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Démocratie, autorité et école

La fonction des organisations sociales et de l’État est de permettre aux hommes de vivre ensemble. Dès les origines, l’autorité a été la réponse pour coexister sans s’entre-tuer. Aujourd’hui encore, dans nul groupe, dans nul pays la direction des hommes par d’autres n’est fondamentalement contestée. Ce sont les formes de désignation de ceux qui gouvernent et la structure du pouvoir qui sont en débat. La démocratie en est une formule. Je développerai la thèse selon laquelle la démocratie moderne, en voulant s’exercer tous azimuts de façon conquérante et absolue, a contribué à détruire ce qui permet ses propres règles de la vie en commun d’exister : l’autorité. Elle se fait l’un des artisans de ce qu’elle dénonce et s’affaiblit elle-même. L’École, cet hologramme de la société tout entière, n’y échappe pas. La démocratie va mal et l’École guère mieux. D’un même mouvement essayons de proposer de nouvelles formules pour l’un des composants dénigré du ciment humain : l’autorité.

La démocratie est une forme d’exercice du pouvoir au service de l’homme. L’École également mais sur le mode non démocratique.

Avant d’être un mode d’organisation politique, la démocratie est d’abord une conception des rapports humains. En théorie, chaque personne en vaut une autre. Toutes ont le droit et la possibilité de s’exprimer sur tous les problèmes qui concernent leur vie. La démocratie établit que chacun peut décider pour tous puisque tous le peuvent. « Un homme vaut tous les hommes ». Le recul de la barbarie repose sur un pouvoir qui ne résulte plus de la force brute, de l’imposition armée ou d’un droit divin, mais d’un principe de choix ou d’élection. Du reste, il n’y a pas une démocratie mais des démocraties en rapport avec les contextes historiques, culturels et économiques dans lesquels elles naissent. Ils expliquent la nature et la structure des systèmes de représentativité. République démocratique, démocratie populaire, démocratie libérale anglo-saxonne, démocratie monarchique des pays nordiques… S’il est dans la nature même de la démocratie d’être une et plurielle, il en est de même pour l’École, toujours bâtie sur le modèle humain et politique du pays où elle prend place.
La démocratie n’est pas un modèle d’organisation sociologique, mais un mode de fonctionnement législatif et de choix des dirigeants qui vont le faire vivre. Le pouvoir démocratique d’un État rencontre d’autres pouvoirs qui le concurrencent et dont les principes et les fondements ne sont pas démocratiques : le pouvoir des religions, le pouvoir de la science et du savoir, celui de l’Éducation familiale, le pouvoir des entreprises, le pouvoir des marchés financiers, le pouvoir des médias, notamment. Sauf à les supprimer, il doit composer avec.
La réalité sociale de l’École est que son fondement n’est pas démocratique, ni contractuel. Elle repose sur une délégation d’autorité non décidée par une majorité, dans le cadre juridique d’un acte unilatéral qui exprime, le lien de subordination non réciproque entre l’État et les acteurs sociaux.

