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Des annonces qui méritent d’être mises en œuvre

Je me retrouve dans les propos de Patrice Bride. C’est bien comme cela que se sont déroulés ces deux jours, où un parterre de cadres de différents ministères, certains en uniforme, a applaudi des chercheurs québécois et américains expliquant que la « tolérance zéro » produit des effets contraires à ceux qu’on annonce vouloir, ou encore que la stabilité des équipes et la qualité de la pédagogie sont la clé de relations scolaires harmonieuses, ou qu’une formation approfondie des professionnels est indispensable. Alors que le discours du gouvernement va dans l’autre sens, alors qu’on supprime la formation initiale des professeurs, alors que les fonctionnements du système excluent des équipes stables dans l’éducation prioritaire… Pour ma part, j’avais accepté de faire partie du conseil scientifique de ces états généraux, par confiance à l’égard d’Éric Debarbieux, qui me le proposait tout en sachant que je ne suis nullement spécialiste de la violence à l’école (comme la quasi-totalité des chercheurs français, je ne place pas la violence parmi mes objets prioritaires), mais il avait envie que la possible dimension ethnoraciale de la violence scolaire soit représentée dans cette instance. De mon côté, j’avais la même idée. Et je me préparais à un happening qui se terminerait par un discours du ministre où l’on reviendrait à la plate réalité. C’est bien ce qu’on a eu, mais avec un vrai bon moment dédié au débat à partir de connaissances vérifiées. Le dossier spécial de Diversité, les fiches scientifiques mises à disposition étaient de qualité et peuvent être acquis par chacun aujourd’hui. Sur le moment, le contentement d’ensemble était palpable. Ce n’est pas si fréquent.
Quant au discours du ministre et au retour obligé à la case départ, mises à part quelques annonces ponctuelles, j’avoue que je suis intriguée par son codicille, le programme Clair. Il ne traite pas de violence, il traite d’une réinterprétation de la politique d’éducation prioritaire dans les cent collèges « les plus difficiles ». Dans ces établissements, on mettrait en place une gestion des ressources humaines permettant autant que faire se peut la constitution d’équipes stables. On sait bien que les chefs d’établissement ne peuvent pas faire la pluie et le beau temps à cet égard. Ils ne peuvent constituer des équipes qu’avec des candidats. S’il n’y en a pas ou pas assez, la possibilité est vaine. On l’a bien vu dans certains RAR pour l’affectation des professeurs référents. Mais si cela se fait, alors est réalisée une des conditions les mieux connues (grâce à Pisa notamment) pour être un facteur d’efficacité dans les apprentissages des élèves. Si en plus, les équipes constituées ont une certaine autonomie pour concevoir et mener les parcours d’apprentissage, dans un cadre existant, mais souple, alors est réalisée une autre des conditions les mieux connues pour être un facteur d’efficacité des apprentissages. Ce serait le cas si ces équipes étaient mises à même de sortir du carcan des « programmes » et pouvaient décliner le « socle » – qui ne me parait pas être un pauvre socle. Si enfin un rôle est institué pour favoriser la coordination pédagogique et éducative à chaque niveau, alors les essais de coordination qui ont lieu déjà dans beaucoup d’établissements difficiles se concrétiseront plus facilement. Bref ces annonces, j’aimerais qu’elles se réalisent. Il se disait au cabinet qu’il y avait eu des négociations en ce sens avec les partenaires sociaux. Plaise au ciel !

Françoise Lorcerie
CNRS-Iremam, (Aix-en-Provence)