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A l’école du doute
Cet ouvrage, qui a pour sous-titre « apprendre à penser juste en découvrant pourquoi on pense faux », s’inscrit dans une série de publications autour de la nécessaire formation de l’esprit critique et d’un inventaire de moyens pour se protéger des fake news et sophismes en tous genres qui entravent nos raisonnements et aveuglent notre pensée. On pourrait penser qu’il n’a rien d’original, qu’il est surtout utile pour qui n’est pas familier des « biais cognitifs », de la différence entre système 1 et système 2 , deux « vitesses » de la pensée théorisée par Daniel Kahneman, voire de l’existence du système 3 ou « inhibition des automatismes » développé par Olivier Houdé, ou encore des multiples facettes du complotisme si envahissant dans nos sociétés. Dans un style clair et en s’appuyant sur des nombreux exemples (parfois les classiques du genre comme l’histoire de la « documentaliste féministe » Linda ou le théorème du nénufar), Marc Romainville, professeur à l’Université de Namur, réalise une synthèse de divers apports autour d’une formation subtile au doute, où il s’agit aussi de permettre de « douter du doute », de ne pas confondre le doute du scientifique et celui propagé sur les réseaux sociaux, qui ne répond à aucune exigence méthodologique et ne sert qu’à répandre de fausses croyances et à remettre en cause le soi-disant « savoir dominant » ou « des dominants ». En cela, il constitue un bon outil de base pour la formation à l’esprit critique.
Mais ce qui en fait davantage l’originalité et lui donne un intérêt supérieur, c’est la place qui est accordée à la « métacognition ». L’auteur a d’ailleurs co-coordonné un dossier de notre revue sur cette thématique. Si l’on veut éviter d’inefficaces « leçons » sur le bien penser/bien raisonner, il est impératif de former les élèves à s’interroger eux-mêmes sur leurs propres manières de penser et raisonner. Si l’on veut que l’élève ne fasse pas « semblant de penser comme on lui demande de penser, dans l’enceinte de l’école du moins », alors il faut engager avec lui un travail réflexif sur ses représentations, inviter cet élève à opérer un recul critique. Pour y parvenir, mieux vaut ne pas commencer par des sujets trop sensibles. Et de rester respectueux du cheminement de chacun, d’où l’importance de créer un climat de classe sécurisant. Et dans ce contexte, la métacognition « cherche à rassurer les élèves en leur faisant découvrir sereinement que la pensée naïve auxquels ils ont eu recours sont naturels et communs à tous les représentants de l’espèce humaine ». Il s’agit au fond de doter les élèves de cette compétence au « scepticisme » bien compris qui se développe à travers des situations-problèmes par exemple, mais avec toujours une phase métacognitive. En s’appuyant sur des cas concrets qui demandent rigueur et examen critique des sources d’information, l’auteur nous propose quelques clés de cette pédagogie du doute qu’il appelle de ses vœux.