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Comment dit-on « socle commun » en néozélandais ? (épisode 2)

Cahiers pédagogiques : À un moment où en France où l’accord sur le socle commun ne va pas de soi et où certains voient dans l’arrivée des compétences à l’école le signe d’une dérive libérale et d’une marchandisation de l’école, que t’inspire ce que tu as observé en Nouvelle-Zélande ?

Le New Zealand Curriculum (NZC) est à regarder dans sa conception même et dans sa facture : les documents sont très abordables, même plaisants. Cette approche est d’une relative nouveauté aussi en Nouvelle-Zélande et on peut retrouver questions, débats et résistances que l’on rencontre en France. Mais les arguments ne sont pas d’aussi haute volée que ceux que tu évoques.

Ce pays certes de langue anglaise est aussi de culture maori désormais assumée. Son organisation est plutôt publique avec un État assez présent, et c’est vrai dans l’école. Ainsi, le NZC est un référentiel national, mais chaque école, chaque établissement dispose d’une réelle autonomie pour construire son propre « curriculum » dans le cadre d’un vrai projet d’établissement. C’est l’objet d’ailleurs de l’Education Review Office (ERO) de vérifier une certaine conformité entre le curriculum local et le NZC. Cette situation nous interpelle en France, tout emprunte de son histoire prestigieuse et très « nationale ». Pourtant, les récentes études sur les curriculums des élèves, c’est-à-dire ceux qui sont prescrits (les programmes), mais aussi ceux qui sont effectifs et bien réels, font découvrir de vraies surprises. En NZ, c’est organisé et assumé et donc régulé.

Les débats autour de l’école néolibérale et de sa marchandisation restent circonscrits. Quand je l’ai évoqué, j’ai eu droit à des regards circonspects, voire une incompréhension. La question centrale est sincèrement fondée sur le « learning » : qu’est-ce que l’élève a réellement appris, est-ce que l’école a suffisamment développé ses capacités, on dit aussi « empowerment », à quelles conditions ?

Les compétences clés du curriculum néozélandais sont au nombre de cinq :
– Penser
– Utiliser la langue, les symboles et les textes
– Se prendre en charge soi-même
– Développer la relation aux autres
– Participer et contribuer à la communauté

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Elles touchent des domaines transverses à tous les champs d’apprentissages disciplinaires, identifiés comme « learning areas », détaillés par ailleurs, comme chez nous dans le socle commun, en plus confus.
C’est une réelle explicitation des savoirs et des actes nécessaires pour les maitriser. Dans toutes les classes que j’ai pu visiter, sur le tableau blanc étaient affichées des étoiles magnétiques, une par compétence clé. À chaque cours, le professeur ou un élève déplaçait les étoiles sur le titre de la séquence en identifiant ce qui serait alors plutôt travaillé (jamais une, mais deux ou trois). On retrouve ici l’idée de combinatoire, consubstantielle à l’approche compétence. De même, chaque élève entretient un e-portfolio en ligne, très souple (cela ressemble un peu à un blog, en mieux), pour lui, pour sa classe, pour son professeur (plusieurs niveaux de sécurité). C’est un support performant pour montrer en « evidence » ce qu’il maitrise.
L’évaluation se fait alors, en valorisation des actes, en accompagnement personnalisé et effectif, sans recours à une notation à la française qui n’arrive plus à satisfaire personne ici. Les compétences dites sociales sont d’égale noblesse, et sans hiérarchie de disciplines. Les succès des élèves, tous domaines confondus, sont affichés dans l’établissement. On est très loin de la compétition individuelle et du stress au travail, marqueurs du libéralisme avancé… pourtant caractéristiques de notre système français.

François Muller
Département Recherche et Développement en Innovation et en Expérimentation de la DGESCO

Propos recueillis par Nicole Priou.


Prochain épisode : « L’enfant, au cœur de notre affaire »