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Dix recommandations utiles pour un accompagnement à la scolarité

Des propositions pour que l’aide aux devoirs extérieure à l’école s’intègre à un ensemble et s’appuie sur une réflexion solide.

Dans le champ de l’accompagnement scolaire et éducatif, on est forcé de constater la multiplication des dispositifs liés aux différentes politiques publiques : accompagnement à la scolarité (CLAS), clubs coup de pouce, accompagnement éducatif, tutorat, contrat éducatif local (CEL), programme de réussite éducative… On se sait plus trop comment s’y retrouver. Dans ce paysage de plus en plus complexe et mouvant, on a parfois l’impression que les acteurs agissent à fronts renversés, les associations cherchant à s’occuper de la réussite « scolaire », et l’école visant la réussite « éducative ». D’où la nécessité de mieux cerner les concepts et de mieux coordonner les actions afin de définir une politique éducative territoriale et un projet d’établissement cohérents. Car les efforts successifs engagés par l’État et les collectivités locales ne suffisent pas à compenser les inégalités et trop de jeunes sortent du système en ayant eu l’expérience scolaire sans l’expérience de la réussite.

Il faut sans doute rappeler que l’accompagnement à la scolarité participe, comme d’autres dispositifs mais différemment, d’une dynamique d’étayage, qui est au cœur du projet de réussite éducative. Le concept d’étayage en pédagogie renvoie à la théorie de l’américain Jerome Bruner qui la définit comme une intervention de l’adulte dans l’apprentissage de l’enfant : « L’étayage (désigne) l’ensemble des interactions d’assistance de l’adulte permettant à l’enfant d’apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu’il ne savait pas résoudre au départ. » L’objectif étant bien que l’apprenant puisse à terme « résoudre seul » ce qu’il a appris à résoudre avec l’aide de l’adulte. D’où une conséquence immédiate : dès que l’on met en place un étayage, il y a à penser (et donc à prévoir) un désétayage progressif et donc un auto-étayage, par lequel l’enfant « s’aide lui-même ».

Pour qu’un accompagnement à la scolarité fonctionne, il faut donc prévoir un certain nombre de critères qui vont en garantir le cadre, le fonctionnement, le suivi et l’évaluation. Pour résumer, nous en retiendrons dix, qui nous paraissent essentiels.

1. Associer les enseignants au ciblage des publics. Il est indispensable d’associer les enseignants au repérage des enfants/jeunes pouvant bénéficier de l’accompagnement à la scolarité afin que les élèves qui fréquentent ces dispositifs soient prioritairement ceux qui en ont besoin. Il est nécessaire d’associer d’autres acteurs éducatifs à ce repérage (Rased, conseil de cycle, équipe éducative, assistantes sociales…). Il faut également travailler avec les coordonnateurs de l’éducation prioritaire, qui sont les relais naturels des associations agréées auprès des établissements situés dans ces territoires.

2. Ne pas refaire l’école après l’école. L’accompagnateur n’est ni un répétiteur ni un moniteur de l’enseignement mutuel tel qu’on le pratiquait au XIXe siècle. Les activités proposées dans les accompagnements doivent s’inspirer de la pédagogie du détour et ne pas reproduire la forme scolaire.

3. Ne pas se limiter à l’aide aux devoirs et aux leçons. Il est important de proposer / développer / coconstruire avec les élèves un projet culturel et/ou scientifique sur un trimestre ou un semestre pour donner un sens autre que parascolaire à l’accompagnement. Recontextualiser les apprentissages scolaires dans un lieu différent de l’école permet de donner sens aux savoirs acquis et de leur conférer une fonction sociale. Savoir écrire permet non seulement de copier mais aussi de rédiger un article, d’envoyer un courrier à un magazine, d’être lu et reconnu, pas uniquement d’être noté par le maitre…

4. Définir des temps d’aide plus individualisés et d’autres plus socialisés. L’enfant a besoin pour se structurer de l’aide d’un adulte bienveillant mais aussi de celle de ses camarades qui ont vécu la même situation de classe que lui (ou le même point du programme). L’enfant apprend aussi en regardant faire et en écoutant ceux qui savent faire ou en train d’apprendre ou encore, par extension, en analysant la production de ceux qui savent faire.

5. Proposer une aide adaptée aux besoins de l’enfant (fragile, en difficulté scolaire, nouvellement ou récemment arrivé en France). Les enfants / jeunes accueillis présentent des zones de fragilités diverses (linguistique, méthodologique, notionnelle, affective…) qu’il convient d’apprécier pour pouvoir mettre en place un accompagnement efficace.

6. Privilégier une aide renforcée aux moments clés de la scolarité. Diverses études ont montré que les années de passage d’une structure dans une autre (de la maternelle au CP, de l’école au collègue, du collège au lycée) constituent des ruptures sur le plan cognitif et affectif avec un risque potentiel de décrochage scolaire. L’enfant/l’élève a besoin d’être aidé, accompagné, soutenu plus particulièrement à ces « moments de passage ».

7. Demander aux parents de s’associer et de s’impliquer dans l’action d’accompagnement. Des moments d’échange doivent pouvoir être organisés avec les parents (groupes de parole). De même, des moments culturels partagés sont l’occasion pour les élèves qui n’ont pas accès à la culture de découvrir des œuvres dans un contexte différent du contexte familial. C’est aussi l’occasion pour les parents de découvrir leur environnement, sortir de leur quartier, aller dans la ville.

8. Former les acteurs de l’accompagnement et faire connaitre l’environnement scolaire. Les bénévoles ne sont pas nécessairement des experts du « scolaire » et de l’aide. Ils ont parfois tendance à calquer leur action sur les souvenirs qu’ils ont eus de leur scolarité. C’est la raison pour laquelle les actions de formation, si possible en externe, pour favoriser la mutualisation, sont indispensables.

9. Évaluer l’action de façon participative. Non plus seulement en termes quantitatifs mais en termes qualitatifs, en dissociant l’évaluation de l’action elle-même de l’évaluation des progrès des élèves et en faisant intervenir l’auto-évaluation, l’évaluation des enseignants associés, l’évaluation des parents.

10. Prévoir le désétayage. Préparer l’enfant ou le jeune accompagné au fait que l’accompagnement va devoir se terminer un jour et qu’il aura à s’organiser pour réaliser seul le travail pour lequel il était aidé par l’adulte.

Jean-Michel Le Bail
responsable de structures d’accompagnement à Paris