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Clisthène, à l’épreuve de la durée…

Depuis la rentrée de septembre, Clisthène est dans de nouveaux locaux, mais toujours dans les murs du collège Grand-Parc à Bordeaux. Que s’est-il passé ? Et comment ça s’est passé ?…

Oui, nous avons quitté les baraques vétustes et insalubres que nous occupions depuis 2002 à la création de Clisthène, pour intégrer des locaux adjacents au collège de rattachement.
Nous avons enfin des salles de classes dans un état acceptable, chauffées, sécurisées et si la salle informatique n’est pas encore tout à fait équipée, si nous n’avons pas encore récupéré nos tableaux numériques, notre situation matérielle est nettement meilleure qu’avant. Nous avions tout de même dans nos précédents locaux deux seaux en permanence dans le couloir pour recevoir l’eau venant du toit permettant d’accéder aux salles de classe ! Nous avons gardé des locaux – et notre maison des personnels… – pour nous gérer, travailler, nous réunir, etc., comme avant. Pour nos élèves aussi, les mouvements à l’intérieur du collège se sont simplifiés et nous avons pu gagner de ce fait un créneau d’activités en plus entre 12 et 14 heures.

Comment s’est effectué le « mariage » dans les mêmes locaux de Clisthène et d’un collège classique ?

Comme avant, nous avons notre autonomie de gestion, d’organisation et de vie pédagogique. Jean-François Boulagnon dirige toujours notre équipe, assisté par deux d’entre nous, Pierre-Jean Marty et Nadine Coussy-Clavaud. Et les structures pédagogiques qui fondent notre identité fonctionnent à l’identique.
À cette rentrée, nous avons reçu dans notre équipe quatre nouveaux collègues : deux contractuels qui ont remplacé au pied levé deux titulaires nommés sans leur accord et n’ayant pas souhaité le jour même de la rentrée (!) prendre ce poste spécifique, et deux vacataires pleins de bonne volonté malgré leur statut précaire. Trois sur les quatre – ce qui est une bonne proportion… – se sont parfaitement intégrés à Clisthène et y fonctionnent avec nous sans problème. Mais leur situation est tellement instable !
Par ailleurs, notre installation, à côté du collège du Grand-Parc se passe plutôt bien. Avant notre emménagement, le Grand-Parc était déjà un collège « multicartes » où coexistent des classes traditionnelles, une Segpa, un PRI (pôle relais insertion, pour des élèves en formation professionnelle par alternance). Avec Clisthène, ce sont quatre structures différentes qui travaillent dans des locaux proches. On n’est pas très loin de l’idée des « mini-collèges » avec une équipe pédagogique complète qui prend en charge une cohorte d’élèves. Pour casser l’effet de massification des gros effectifs et redonner une taille « humaine » aux structures éducatives.

Vous voilà donc repartis de plus belle pour poursuivre l’aventure pédagogique de Clisthène qu’aux Cahiers nous suivons avec la plus grande sympathie ?

Sans aucun doute, l’équipe a gardé toute sa cohésion et son enthousiasme d’origine et nous poursuivons la réalisation de nos projets. Mais nous ne cachons pas nos inquiétudes pour l’avenir à plus ou moins long terme.
Déjà, il nous a fallu trouver une solution pour la prochaine rentrée : en septembre 2009, Jean-François Boulagnon, le dernier des deux fondateurs, est obligé de muter car il est personnel de direction. Compte tenu de notre mode de fonctionnement « collégial », c’est là une échéance que nous redoutons. Pour l’instant, nous avons la promesse du recteur que Jean-François sera remplacé par deux membres de l’équipe : Pierre-Jean Marty, « faisant fonction », assisté de Nadine Coussy-Clavaud. Mais le devenir de Clisthène reste incertain. Quels sont les objectifs de l’institution vis-à-vis de nous ? Nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises qui pourraient nous briser…
Sur le plan de la mixité sociale, nous continuons avec la même volonté à la rendre effective. Bien que la demande des parents pour inscrire leurs enfants à Clisthène ne fléchisse pas, nous aurons des difficultés à la maintenir si l’avenir ne s’éclaircit pas pour nous. La tentation sera forte de nous demander d’accepter de plus en plus d’élèves en difficulté, des décrocheurs, des exclus d’autres établissements. Ah, si nous acceptions d’être le ghetto, l’établissement « spécialisé » où on concentre les élèves dont on ne veut pas ailleurs, nous aurions alors plus de moyens en postes et en équipements ! Et en prime, la faveur de la hiérarchie. Mais voilà, nous voulons œuvrer avec une population scolaire ordinaire et mixte, et il nous faut ramer pour garder ce cap…
Dès les débuts de Clisthène, nous avons demandé à doubler nos effectifs et à avoir au moins deux classes par niveau, de la 6e à la 3e. Nous devons absolument grandir pour ne pas nous scléroser. Cela donnerait une tout autre dimension à notre « expérience » et permettrait de mieux asseoir nos projets. À ce jour, la réponse du recteur est niet. Aucune perspective donc de ce côté-là.

Parlons donc du présent proche. En 2007, vous aviez eu 96 % de réussite au brevet des collèges, le meilleur taux du département. « Un score soviétique », comme dit Cédelle (en vous conseillant de ne pas accumuler de tels résultats…). Et en 2008 ?…

En 2007, et pour des tas de raisons, les élèves s’étaient « arrachés » en effet. Mais pour apprécier plus justement ces résultats, il faut les rapporter au taux « attendu » de l’établissement en fonction des évaluations de 6e.
En 2008, ce fut pour Clisthène 74 %, ce qui doit correspondre au taux attendu.

Et où en est votre projet d’évaluation par compétence en 6e avec suppression des notes, objet de votre chronique mensuelle dans les Cahiers ?

Nous le poursuivons. Nous avons tenté d’améliorer le bulletin scolaire en l’augmentant de l’évaluation de huit compétences de travail interdisciplinaires, en ajoutant le vert clair à l’échelle d’évaluation : rouge (non acquis), jaune (en voie d’acquisition), vert clair (presque acquis) vert foncé (acquis). J’ai créé un logiciel pour gérer le travail des élèves par compétences et constituer ainsi les groupes de remédiation, le TGA (travail en groupe d’apprentissage) etc. Les lecteurs des Cahiers intéressés par la chose peuvent prendre contact avec moi à Clisthène…
Et puis, il y a les petites innovations et créations, les révolutions minuscules du quotidien qui, à Clisthène, permettent de continuer à prendre du plaisir à enseigner et à travailler ensemble.

Vincent Guédé
Propos recueillis par Raoul Pantanella