Quand des pratiques de la démocratie se retournent contre la démocratie

Installer la démocratie par le vote de tous ne signifie pas que chacun participe à son édification. En réalité, la démocratie représentative consacre le pouvoir du plus grand nombre et pas le pouvoir du peuple (tous). Le problème de légitimité d’une tendance dirigeante c’est qu’elle est élue par moins de la moitié de la population, alors que le principe majoritaire est supposé valider et garantir le principe même de démocratie. De plus, la diversité des courants d’opinion (chacun exprimant une différence) nécessite des ralliements, des compromissions qui génèrent une forme de décrédibilisation pour tous ceux qui « vont à Canossa ». In fine, la démocratie indirecte est une partie-cratie (partie des votants) qui se traduit, selon G. Métanomski, en « particratie » (direction par un parti) dont le modèle de référence n’est autre que celui de l’économie libérale. On ne vote pas pour élaborer l’École, mais la particratie, comme reflet du fonctionnement social, y est bien présente.
L’observation confirme que la loi du nombre est plus la loi des opinions et des images que la loi des raisons et des arguments. Puisque « Le principe de souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément » (art. 3 – Déclaration U. des Droits de l’H et du C. du 26/8/1789), la démocratie vraie organise elle-même les droits de la minorité et l’analyse critique de son propre fonctionnement. Le pire est à craindre d’une démocratie qui subordonne la justice et l’éducation à l’omnipotence d’une « fausse majorité » recréant une loi du plus fort à peine travestie. Comme le disait P. Bourdieu en 1992 « Il n’y a de démocratie effective que s’il existe un vrai contre pouvoir critique ».
Et il n’en existe quasiment pas à l’École. Le pouvoir des Maîtres demeure absolu et issu de la transcendance laïque (en France) de l’État. Dans ces conditions la démocratie n’est plus un système politique parmi d’autres mais le seul régime politique concevable. Il en va ainsi de l’École qui n’a pas de concurrente et développe presque à l’issu de son plein gré un monopole qui touche au totalitarisme.
La démocratie se détruit tout autant en ne résistant pas à la tentation de la démagogie dont quelques expressions sont bien connues. La première consiste à mettre le terme de démocratie à toutes les sauces et à chercher à l’imposer dans des champs où ses principes ne conviennent pas. L’École par exemple. La banalisation du terme et l’excès de signification finalement en tuent le sens. La seconde découle de l’art.6 de la D. du 26/8/1789 qui établit que « la loi (est) l’expression de la volonté générale ». Cela peut inciter à contester toute forme d’autorité qui n’en est pas l’émanation ; celles de l’officier d’armée, du policier et du juge, celle du chef d’entreprise, du professeur et dans la lignée celle du père de famille. La troisième en est le corollaire direct qui conduit à faire croire que tous peuvent décider de tout dans tous les domaines de l’activité humaine de la gestion d’une entreprise à la pédagogie scolaire. Chaque fois que l’on postule que tous les niveaux de compétences se valent, la démagogie s’exprime. Une quatrième expression est un grand leurre : laisser croire qu’énoncer ce que l’on désire ou demander ce dont on a besoin suffit pour l’obtenir. Quand on stimule la pensée magique, il n’y a que déception et violence à la clé. Le courage en démocratie consiste à faire « passer de la croyance au Père Noël à la stratégie d’achat de cadeaux ».

Démocratie et autorité semblent s’exclure

La crise actuelle de l’autorité familiale traditionnelle engendre une impuissance à réaliser l’acte éducatif autant qu’une démission à l’élaborer. Elle traverse, avec des formes différentes, tous les milieux. La volonté persistante des adolescents à s’émanciper résonne avec les credos démocratiques. Le rejet de l’autorité, dans la famille et dans la société, est une demande de reconnaissance de soi et d’utilité de son existence tout à la fois. Par contre sa systématisation dans la maturité citoyenne est l’une des maladies connues de la démocratie : l’anarchie, assumée ou celle qui s’avance masquée.
Un faisceau d’arguments fait que la démocratie est toujours potentiellement en crise d’autorité. Cette dernière apparaît classiquement comme un obstacle au changement organisationnel qui ne doit pas être entravé en démocratie. Par ailleurs, l’application du principe égalitaire tend à menacer l’autorité qui se caractérise par une inégalité de statut et de fonction. Complémentairement, l’autorité s’est laissée absorbée par l’impératif de liberté et la montée en puissance de l’individualisme depuis les années quatre-vingt. Si elle est remise en question, c’est aussi parce que l’on veut en savoir plus sur la manière dont on est dirigé et gouverné. La recherche croissante de transparence lorsqu’elle s’applique à l’autorité conduit à l’exigence de la levée du « secret » de celui qui commande. La délégation d’autorité ne se discute pas puisqu’elle est quasiment associée à la notion d’infaillibilité de principe ou conférée institutionnellement. Le général d’armée en dispose et le père est infaillible pour l’enfant. Le professeur a joui longtemps d’une forme d’infaillibilité et en être dessaisi par les parents le perturbe. L’homme politique en a bénéficié jusqu’aux affaires récentes. Le Saint-Père possède toujours la sienne. Même si la compétence à ne pas se tromper doit être contrôlée, dès lors que l’autorité qui s’exerce est objet de débats lors son accomplissement, elle se délite et devient invalide.

