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Des métropoles en coopération

« Toute méthode est regrettable qui prétend faire boire le cheval qui n’a pas soif. Toute méthode est bonne qui ouvre l’appétit du savoir et aiguise le besoin puissant de travail (Célestin Freinet, Les Dits de Mathieu, 1978). » Cette considération de Célestin Freinet résonne en moi depuis mes débuts dans l’enseignement, surtout avec les classes de 4e. Depuis quelques mois, la motivation d’une de mes classes s’érode. Les résultats sont en forte chute dans toutes les matières, de nombreux blâmes sont attribués lors du conseil de classe du deuxième trimestre. Les bavardages nombreux et les points d’accroche apparaissent de plus en plus minces. Le travail de groupe s’essouffle. Il est temps d’imaginer un travail encore plus coopératif afin de remotiver les élèves les plus en difficulté, qui sont le plus souvent, dans cette classe, aussi les perturbateurs.

Le nouveau programme de 4e invite à travailler tout au long de l’année sur la notion de mondialisation, donc sur un vocabulaire nombreux aux yeux des élèves et souvent paronymique : mégapoles, mégalopoles, métropoles. À la fin du deuxième trimestre arrive le chapitre sur les lieux de commandement en géographie. J’imagine un travail de groupe coopératif en deux temps lors d’une séance d’une heure. Dans un premier temps, les groupes composés de trois ou quatre élèves travaillent sur des thèmes différents : les aspects économiques, culturels, politiques de la ville de Tokyo. Les élèves disposent de quinze minutes pour répondre à des questions sur deux ou trois documents. À tout moment ils ont la possibilité d’échanger entre eux et de me poser des questions par écrit.

Pour ce premier temps, les groupes sont constitués de façon homogène, par mes soins, dans la mesure où, à cette période de l’année, je les connais bien. Lors du second temps, les élèves doivent changer de groupe et se placer avec des élèves qui n’ont pas travaillé sur le même thème. Un système de feuilles de couleur facilite cette mise en place.

Ce sont alors des groupes de niveaux hétérogènes qui sont constitués. Ils doivent mettre en commun ce qu’ils ont travaillé lors du premier temps afin de répondre à la question suivante : « quels sont les pouvoirs de la ville de Tokyo et quelle est son influence ? » Les élèves sont ainsi obligés de coopérer afin de pouvoir répondre à cette question qui est une synthèse de ce qui a été analysé lors du premier temps de la séance.

Afin de dynamiser et d’accélérer ce travail coopératif, je me suis appuyé sur un système de récompense qui est mis en place toute l’année dans la classe. Il consiste à accorder des bonus aux élèves lors de travaux de groupe ou de réponses judicieuses à des questions difficiles. L’obtention de cinq bonus au cours d’un trimestre permet d’avoir un 20/20. Ces bonus sont utilisés de façon pertinente dans le but de maintenir la motivation et l’intérêt de tous sans tomber dans la démagogie. Enfin, pour permettre de canaliser les interactions et surtout le niveau sonore des élèves, j’ai mis en place un fond musical classique qui permet de réguler le volume de parole lors de temps d’échanges entre élèves. Lorsque le volume sonore est trop important, les sanctions tombent.

Ce travail de groupe en deux temps permet une réelle coopération entre les élèves. Lors du second temps, les élèves du groupe doivent échanger pour répondre à la question de synthèse. J’ai pu constater qu’au sein de chaque groupe, un élève endosse de fait le rôle de leadeur et distribue la parole. Des élèves habituellement très passifs dans un travail de groupe ont été fortement sollicités par le groupe afin qu’ils puissent apporter leur contribution pour compléter la synthèse. La coopération a particulièrement bien fonctionné pour l’estime de soi des élèves, mais aussi lors de l’évaluation de ce chapitre.

La notion de métropole est retenue par une grande partie de la classe. Sur vingt-deux élèves présents et évalués ce jour, onze ont pu restituer parfaitement la définition, cinq élèves ont montré qu’ils avaient compris l’idée sans bien la formuler. Retenons le chiffre de 50 % de la classe qui a retenu la notion sans erreur. Dans cette même interrogation, la restitution de la définition de la mondialisation, abordée depuis le début de l’année (et très souvent répétée) selon un contexte d’apprentissage plus traditionnel du cours dialogué, était aussi demandée. Seule 25 % de la classe est capable d’en redonner la définition exacte. Les interactions lors de ce travail coopératif me semblent avoir permis une meilleure intégration de la notion étudiée et surtout par un plus grand nombre d’élèves.

Enfin, les multiples bavardages caractéristiques de cette classe ont été détournés pour permettre l’apprentissage d’une notion en géographie. Cette nouvelle pratique coopérative du travail en groupe introduite dans cette classe a permis de redynamiser cette façon de travailler.

Hugo Magny-Bensaïd
Professeur d’histoire-géographie en collège éducation prioritaire à Viry-Châtillon (Essonne)