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Aller jusqu’au bout de nos rêves

Rien ne va plus dans l’équipe de rugby du Stade Français. Des tribunes, les spectateurs observent avec inquiétude des signes de plus en plus nombreux de tension. Les vedettes d’hier, mises sur le banc des remplaçants par le nouvel entraîneur, apostrophent ce dernier sans le moindre respect : « tu me laisses rentrer sur le terrain ou quoi ? » Les disputes éclatent : « ce trou dans la défense, c’est de ta faute. Tu n’étais pas à ta place. » Pendant les matchs, Les joueurs ne suivent plus les ordres du capitaine qui leur crie en vain de se replacer en ligne. Au lieu de laisser leur chef s’adresser seul à l’arbitre, ils se mettent à plusieurs pour contester les décisions d’arbitrage. Bref, c’est la cacophonie.

L’équipe est entrée dans un cercle vicieux : les erreurs créent de la défiance entre les hommes ; englués dans la routine, ils ne prennent plus de plaisir. Le discours et la conception de jeu de leur entraîneur ne sont pas entendus : saturés, ils ne sont plus à l’écoute. Et les anciens champions de France commencent à perdre des rencontres, même celles qui s’annoncent faciles. Ce gâchis de talents est aggravé par la fréquentation des plateaux de télévision, les nuits blanches, les arrivées en retard à des entraînements sans conviction.

Au printemps, la révolte éclate. Un débat agité dans les vestiaires est suivi d’un vote : l’équipe de rugby, à la majorité, décide d’éjecter son entraîneur. Un joueur analyse a posteriori : « une déchirure, c’est toujours un moment délicat. L’entraîneur n’est ni con, ni méchant, ni incompétent mais son message ne passait pas, il fallait créer un choc. » La parole est libérée lors d’une séance mémorable, une nuit entière où tout le monde s’est expliqué, joueurs, staff technique, dirigeants. « Chacun a refait le monde. Nous nous sommes promis de la fidélité, de l’engagement personnel » confie à la presse le capitaine. Après cette réunion, le président ; « un homme qui ne comprend rien au rugby mais comprend tout des hommes et des sentiments » leur apporte un soutien affiché qui restera sans failles.

Ils en ont bien besoin car la victoire ne revient pas aussitôt : il leur faut retrouver les repères perdus. La peur au ventre – et s’ils s’étaient trompés ? – ils ne dévient pas de leur ligne de conduite : à l’entraînement, les joueurs sont ponctuels et assidus. Les leaders se plient à la discipline que l’équipe s’est fixée collectivement. L’entraide s’instaure. Chacun s’oblige à exprimer son analyse du travail réalisé sur le terrain. Le capitanat devient une fonction tournante. Même les blessés trouvent un rôle important dans cette reconstruction.

Peu à peu, le groupe ressent le plaisir de faire vivre les qualités qui ont fait sa force les années précédentes : l’humilité, la recherche d’un jeu innovant, le goût de faire avancer le groupe tout entier, l’effort collectif pour gagner, l’envie d’aller jusqu’au bout de ses rêves. Deux matchs difficiles et importants – où personne ne pariait plus guère sur leurs chances – sont gagnés. Le samedi 15 juillet, lors d’une finale époustouflante, le Stade Français, lucide et serein, défense impénétrable, mêlées puissante, cœur généreux, remporte à nouveau le bouclier de Brennus.

Est-ce à dire que l’autogestion va s’installer définitivement dans ce club ? Les joueurs s’entendent tous pour dire que cette aventure, si elle leur a donné l’énergie de la victoire, ne peut continuer durablement. Ils ont vécu des moments trop difficiles. Ils ont besoin d’un guide qui les aide en leur faisant partager son analyse et sa vision du jeu.

Mais que vient faire le rugby dans les Cahiers pédagogiques ?

Nos thèmes de réflexion, ce sont les établissements scolaires, les enseignants, les élèves : mais c’est précisément de tout cela que je viens de vous parler !

Michèle Amiel

Les extraits des interviews sont tirés des journaux L’équipe et Midi Olympique.