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Donner le temps d’apprendre

« Les cycles ? C’est une belle idée, mais sur le terrain ça ne marche pas. » Combien de fois avons-nous entendu et prononcé cette formule qui sonne comme une sentence depuis 1991 ? Les programmes de cycle, tout justes publiés, sont découpés en objectifs annuels par des manuels, par des équipes qui, faute d’outils, faute de formation, font « comme on sait faire ». Le professeur reste trop souvent seul face aux difficultés de ses élèves et la formule « un seul professeur = une classe d’âge = une année scolaire » reste le cas général. Ne faudrait-il pas se rendre à l’évidence ? Les « peurs » que désignait Philippe Perrenoud en 1994 n’ont-elles pas eu raison des espoirs formés par ceux qui ont pensé les cycles ?

Ce nouveau modèle pédagogique serait une « fiction nécessaire », un nouvel horizon formé par les instructions officielles, un idéal duquel on ne peut que s’approcher. Et pourtant, les articles de ce dossier montrent que tout près de nos pratiques de classe ou d’établissement, de modestes révolutions font bel et bien vivre les cycles : ici, c’est une équipe qui prend à bras-le-corps les difficultés en lecture (comme en attestent les articles de Christophe Blanc et celui de l’équipe de l’école de Rouelle) ; là, une autre qui amorce ensemble une « migration vers des classes de cycle » (lire l’article de Christophe ­Chauvet) ; ici encore, deux enseignantes tentent le coenseignement (Nelly Dejours et Karine Bossan), d’autres encore, avec maitresse surnuméraire (Julie Meunier) ou non (Anne-Lise Balanche), décident de prendre de front la difficulté scolaire en faisant de tous les élèves les élèves d’une équipe et non d’un enseignant souverain dans sa discipline, dans son niveau.

Tous les établissements n’ont pas cette cohésion, alors ce dossier fait aussi une place à l’initiative individuelle : ce sont des changements de pratique qui permettent d’intégrer la progression spiralaire des programmes (comme en témoigne Florence Castincaud), des classes multiâges qui font de la différence une richesse pour le collectif (voir Bruce Demaugé), des questionnements sur l’évaluation (lire Franck Verdier), une expérience de l’accompagnement personnalisé comme un moyen de laisser le temps aux apprentissages de se construire (voir la contribution de Cyril Lascassies et Cécile Morzadec), etc. À une autre échelle, mais tout aussi près du terrain, inspecteurs (comme en témoignent Valérie Neveu et Fabienne Haziza), formateurs (Sylvain Connac et Sylvie Grau) accompagnent les équipes vers de nouvelles modalités de travail au sein des établissements, entre établissements, bâtissent des ponts entre deux cultures professionnelles : celle du premier et celle du second degrés. Un éditeur scolaire se risque même à proposer un manuel de cycle ! Et ce dossier présente encore bien d’autres illustrations de ces nouveaux savoirs et nouveaux outils professionnels élaborés sous l’impulsion des cycles.

Les publier nous tenait à cœur, et à la lecture de ces contributions qui, nous l’espérons, vous passionneront autant que nous, nous ne le regrettons pas. D’une part, il s’agit d’une occasion privilégiée pour réfléchir aux parcours de nos élèves, d’autre part, les réflexions et les pratiques contenues dans le dossier ont fini par instiller le doute en nous. Et si, finalement, cette belle idée avait un avenir ?