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Des « bonnes pratiques » en éducation

Notre réflexion sur les « bonnes pratiques » et leur diffusion a été menée sur la base des expériences sélectionnées dans le cadre du projet BRIDGE du BIE . Partie d’une interrogation sur l’historique du concept de bonne pratique (origine et évolution), cette réflexion a abouti à une discussion critique sur le sens particulier qu’un certain nombre de ses utilisateurs attribuent à ces pratiques : meilleures pour qui ? selon quels critères ? déterminés par qui et sur quelles bases ?

Essai de définition

Définir le concept de bonne pratique n’est pas une chose facile car il recoupe plusieurs réalités. On a pu dire que la bonne pratique était un exemple de procédé ou conduite ayant débouché sur une réussite. Bonne pratique est alors à rapprocher de « meilleure pratique », terme très en vogue dans les pays anglo-saxons (best practice) où il est défini tout simplement comme une chose qui fonctionne. C’est, dit-on dans ce cas, la meilleure pratique possible. Ailleurs, on a défini une bonne pratique comme une approche innovatrice qui a été expérimentée et positivement évaluée, destinée à améliorer le présent .

La recherche de la bonne ou meilleure pratique a concerné tout le champ de l’activité humaine : on peut légitimement penser qu’elle a accompagné tout le développement de l’homme. La proximité du concept de celui de modèle permet d’envisager une parenté théorique avec des approches de type fonctionnaliste, dont celles développées par la sociologie critique « hyperfonctionnaliste ». Mais on retrouve aussi ces théories du modèle dans le domaine économique qui a largement contribué à donner une portée transversale et universelle au concept de bonne pratique.

Les bonnes pratiques en éducation

Chaque période de l’histoire de l’éducation semble témoigner de tentatives, isolées ou plus structurées, d’amélioration des méthodes et/ou des contenus de l’éducation. Nombre d’entre elles ont eu pour origine le souci de substituer à une action « traditionnelle » une nouvelle, capable d’apporter des améliorations notables. Ainsi, la situation de reconnaissance tacite de référentiels, sortes de « types idéals » de pratiques, incitait à transposer systématiquement des expériences réussies de systèmes éducatifs particuliers. Mais si dans certains cas ces expériences ont été concluantes, on recense un nombre assez important d’échecs. Aujourd’hui, des voix dénoncent une inadéquation de certaines pratiques importées avec la demande sociale et notent que la culture et les savoirs locaux ont été souvent négligés.

Depuis quelques années se développe une culture de présentation de « bonnes pratiques » qui sont données comme des modèles. Aussi, comme pour tout bon exemple, sont-elles appelées à être répliquées. Rassemblées en une collection, les bonnes pratiques sont des outils pour atteindre objectifs tels que :
– Faire que des expériences relativement isolées soient connues ;
– Encourager les initiatives et les alternatives aux pratiques anciennes ;
– Favoriser des échanges d’expériences.

Quelques freins à la reproduction des « modèles »

Des freins sociaux ou culturels que seule une approche par les acteurs eux-mêmes peut permettre de déceler et contourner le cas échéant :
– Une insuffisance des moyens techniques et financiers ;
– Des résistances de type organisationnel (existence de lobbies, d’idéologies opposées aux changements préconisés).

Ces facteurs peuvent dans certains cas se combiner pour former un faisceau de contraintes.

Le transfert ne marche donc pas « automatiquement » et c’est pour cette raison qu’il faut souvent une phase d’essai. Il est ainsi indispensable que les initiateurs de ces changements prennent une distance critique par rapport à leur projet. Mais, la possibilité d’apprendre des échecs fait qu’une pratique non réussie peut aider dans des expériences ultérieures.

Une bonne pratique pour inspirer

La bonne pratique n’a donc aucune prétention à donner une solution, mais propose plutôt un éventail de possibilités pour inspirer une action adaptée à une situation précise. Comme le dit l’Agence nationale pour l’éducation en Suède, il n’y pas une solution unique valable pour tous les contextes et les pratiques retenues comme bonnes doivent être adaptées aux milieux de leur mise en œuvre, quelle que soit leur valeur.

De nombreuses précautions sont à prendre pour réussir l’introduction de tout type de changement :
– Prendre en compte les spécificités des pratiques mais aussi celles du contexte et de la demande sociale ;
– Bien clarifier les objectifs du changement et essayer de faire participer tous les membres de la communauté bénéficiaire (l’appropriation des objectifs augmente la motivation).
– Bien gérer la coordination entre les divers niveaux de décisions
– Planifier en fixant des buts et des délais
– Accompagner le changement en utilisant des enseignements tirés d’expériences similaires et des évaluations.

Les évaluations de pratiques et de projets éducatifs ont souvent pointé l’absence d’implication de la société dans ces changements ou leur portée restreinte, comme des limites qui leur étaient inhérentes. Or les partenaires de l’école et les destinataires des bonnes pratiques sont aussi des agents potentiels de leur dissémination. Aussi un travail plus poussé devrait être fait dans la direction d’une plus grande implication des populations et d’une meilleure coordination, si l’on veut donner plus de poids et plus de chance de réussite à des initiatives et des bonnes pratiques.

Abdoulaye Anne, Assistant de recherche, Bureau international d’éducation (BEI) de l’Unesco

Pour des exemples concrets de bonnes pratiques, voir :
http://www.ibe.unesco.org/International/ICE/bridge/Francais/index.html