Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

« Considérer comme riches des échanges entre chercheurs et enseignants »

Les questions que se posent les professeures et professeurs des écoles sont largement prises en charge par la recherche, notre dossier « L’école primaire aujourd’hui » en témoigne. En particulier les recherches collaboratives, menées avec et pour les enseignants, selon leurs préoccupations et sans volonté de prescription. Entretien avec les trois coordinateurs du dossier, Sylvain Connac, Marie-Laure Elalouf et Pascale Ponté.
Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce dossier ?

Ce dossier est d’abord né d’un grand colloque qui a eu lieu en 2021 à l’université de Cergy sur l’école primaire à l’initiative du laboratoire ÉMA1, avec le soutien de nombreux partenaires scientifiques, institutionnels et associatifs. Plusieurs centaines de professeurs des écoles, de conseillers pédagogiques, de formateurs, d’inspecteurs et de chercheurs ont échangé plusieurs jours sur des objets aussi passionnants qu’utiles.

Mais ce dossier est aussi né d’un besoin très grand de faire connaitre à la communauté éducative des recherches essentielles trop faiblement médiatisées au-delà des sphères universitaires. Ce dossier, enfin, est nourri d’une expérience multiforme de la recherche en formation qui questionne et travaille les pratiques professionnelles. Si tous les auteurs ont participé aux travaux qu’ils présentent, c’est sous des statuts très variés, de l’étudiante en master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) au chercheur encadrant des doctorants, et différents articles sont écrits à plusieurs mains, en croisant les points de vue des acteurs.

Y a-t-il des thématiques qui ressortent plus particulièrement ?

Les thématiques évoquées dans ce dossier sont à l’image de la polyvalence du professeur des écoles, mais elles ont une dimension transversale qui ne se limite pas au premier degré. La plupart des disciplines scolaires y sont abordées, avec une attention à la progressivité intercycles et interdegrés. De nombreuses tensions professionnelles sont appréhendées par le prisme des gestes, des espaces, de la réflexivité : tensions, par exemple, entre la complexité de la pratique et les contraintes du métier, entre la fidélité à une institution assurant un service d’éducation et la soumission à des fonctionnements pas toujours aidants pour le développement professionnel, entre l’attente de résultats effectifs et l’attention aux évolutions plus souterraines. L’accueil des élèves est envisagé dans leurs spécificités et leurs besoins respectifs selon leur âge et leur histoire, de la maternelle à l’enseignement adapté dans les collèges et les lycées.

Ce qui est aussi très spécifique, ce sont les modes de recherche présentés. Contrairement à l’isolement professionnel auquel doivent faire face de nombreux professeurs des écoles, les articles du dossier présentent des recherches collaboratives, où des chercheurs travaillent non pas sur mais avec des équipes pédagogiques et analysent ensemble l’activité qu’elles développent. On y trouvera également des recherches conduites par des partenaires de l’école, qu’ils soient associatifs ou institutionnels.

Que trouveront les lecteurs dans ce dossier ?

Les articles du dossier donnent à voir des résultats de recherches, très variés, avec une fonction assimilable à celle d’un « poisson-pilote » : des collectifs de recherche sont en mesure d’investiguer des sphères pédagogiques habituellement laissées pour compte parce que trop nouvelles, trop différentes ou difficilement accessibles individuellement et sans accompagnement, avec pour exemple : comment prendre en compte les langues des élèves ? Comment s’approprier en équipe d’école les résultats d’une conférence de consensus ? Quel positionnement pédagogique adopter dans un aménagement de classe flexible ?

Les articles du dossier donnent aussi à comprendre comment peuvent s’organiser des recherches collaboratives, qui associent des professionnels à une meilleure compréhension de ce qui se joue dans leur activité quotidienne, par l’usage de méthodologies scientifiques. Engager des processus de recherches collaboratives, c’est considérer comme riches des échanges entre chercheurs et enseignants. C’est aussi contester tout ce qui pourrait asservir une profession, en pensant qu’il serait fécond d’appliquer dans des salles de classe ce qui a été déterminé dans des contextes de laboratoire.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqués dans le dossier ?
En comparaison avec d’autres dossiers publiés par les Cahiers pédagogiques, qui traitent aussi des réalités des établissements du second degré, plusieurs articles décrivent des réalités spécifiques aux écoles : la polyvalence dans les disciplines enseignées et les ponts faciles à faire entre elles ; la collaboration dans les classes entre des professionnels différents ; ou le double statut de l’élève, qui apprend, et de l’enfant, qui se socialise six heures par jour au sein d’un groupe avec son histoire, ses évènements forts et les aménagements pédagogiques qui permettent de travailler ensemble ces deux dimensions. Plusieurs articles décrivent aussi des réalités spécifiques à la formation des professeurs des écoles et montrent comment se construisent des coopérations entre terrain, Inspé et universités.

Pour autant, les sujets traités interrogent l’ensemble du système éducatif, comme la qualité de vie à l’école, la formation de la pensée critique, l’approche par compétences, le continuum de formation.

Propos recueillis par Cécile Blanchard

Sur notre librairie

Notes
  1. École, mutations, apprentissages, https://colloque-lp21.sciencesconf.org/