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Activer ses neurones pour mieux apprendre et mieux enseigner

Steve Masson est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation (LRN), il a fondé l’Association pour la recherche en neuroéducation (ARN). Il a enseigné à l’école primaire et dans le secondaire avant de devenir chercheur et professeur d’université, c’est probablement ce qui lui permet d’établir des liens si éclairants entre recherche et pratique pour les enseignants.

Il reprend dans cet ouvrage l’objectif qu’il poursuit à travers ses formations, aider les professeurs à mieux comprendre le cerveau pour mieux enseigner et les inciter à fournir aux élèves les bases neuroscientifiques dont ils ont besoin pour mieux apprendre. Il construit le livre sur 7 principes et repart bien évidemment du concept de neuroplasticité pour justifier la nécessité d’activer les neurones à plusieurs reprises, judicieusement espacées. Il détaille les moyens de s’entraîner à récupérer en mémoire les notions stockées, d’élaborer des explications. Il insiste aussi sur les caractéristiques d’une rétroaction efficace et montre que ces pratiques mises en synergie amènent les élèves à s’impliquer dans leurs apprentissages et à gagner en autonomie. Pour chaque partie il puise dans les recherches le « pourquoi faire ainsi » et il retire de son expérience d’enseignant le « comment mettre en application ». « Il est toujours préférable de connaître les raisons qui rendent une approche plus efficace qu’une autre si l’on veut pouvoir mettre en application les résultats obtenus dans un certain contexte et les transposer intelligemment à un autre contexte. » (p. 28).

Il détaille les expérimentations et rend compte des méta analyses par lesquelles l’enseignant peut éclairer, interroger, renouveler, enrichir sa pratique. Ainsi de nombreuses questions pédagogiques et didactiques sont-elles abordées par le biais de ce que nous savons aujourd’hui du fonctionnement cérébral : les méthodes actives et le degré de guidance, les prérequis, le transfert, l’impact sur les apprentissages des réseaux sociaux, l’environnement de travail et le contexte d’apprentissage, la rectification des représentations naïves erronées et la persistance de l’erreur, les tâches complexes, l’automatisation et la surcharge cognitive, les moyens de répéter sans lasser, le dosage de la difficulté des exercices proposés, le traitement de l’erreur, les formes d’évaluation, les liens entre compréhension et mémorisation, la planification de l’enseignement distribué, la métacognition, les formes de sanction pertinentes, la motivation…

On y découvre, pour ne prendre qu’un exemple, comment les encouragements centrés sur l’élève peuvent avoir un impact négatif sur la motivation, même s’ils sont valorisants : « Tu es intelligent, tu vas y arriver. », « Tu es doué en math. ». Pourquoi il est préférable de proposer des rétroactions concernant la façon de se confronter à la tâche, portant sur le processus : « Tu as tâtonné pour trouver la bonne stratégie et cela a payé, tu as trouvé une procédure et le résultat est juste. Maintenant tu peux chercher un moyen plus rapide d’y parvenir. ». Steve Masson précise qu’« Attribuer le succès au talent, ou à toute autre caractéristique qui est hors de notre contrôle peut, involontairement, induire un état d’esprit fixe. » (p ; 214). L’état d’esprit fixe étant la croyance selon laquelle nos capacités intellectuelles sont déterminées à la naissance et définitives. Dans ce cas, pourquoi faire des efforts ou persévérer lorsqu’on se heurte à l’échec ? Cette croyance est démotivante, en particulier pour les élèves en difficulté. À l’inverse, les élèves qui savent que leur cerveau est plastique, en perpétuelle reconfiguration, sont remotivés et progressent, surtout s’ils ont compris que la réussite dépend des efforts fournis conjugués au recours aux bonnes stratégies.

Chaque chapitre se clôt sur une synthèse rédigée et un schéma récapitulatif car l’auteur applique les principes pédagogiques qu’il prône, ce qui n’est pas si fréquent. Si les principes qu’il développe sont fondés sur des recherches scientifiques, ils sont toujours cohérents avec l’intérêt et le bien-être de l’élève, et avec nos valeurs : foi en l’éducabilité, exigence bienveillante, souci de la réussite de tous et, en particulier, ce ceux qui peinent à l’école. Une fois de plus Steve Masson nous prouve que la rigueur du scientifique est compatible avec l’éthique du pédagogue et le pragmatisme de terrain.

Nicole Bouin