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À Porto Alegre, il y a des raisons d’espérer…

Nous en revenons de Porto Alegre encore davantage convaincus que tout apprentissage de la citoyenneté doit reposer au moins sur trois pieds :
– Il ne peut y avoir éducation et formation, qu’elle soit initiale ou professionnelle sans éducation populaire, au sens des moyens d’accès à des systèmes de sens, de compréhension. Nous avons rencontré un grand nombre d’acteurs de l’éducation populaire et ceux qui, dans l’enseignement, se posent ces mêmes questions – en particulier ceux qui se réfèrent à Paulo Freire. Nous y avons mesuré combien nous pourrions apprendre d’eux !
– Chacun doit avoir la possibilité d’expérimenter, de commencer, de pratiquer. Nous avons à diversifier les accès à du concret dans les pratiques de société.
– Dès lors que l’on sait quelque chose, plus ou moins concrètement, plus ou moins abstraitement, on peut participer au débat démocratique. Nous avons rencontré des citoyens qui, dans l’extrême pauvreté, s’appuyant sur leurs essais de changer les choses, nous ont aidés à déplacer, déconstruire, enrichir nos représentations.

« Ce qui ne peut pas être remplacé ne peut être privatisé », c’est ainsi que Ricardo Petrella, lors d’une table ronde, a aidé à réfléchir à la notion de biens communs de l’humanité en prenant l’exemple de l’eau. L’eau appartient aux Brésiliens en tant qu’êtres humains et non en tant que Brésiliens. Nous devons être capables de construire un système global où nous aurons des biens globaux à la disposition de tous. Il invite à « lutter pour la reconnaissance de l’humanité comme sujet de droit ». Dans la même table ronde, un Colombien s’interrogeait : « Nous n’avons pas réussi à construire des États au service du bien commun. » Pourrait-on apprendre davantage à l’école la notion de « bien commun » ? Pourrions-nous éduquer en vue, aussi, du bien commun ? Ricardo Petrella voit, là, un rôle essentiel de l’éducation : « Que dans l’école, on apprenne à vivre ensemble ».

Les savoirs pourraient davantage être considérés comme des biens communs de l’humanité. Chacun de nous en gère ce qu’il en peut, mais quel système pouvons-nous mettre en place pour lutter contre l’appropriation privée des savoirs, pour faciliter l’accès de chacun à tous les savoirs, accès auquel il a droit ?

Le FSM a été d’abord, et pour l’instant, une rencontre de praticiens du « sociétal ». Cela concerne le politique, parce que c’est une société civique multiple (des citoyens de cent vingt pays participaient) qui cherche le niveau et les dimensions de son efficacité. Nous avons pu ainsi, avec Patrick Viveret [[Plusieurs associations continuent à travailler avec lui, autour d’un rapport dont il est chargé par le secrétariat d’État à l’Économie solidaire. Il serait intéressant que des mouvements pédagogiques participent à ces regroupements associatifs. Pour les renseignements, nous contacter.]], nous interroger sur les indicateurs de richesses dans nos sociétés, la hiérarchisation des valeurs que l’école reproduit (quelle évaluation de la « casse », comment sont considérés les itinéraires de destruction humaine ou de construction individuelle et collective…) Nous avons rencontré le Mouvement des paysans sans terre du Brésil, des systèmes de réseaux d’Argentine, des associations de lutte efficace contre la corruption électorale, des associations de coopération Europe-Amérique latine…

Comment nos mouvements pédagogiques pourraient-ils y contribuer ? Comment associer des enfants et des jeunes aux prochaines rencontres ?

Nous savons que nous sommes minuscules par rapport aux forces que symbolisait Davos. Mais nous avons pourtant perçu fortement, à Porto Alegre, que rien de ce que nous faisons n’est minuscule, inutile ou négligeable. À condition de savoir coopérer !

Claire et Marc Heber-Suffrin, MRERS, BP 56, 91002 Évry CEDEX. Tél. : 01 60 79 10 11. mrers@wanadoo.fr