Pourtant l’autorité est nécessaire

Lorsque l’homme rencontre l’homme et constitue un groupement humain si petit soit-il, il ne peut se passer de l’autorité pour maintenir la cohésion du groupe. Elle est un moyen pour imposer aux volontés individuelles le respect d’un intérêt commun présumé supérieur : la liberté collective qui, si elle n’est pas défendue, est attaquée par une domination extérieure (autres groupes). Si bien qu’elle est souvent associée à la sécurité et au droit à la protection.

Considérée comme nécessaire et vitale, l’autorité devient alors un impératif catégorique dans l’organisation sociale qui exige l’obéissance, sauf à être rejeté du groupe. Ne pouvant être le fait de tous, l’autorité implique une séparation tranchée entre un petit nombre appelé à la détenir et le plus grand nombre voué à la respecter. Ce qui apparaît conforme aux mécanismes de la démocratie représentative. Cependant, l’autorité est ordinairement accolée à celles de hiérarchie, d’ordre et d’inégalité. D’où le fait qu’elle ne fasse pas bon ménage avec les valeurs instaurées par la démocratie. Elle inspire donc de la répugnance et de la méfiance aux démocrates, alors qu’ils en organisent eux-mêmes le principe dans l’opératoire politique. L’ambiguïté est à nouveau établie : utile mais rejetée. On s’interroge simultanément « Où est passée l’autorité ? » (L. Joffrin) tout en se demandant « Faut-il jeter l’autorité à la poubelle ? » (Colloque de Bordeaux- 1998).

Les deux facettes de l’exercice de l’autorité, gênantes pour la démocratie : l’obéissance et la sanction

Puisqu’« aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres » (D. Diderot), l’autorité démocratique puise sa justification dans le contrat social. Non imposée par la violence elle se maintient par le consentement exprès de ceux qui s’y plient et en bénéficient conjointement et réciproquement « Le chef est un homme qui a besoin des autres » (P. Valéry). Ce qui caractérise en propre l’autorité, par distinction avec le pouvoir, c’est la capacité d’une personne ou d’un groupe à être obéi et à exercer certaines formes de sanctions.
Très aisément, l’autorité peut être vécue comme un rapport de dominant à dominé si obéir engendre l’impression d’être soumis et nié en tant qu’individu. De plus, lorsque les sentiments d’égalité, d’individualisme, de relativité généralisée à tout, traduisant le besoin de chacun d’être reconnu, recouvrent les idées d’efficacité, de dépassement de soi, de complémentarité sociale, la question du pourquoi obéir devient dominante. Pourquoi obéir puisque je n’ai pas choisi ce qu’on m’impose, la personne qui dirige, et qu’après tout, ma vie et mon avis valent les siens et mon potentiel ses capacités ? Ce qui est en question n’est pas tant le principe fonctionnel d’autorité que la volonté d’être reconnu dans son fonctionnement même. Les voies de la nouvelle autorité passent par une revalorisation de la personne qui y est soumise.
L’autorité ne s’exerce plus dès que celui qui la détient se révèle impuissant à prendre des sanctions. Plus, certains détenteurs ne l’exercent pas complètement parce qu’ils redoutent d’avoir à appliquer des sanctions. Ils ont peur d’entrer en conflit, de ne pas être soutenus par leur hiérarchie, d’être l’objet de représailles. En fait, ils craignent que les garanties que la société doit assurer pour que les sanctions s’exercent, soient défaillantes. Or, la démocratie vit aussi sur des fonctionnements d’autorité qui la structurent et qui ne sont pas issus de la volonté populaire : l’exécutif gouvernemental, la justice, l’enseignement… n’existent pas par procédure démocratique. Toute société démocratique doit admettre son besoin d’autorité « non démocratique » pour la faire respecter. Elle ne peut donc pas accepter la présence généralisée de ce que j’appelle « les transgressions incrémentales », ces entorses à la loi par petits degrés, chacune n’étant pas assez importante pour justifier une sanction. En confondant tolérance avec inconséquence et impunité, c’est la valeur morale de la démocratie qui se trouve interrogée et avec elle son existence.

