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« C’est le projet d’enseignement qui guide les choix »

Comment on s’y prend pour organiser le travail de la classe et faire apprendre les élèves ? Comment pense-t-on les situations d’enseignement, les dispositifs, les aménagements de l’espace pour mobiliser les élèves ? Derrière tout cela, il y a le projet de l’enseignant ou de l’enseignante, puis les ajustements auxquels il ou elle procède, en fonction de ce qu’il ou elle observe. Présentation de notre récent dossier par ses coordinatrices, Andreea Capitanescu Benetti et Sylvie Grau.
Qu’est-ce que cela veut dire, « organiser le travail », au fait ?

Pour nous, organiser le travail, c’est répondre à deux préoccupations qui s’encapsulent ensemble : la manière de transmettre, de mettre sur pied des situations d’enseignement-apprentissage qui ont du sens pour les élèves, et la manière de construire des interactions en classe, un climat d’apprentissage, les conditions rendant possible les apprentissages. Dans ce dossier, les préoccupations des professionnels, enseignants et enseignantes, portent à la fois sur ce qu’il se passe en classe, entre les classes, et au niveau de l’établissement scolaire.

Nous voyons une rupture avec l’idée que l’enseignant tient sa classe et délivre le savoir. On observe des organisations plus complexes mises en place par plusieurs professionnels qui travaillent ensemble et redéfinissent la place de chacun dans et avec le collectif, avec des manières de mettre les élèves en situation de coenseignement et d’apprentissage diverses.

Les contributions témoignent aussi de différents leviers pour motiver ou donner plus de sens aux apprentissages du point de vue de l’élève. L’enjeu est toujours la progression de chacun. On sent une dynamique dans la mise sur pied de dispositifs par les professionnels, dans les régulations qu’ils apportent, pour ne pas figer des fonctionnements qui ne seraient pas optimaux du point de vue des apprentissages. Tout cela passe par des redéfinitions des groupes, des lieux, des temps, des projets d’enseignement.

Il y a plusieurs articles qui parlent de l’aménagement de l’espace et de classe flexible. Qu’est-ce que cela apporte ?

L’aménagement de l’espace est un levier parmi d’autres pour provoquer de nouveaux phénomènes qui permettent aux enseignants d’observer les effets sur les apprentissages, sur le climat de la classe et sur leur propre confort dans leur enseignement. Très souvent, cet aménagement entraine d’autres transformations, car c’est le projet d’enseignement qui guide les choix.

Chaque espace correspond en fait à un type de tâche, un objectif spécifique. La flexibilité permet d’avoir à disposition des espaces différents permettant de différencier les situations d’enseignement en fonction des apprentissages visés et des besoins spécifiques des élèves. Tout le monde n’apprend pas la même chose en même temps et de la même manière, tout le monde peut se confronter aux objectifs dans des situations diverses.

La flexibilité offre une possibilité de jouer sur de nombreuses variables permettant à chacun la rencontre avec le savoir, que ce soit par une mise en confiance, un étayage, une durée plus appropriée, une médiation différente, une mise en projet, etc. La flexibilité, ce n’est pas uniquement laisser l’élève choisir où il s’assoit, c’est le laisser choisir d’apprendre, et donc tester différentes manières de le faire pour choisir celle qui lui convient le mieux.

Et quand l’organisation prévue ne fonctionne pas, que fait-on ?

Dans les textes, nous observons une attention particulière des enseignants à ce que vivent les élèves, aux effets produits sur les apprentissages. Souvent, ils souhaitent un accompagnement pour analyser leur pratique et cette posture réflexive les conduit à rectifier le tir, à s’inspirer d’autres expériences, à oser tenter de faire encore autrement. Le collectif est très important pour ne pas être tenté de revenir en arrière et pour continuer à inventer. Penser des dispositifs, c’est anticiper une organisation tout en sachant qu’on sera de toute manière contraint de la faire évoluer. L’important est de comprendre les effets pour mieux s’ajuster.

Que retenez-vous vous-même de ce dossier ?

Le point saillant de ce dossier, justement, c’est l’aspect collectif du métier d’enseignant. Comment les enseignants définissent leur travail, comment collectivement ils et elles arrivent à voir et entrevoir des possibles face à la complexité. C’est comment, ensemble, ils sont capables de s’adapter, d’innover, d’inventer, de réinventer.

Ce qui suppose de laisser les enseignants responsables de ces choix, de leur donner les moyens de faire autrement, de les autoriser à sortir des normes et des doxas qui contraignent l’enseignement sans apporter la confiance et la sérénité nécessaires. En fait, ces organisations différentes apportent surtout un bienêtre à l’enseignant qui retentit directement sur les apprentissages des élèves.

Propos recueillis par Cécile Blanchard

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