trimestre) et sur une matière précise, tout en gardant à l’esprit qu’à un PPRE peut en succéder un second, portant sur une compétence différente de cette discipline comme d’une autre. Cela implique pour le professionnel de l’enseignement de sélectionner les axes de travail en hiérarchisant les compétences attendues.

PPRE : pédagogie de l’École fondamentale

Proposer la mise en place d’un PPRE en accord avec l’équipe pédagogique, ne veut pas dire que l’enseignant aura seul à porter la responsabilité de cette initiative. Si le PPRE est l’un des instruments de remédiation et de soutien à disposition de l’école, il peut aussi participer à un plan coordonné d’actions incluant des aides complémentaires hors temps scolaire (accompagnement à la scolarité, Coup de pouce, ALEM[[Atelier Lecture, Expression, Mathématiques, Carep Paris]], AFM6[[Atelier Français Mathématiques 6e, Carep Paris]] …). Loin de vouloir dire préceptorat, isolement ou singularisation, le PPRE signifie alors cohérence et coordination d’actions au service de la réussite pédagogique de l’élève. Encore faut-il être vigilant à bien distinguer :

  • les élèves dont les difficultés relèvent d’une prise en charge par le Réseau d’aide, (par exemple dysorthographie),
  • ceux qui sont en état de « faiblesse passagère »,
  • et ceux encore qui se trouvent en précarité d’acquisitions face à des compétences constitutives du socle commun de connaissances (ce qui est retenu et semble compris à un moment donné n’est pas pour autant acquis et su à long terme).

Mais l’originalité du PPRE, procédure essentielle de la loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école, par rapport aux dispositifs existant antérieurement, est qu’il se situe
– au niveau des enseignants : en effet si sa mise en oeuvre favorise la réflexion collective sur la difficulté scolaire individuelle, et introduit une réflexion sur l’entrée par les compétences, elle conduit également les enseignants à approfondir la notion d’aide à l’élève en difficulté, à acquérir une méthodologie d’analyse des résultats aux différentes évaluations, à dresser une cartographie par classe des difficultés et à élaborer des documents communs d’accompagnement fixant un cadre-guide à l’action ;
– au niveau de la scolarité des enfants : le PPRE trouve son sens à l’école élémentaire aussi bien qu’au collège, et tout particulièrement dans les collèges « ambition réussite » de l’éducation prioritaire, constituant ainsi une procédure homogène dans le développement d’une authentique continuité pédagogique entre l’école élémentaire et le collège.

Jean-Pierre Mellier, Responsable de REP à Paris