Autorité nouvelle et démocratie revivifiée

Pour proposer des pistes de refondation de la démocratie par l’autorité, faisons un détour par la pédagogie, situation de pouvoir et d’inégalité par excellence, en laquelle la démocratie a une confiance absolue. « L’éducation peut tout puisqu’elle fait danser les ours » disait Leibniz. Paradoxe ? Peut-être pas puisque ce rapport social d’influence, légitimement dissymétrique, montre à l’envi que l’inégalité n’est pas un mal absolu. Elle peut être un moyen efficace pour atteindre une fin juste. « Traiter inégalement les choses inégales » « donner plus à ceux qui ont moins » sont des assertions qui enregistrent l’inégalité comme un fait social et économique à traiter sans le nier. En différenciant la pédagogie, l’enseignement ne cherche pas autre chose. L’autorité du maître sur l’élève est juste lorsqu’elle s’exerce au profit final de l’enfant et de la société. N’ayant aucune justification vitale, ne consultant jamais sur l’essentiel ceux qui obéissent, la pédagogie peut être considérée comme arbitraire. Son effet éducatif qui exige l’acceptation des statuts respectifs (contrat pédagogique implicite, mais non réel) n’intervient qu’à condition que l’autorité n’apparaisse pas comme une domination qui minimise et provoque des sentiments de négation de la personne.
Le cas du respect fait bien comprendre ce qui se joue dans l’autorité à vocation démocratique. Symbole de l’ordre établi, le respect est devenu récemment l’emblème de ceux qui le bousculent. Cette notion conservatrice est désormais associée à la reconnaissance des différences. Respecte-moi signifie accepte ma différence telle qu’elle est. La susceptibilité, résultant du mal-être, a trouvé son meilleur support. Ce « respecte-moi » est à la fois désintégrateur s’il fait primer l’individualisme sur le social et intégrateur s’il permet le dialogue et la réciprocité. Quand le M.E.N. lance « l’École du respect » la campagne vise doublement le respect des personnes et le respect des règles institutionnelles. Car, au-delà de la demande de respect de la personne, c’est la question du vivre ensemble qui est posée. La montée des violences à l’École (qu’accompagne cette exigence de respect) est en réalité la montée d’une desinstitutionnalisation de l’École. « Quand on casse les institutions, on casse les hommes » (G. Coq). Régulièrement, les instituteurs et professeurs contribuent au mouvement en rejetant par de multiples voies l’autorité de leur employeur, tout en réclamant son soutien inconditionnel dès que la leur est contestée par les élèves et les parents. En dénigrant leur entreprise, ils génèrent leur démoralisation et attaquent gravement les fondements de leur autorité. En effet, l’autorité pédagogique n’est jamais séparable de la personne qui l’exerce et elle ne peut impunément critiquer et s’accorder le droit à l’erreur, sans être critiquée et soumise aux pertes d’exigence. Le « respect – autorité » doit assurer le « respect – dignité » de soi et des autres.
L’autorité nouvelle apte à reconstruire la démocratie doit résister à son auto-promotion plus ou moins directe. Sa vocation est de créer de la valeur ajoutée au profit de tous. Dans une dialectique entre la logique égalitaire et la logique élitaire, il convient d’établir que l’élite détient l’autorité du peuple pour conduire des actions dont tous et elle-même aussi tirent avantages. (Théorie de la justice de J. Rowles). De ce fait, l’autorité qui guide et sanctionne sera exercée « sous condition de raison et de mesure » (D. Diderot), sous contrôle comme le stipule l’art.15 de la Déclaration U. des D. de l’H. et du C. de 1789. Elle sera évaluée selon son efficacité à atteindre les objectifs qui lui sont fixés ou qu’elle se fixe. Si l’autorité ne va plus de soi, on ne peut pas l’abandonner pour autant. Il convient donc de passer d’une conception de l’autorité-imposition-obéissance (agir d’imposition) à une autre