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Apprendre à lire ou apprendre l’écrit ?

On parle sans cesse et depuis toujours de l’apprentissage de la lecture comme si cet apprentissage était unique ou à une seule dimension (la lecture), comme si l’enfant qui apprend à lire était confronté à un seul objet d’apprentissage : le savoir-lire. En réalité, cet enfant apprenti lecteur est face à cinq objets d’étude.

Et, par conséquent, l’école et les maitres ont à traiter cinq objets d’enseignement :
– Le code écrit : les correspondances grapho-phoniques, la combinatoire (l’assemblage des lettres–son), les règles graphiques (l’orthographe, au sens large). Le système d’écriture.
– L’activité de lecture : les façons de faire et les procédés du lecteur, les opérations et les savoir-faire en jeu dans l’acte de lire. Le savoir lire.
– L’activité de production écrite : les façons de faire et les procédés de l’écriveur, les opérations et les savoir-faire en jeu dans la production d’écrits. Le savoir écrire.
– La culture écrite : l’accès aux objets culturels et aux pratiques culturelles de l’écrit (le livre, les journaux, la littérature enfantine, etc.), la fréquentation des « lettrés » (les habitués de l’écrit). Le monde écrit.
– La pensée écrite : le mode de pensée, les outils et les méthodes de travail propre à l’écrit (faire une liste, un schéma, un résumé, chercher une réponse dans une encyclopédie, prendre des notes, etc.). L’écrit outil intellectuel.

L’ensemble de ces cinq objets peut être appelé l’écrit. L’apprentissage de la lecture (ce que je préfère appeler l’apprentissage de l’écrit) est donc constitué de cinq parties ou de cinq sous-apprentissages.
L’un est linguistique :
– les connaissances sur le code écrit, sur la « mécanique » de la langue écrite.
Deux sont opérationnels :
– le savoir – lire (savoir retraiter des informations écrites, maitriser les techniques de la lecture – compréhension de petits textes) ;
– le savoir – écrire (savoir reproduire des informations écrites).
Le quatrième est culturel :
– les pratiques de la lecture écrite.
Et le cinquième est intellectuel :
– les manières d’apprendre et de penser avec l’écrit.

Les programmes prévoient deux heures d’activités de lecture et d’écriture par jour à l’école élémentaire. Dès le CP, l’enseignement de l’écrit pourrait, par exemple, être organisé en cinq séquences quotidiennes de 20 à 30 minutes chacune :
– Étudier le code (les mécanismes de la combinatoire et du décodage)
– Exercer le savoir-lire : chercher des informations écrites, lire pour comprendre des textes courts et divers, etc.
– Exercer le savoir-écrire : produire des informations écrites, communiquer par écrit, exprimer par écrit.
– Avoir des activités culturelles (pratiquer la culture écrite) : lecture d’une « histoire » par le maitre, lecture-découverte d’albums, d’encyclopédies, activités dans la BCD.
– Utiliser l’écrit intellectuel : rédiger un résumé ou un court compte rendu d’une « découverte », tenir un cahier d’observations et d’expériences.

Et cet apprentissage de l’écrit pourrait être articulé avec l’enseignement scientifique dès le CP. Est-ce possible avec des enfants « qui ne savent encore ni lire ni écrire » ou à peine ? Oui, toutes ces activités sont réalisables dès le début du CP si le maitre pratique régulièrement la lecture partagée et l’écriture partagée. On lit ensemble, on écrit ensemble. C’est la règle numéro 1 pour vraiment « placer les fondamentaux au centre » du CP et du cycle 2.

Gérard Chauveau, chercheur à l’INRP.