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Des enfants sourds à l’école ordinaire. L’intégration, des principes aux pratiques pédagogiques
Question de principe ou question de pratiques ? Si on parle aujourd’hui de scolarisation plutôt que d’intégration scolaire, c’est que l’intégration implique une différence de statut de ceux que l’on veut intégrer. La scolarisation, elle, pose le problème de la capacité de l’école à accueillir le jeune sourd. Mais cela interroge les pratiques traditionnelles : « L’introduction de sujets sourds ou malentendants dans la situation ordinaire de la classe et de l’école constitue un problème qui peut être source d’innovation, sous certaines conditions, favorisant à la fois les enfants handicapés et ceux qui ne le sont pas. » Et en même temps « L’intégration des enfants sourds, en particulier des enfants sourds profonds et qui ont besoin de la langue des signes, […] leur dispersion dans une scolarisation de proximité, séparés par classes d’âge selon les modèles des établissements de l’Éducation nationale, produit en même temps la disparition ou la suppression du lieu, de l’espace, de la communauté dans lesquels s’apprenaient l’identité et la langue, et sans lesquelles celles-ci ne s’apprennent pas. L’intégration scolaire ici normalise, mais en dépossédant les enfants de ce qui les ferait grandir normalement, et en les mettant parfois dans des situations de souffrance importante. »
Le livre de J.-Y. Le Capitaine approfondit ces questions, dans leur évolution historique, des premières institutions pour les enfants sourds aux lois de 1975 et de 1989. Il porte un regard critique : le ghetto peut être une institution spécialisée, il peut aussi se recréer au sein même de l’institution ordinaire. Il est basé sur des entretiens avec des enseignants d’école maternelle ou élémentaire travaillant en CLIS ou dans des regroupements spécialisés d’enfants sourds, à la recherche des changements que la présence d’enfants sourds induit dans la classe ou dans l’école. C’est au fond une forme d’hétérogénéité et à ce titre le livre est important aussi pour ceux qui enseignent à des élèves « ordinaires » mais en difficultés et réfléchissent sur les pratiques que cela appelle.
Alors : adaptation de l’enfant handicapé à la structure scolaire, ou adaptation de cette structure à l’enfant handicapé ?
« Ce qui s’ébauche aujourd’hui, c’est la prise en compte dialectique de ces deux adaptations en termes d’interaction, et dans une perspective complexe ».
« Alain Savary disait que l’intégration des enfants handicapés doit être un cheval de Troie dans l’Éducation nationale pour la forcer à mieux accueillir tous les enfants, des meilleurs aux handicapés non-officiels, en fait des enfants des couches populaires nommés parfois handicapés socio-culturels, sains de corps et dont l’esprit n’a souffert que de la situation familiale, sociale ou scolaire où ils se sont trouvés. »
Jacques George