fondée sur l’autorité-dialogue-contribution (agir en dialogue). Le détenteur d’autorité doit tirer son pouvoir (de direction)  des pouvoirs (de contribution) qu’il reconnaît aux autres . L’autorité se sert des avis et réflexions de ceux qui sont concernés dans une organisation dont le principe n’est pas négociable durant le temps de l’action. En réalité, l’autorité devrait toujours avoir pour fonction essentielle de révéler et de gérer le positif chez tous ceux sur lesquels elle s’exerce et de le coordonner à la manière d’un chef d’orchestre. L’autorité par consensus (D. Rabourdin) n’est pas l’issue de tous les problèmes, mais la solution d’un bon nombre. En rien un obstacle au changement par voie démocratique, elle se révèle souvent un moyen d’efficacité et de cohésion dans l’exécution des décisions démocratiques. La pertinence de cette nouvelle autorité repose sur des principes, présents dans toute démocratie, de reconnaissance réciproque entre acteurs, d’égale dignité, de compétence et de crédibilité, de dialogue et de transparence, de congruence et de cohésion, d’adhésion par l’efficacité dans l’atteinte d’objectifs. Chaque fois que possible, l’autorité des faits et de leurs sanctions doit se substituer à une autorité directe des personnes afin de créer un rapport fonctionnel de partie à ensemble (participation) et éviter l’émergence du rapport estimé de dominant à dominé (soumission).
La démocratie est autant malade du « tout-démocratique » que de la remise en question de l’autorité. Le propre de la société démocratique, à la différence des sociétés traditionnelles ou totalitaires, est d’être une société non déterminée à l’avance et ouverte puisque ce sont les citoyens qui en décident par leurs votes. Elle institue le pouvoir comme « un lieu vide » (C. Lefort). Son principe d’indétermination engendre un état d’angoisse face à un avenir que l’on ne peut imaginer tout en étant responsable de sa construction. Tout en apportant la réassurance de l’ordre fonctionnel, des règles, du respect, les nouvelles formes de l’autorité permettent une meilleure participation des citoyens à tous échelons, à tout moment. Elles laissent à chacun la possibilité de prendre en charge des domaines dans lesquels il peut assurer des responsabilités personnelles directes, associées à celles des représentants élus. Ni l’État, ni aucun groupement ne doivent se substituer à l’initiative et à la responsabilité des personnes. À tous les niveaux, il faut renouer avec le principe de subsidiarité. La « volonté générale » doit se contrôler elle-même et instituer les contre-pouvoirs pour se dialectiser elle-même. La vérité de la « juste raison » résulte d’arguments contradictoires, pas de l’adhésion massive à un courant d’opinion plus fort que les autres. « Rien n’est plus dangereux qu’une idée quand on n’a qu’une seule idée » (Alain). L’autorité nouvelle permet et sollicite les débats qui nourrissent la démocratie, non pour remettre en cause ses bases, mais pour cheminer vers les meilleures solutions. Elle doit pour cela se référer aux mêmes valeurs que la démocratie, celles qui transcendent les responsables et les partis au pouvoir, celles qui définissent la condition et l’identité de l’homme et qu’aucune majorité ni aucune autorité ne peuvent remettre en cause.
L’École dispose des expériences et des formules pour instaurer une autorité de contribution.
Ce n’est qu’à cette condition qu’elle peut être un lieu ou la citoyenneté se construit progressivement et où les adultes de demain se regardent sans méfiance car, il leur est donné à tous de se construire sans que l’autre, adulte ou pair, soit un rival, un castrateur ou un dominant. Un jour, il faudra que j’écrive un billet pour expliquer, à ma façon, que le sport est la formule de domination la moins porteuse de démocratie parmi toutes celles que la société essaye de faire passer pour « naturelles » dans l’École.

Michel Delaunay, septembre 2004.