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Dessine-moi un bonhomme

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Pourquoi fonder le développement de l’enfant sur sa seule verbalisation ? René Baldy nous conduit sur le chemin d’une découverte passionnante : l’enfant se construit avant tout et d’abord par ses dessins. Faussement patelin, il adopte le choix fait le plus fréquemment par les enfants (75 %) mais aussi par les adultes qui le sollicitent : le bonhomme. Professeur de psychologie et chercheur, notre collègue fait mine d’abandonner ses postures scientifiques pour s’interroger sur les étapes (entendez les stades) par lesquelles va passer l’enfant dans le dessin du bonhomme. S’il s’appuie sur les travaux internationaux qu’il connaît, cite et commente abondamment, il tire le plus grand profit de sa collection personnelle de 120 dessins. Certes, les soixante premières pages pourront être négligées provisoirement par le néophyte, qui gagnera en dramatisation et en intérêt à commencer par le « bonhomme dans tous ses états » (chapitre 6). Mais s’il n’y avait qu’un chapitre à recommander pour donner l’envie d’en savoir plus, c’est celui qui est consacré au mystère du « bonhomme têtard » (10, p. 115-125) : ce n’est pas de la bonne vulgarisation scientifique mais une « enquête » qui tient le lecteur en haleine à l’instar des meilleurs polars !
En destinant son ouvrage aux « étudiants en psychologie, en IUFM et aux psychologues cliniciens », René Baldy se souvient de ses premiers métiers : enseignant et conseiller d’orientation, il sait nous intéresser aux conséquences pratiques à tirer de cette exploration d’un sujet qui peut paraître mince a priori : comment inscrire son action pédagogique dans les pas des chercheurs ? Quels profits récolter en école maternelle de ce goût spontané de l’enfant pour le dessin si répétitif du bonhomme ? Le lecteur en vient paradoxalement à regretter que telle ou telle partie de l’ouvrage ne soit pas plus développée encore : la personnalisation évoquée plusieurs fois n’est pas réellement traitée dans cette livraison. De même, le rôle de l’école dans l’évolution des représentations des enfants n’est guère étudié. Sans doute faut-il y voir une trace de l’activité des psychologues plus tournée vers le laboratoire que fondée sur l’observation dans la classe. De même, on pourra souhaiter une attention plus marquée sur l’action de dessiner. Certes, il est plus facile et tentant d’analyser des produits et d’établir des constats au moyen de statistiques (par ailleurs présentées clairement sans l’appareillage habituel qui décourage la lecture) que de décrire ce que fait l’enfant quand il œuvre. Enfin, comme toujours, la présence de quelques dessins révélant une pathologie eût confirmé la priorité qu’il faut accorder au développement de l’intelligence dans et par le dessin. Cela permettrait de revenir sur la spécificité de la première école que fréquentent les enfants et d’illustrer le concept de « zone proximale de développement » qui n’est qu’évoquée alors qu’elle constitue l’élément essentiel du travail de l’enseignant de la petite section à la dernière année de Normale sup. Pour terminer sur une image, l’auteur évoque et file la métaphore de l’alpiniste faisant de l’enfant et de son développement une œuvre semblable à celle du « conquérant de l’inutile » qui doit parfois en rabattre de ses objectifs, savoir composer avec les éléments déchaînés et consentir à redescendre pour mieux repartir vers les sommets. Puissent tous les ouvrages de psychologie trouver un ton si juste, un style aussi direct et agréable pour présenter les savoirs d’une manière simple et concrète. Ce qui permettrait aux enseignants de ne pas tout miser sur la trop fameuse « maîtrise de la langue », bien trop à la mode dans les évaluations du temps présent !

Richard Étienne


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