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Coopération et différenciation

Sous la direction de Sylvain Connac, Chronique sociale, 2024

« Construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves » et « organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves » sont deux compétences professionnelles qui me semblent au cœur du métier de tout enseignant qui croit en l’éducabilité de tous les élèves, soucieux des progrès de chacun.

N’en déplaise aux héritiers du béhaviorisme, il n’y a pas de méthode miracle. Les trois chercheurs Caroline Baugey, Pierre Cieutat et Sylvain Connac, ne s’en cachent pas : faire coopérer les élèves n’est pas la panacée, surtout si l’on ne distingue pas coopérer et collaborer. Toutefois, avec quelques précautions, la piste de la coopération reste prometteuse.

Dans la première partie du livre, une quarantaine de pages font la synthèse de notions théoriques, en explicitant les intentions éducatives et en identifiant les limites associées, donnant ainsi au lecteur ou à la lectrice des pistes à approfondir pour interroger ses pratiques. Ils nous rappellent surtout que chaque enfant est singulier, évidence que l’on oublie parfois dans l’urgence de la classe, d’autant plus face à l’instabilité des injonctions hiérarchiques que nous recevons ces dernières années.

Côté praticiens, une cinquantaine d’enseignants, d’étudiants en MEEF (Master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) et responsables de formation, rassemblés dans un collectif, témoignent dans la seconde partie de l’ouvrage du fonctionnement de leurs écoles, du CP au lycée professionnel. Dans ces classes, on ne coopère pas tout le temps ! Les dispositifs coopératifs apparaissent en réponse aux besoins du collectif – confiance, écoute, prises de décisions, pensée réflexive, etc. – et aux besoins d’apprentissages scolaires : besoin d’apprendre, motivation du travail, déblocage, soutien, accompagnement, développement de compétences, etc. On y trouve des réponses concrètes faisant écho aux apports théoriques de la première partie. On peut y lire les réussites (grâce aux cadres rigoureux utilisés) de ces collègues, mais aussi les obstacles rencontrés, dont certains demeurent.

En dernière partie, les lecteurs et lectrices auront un aperçu des résultats des trois années de recherche de ce collectif. Suivant une voie différente des recherches quantitatives, les recherches collaboratives apportent des données qualitatives qui devraient être davantage prises en compte par nos décideurs, car elles me semblent complémentaires, dans une logique compréhensive, et en aucun cas ne devraient être opposées. Aussi, le parallèle entre la méthodologie de recherche utilisée et les modalités vécues en classe ajoute de la cohérence et participe à la formation continue des enseignants.

Quels sont les bénéfices de la coopération ? Pour les enseignants, de redonner du sens à leur fonction. Pour les élèves, c’est l’occasion de développer des compétences disciplinaires, transversales et générales, dans un climat favorable aux apprentissages. La personnalisation apparait comme une modalité de différenciation qui offre la possibilité à chaque jeune de progresser, en devenant autonome et responsable, tout en se souciant d’autrui. De quoi trouver, en cette période de crise, le pouvoir de changer sa classe et l’espoir de contribuer, à son niveau, au changement de la société.

Cyril Lascassies