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De la tenue s’il vous plait
Tenue de classe : tel est le nom du site lancé par le CNDP et promu par le ministre de l’Éducation nationale le lundi 27 septembre dernier. Tenue de classe : c’est par ce mot d’ordre que les nouveaux enseignants entreront en contact avec le métier à travers les modules de formation prescrits dans le cadre des mesures de prévention contre la violence à l’école. Comme les mots ne sont jamais neutres, l’usage répété de « tenir » questionne.
Sur le site, deux vidéos en parallèle : un théoricien présente la notion, un praticien évoque les pratiques – découpage déjà contestable quant à l’image donnée des rapports entre la théorie et la pratique. Le praticien explique que la réactivité est une composante essentielle de l’autorité de l’enseignant : « J’explique. Jennifer commence à dire à sa voisine « Tu sais quoi ? » « Non, elle s’en moque, travaillez. » » Voilà. La classe est tenue. Autorité ? Pouvoir ? Toute parole parasite au discours de l’enseignant est évacuée… y compris avec un argument douteux : la voisine en question est probablement tout aussi intéressée parce que Jennifer voudrait bien réussir à lui dire que par les explications de l’enseignant. La classe est tenue, mais quel statut est donné à priori à la parole de l’élève ? La visée n’est plus l’éducation, mais la domestication. Les autres conseils – organisation du plan de classe, note de sérieux, etc. – pour tenir sa classe sont en cohérence avec une théorie implicite : la paix sociale ne se construit pas avec les élèves, mais malgré eux, voire contre eux.
Si l’autorité « autorise », crée les conditions de rendre davantage auteur et responsable de ses actes, donne du pouvoir d’agir, alors ce n’est pas d’autorité dont il est question ici, mais de pouvoir et d’emprise. Si la classe « tient », ce qui tient au bout du compte, c’est un ordre apparent et artificiel, une mise en conformité. Mais où et comment s’articulent les trois missions de l’école éduquer, instruire, socialiser ?
On aimerait que ceux qui s’inquiètent tant de la « tenue »… pour les autres en fassent davantage preuve eux-mêmes. Croit-on sérieusement que les 27 000 DVD distribués aux professeurs stagiaires depuis la rentrée scolaire leur permettront de s’emparer de cette question de l’autorité, de commencer à y répondre ? Comment peut-on à la fois lancer des États généraux de la sécurité, demander à un conseil scientifique des recommandations, programmer un plan de formation à la prévention la violence et supprimer l’année de stage en responsabilité, envoyer les nouveaux enseignants à temps plein dans les classes, les inciter à des formations qu’ils ne sont pas surs de pouvoir suivre ? Qu’est-ce qui se tient dans tout cela ? À quoi tient-on vraiment ?
Alors qu’il y a tant à faire, beaucoup d’enseignants aujourd’hui, au lieu de développer leur pouvoir d’agir, sont empêchés de le faire.
Messieurs les décideurs, un peu de tenue, s’il vous plait.