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À chacun selon ses besoins

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Nous avons commencé le travail et la réflexion sur une approche par compétences en 2006. Dans notre collège classé réseau ambition réussite, beaucoup d’élèves avaient d’énormes lacunes en mathématiques, de très mauvais résultats au brevet, et les notes ne suffisaient aucunement à repérer les difficultés qu’ils rencontraient dans leurs apprentissages. Nous avons donc mis en place des évaluations communes à chaque niveau afin de savoir sur quoi il fallait travailler.

De l’évaluation par compétences aux groupes de besoin

Nous avons collecté des informations sur les acquis de nos élèves, grâce d’abord au logiciel J’ADE (J’aide Au Développement des Évaluations), qui était fourni en début de chaque année pour traiter des évaluations nationales de 6e et qui permettait également de créer et stocker nos évaluations. Nous avions ainsi les informations nécessaires à la création de groupes en fonction des besoins des élèves.

Pour optimiser ce dispositif, les séances de groupes de besoin étaient organisées pour travailler les lacunes des élèves avant que ceux-ci n’aient à les réinvestir en cours avec leur enseignant et afin que la remédiation soit prise en compte lors des évaluations. Les progressions des groupes de besoin et celles des enseignants se suivent pour que les prérequis nécessaires à un point du programme qui sera vu en classe soient au préalable travaillés en groupes de besoins.

Ce sont les enseignants de mathématiques qui prennent en charge les élèves qui présentent le plus de difficultés sur un sujet donné, les autres sont pris en charge par des assistants pédagogiques. Par exemple, sur la notion de périmètres et aires, nous avons constaté que les élèves de 6e qui sont arrivés cette année avaient eu un très faible taux de réussite ; nous avons alors modifié notre progression pour pouvoir aborder cette notion très tôt dans l’année, et nous l’avons programmée dans nos groupes de besoin en proposant une séance bâtie sur une approche très pratique.

Cette organisation permettait de prendre des mesures ponctuelles de la difficulté, mais pas encore d’en faire un suivi au quotidien dans nos classes.

De la pratique d’établissement à la pratique de classe

Nous avons retenu vingt-cinq compétences mathématiques et cinq transdisciplinaires par niveau que nous suivons toute l’année. Nous avons choisi des compétences « techniques » sur lesquelles nous savons pouvoir remédier.

Voici quelques compétences suivies en classe de 3e :

Compétences mathématiques

304 – Maitriser la notion d’image et d’antécédent

312 – Savoir factoriser

322 – Savoir utiliser la réciproque du théorème de Thalès

Compétences transversales

1 – Connaitre sa leçon

2 – Travailler avec soin et propreté

Nous utilisons un code à quatre couleurs (évitant ainsi l’écueil de la couleur médiane) :

Rouge : compétence non encore maitrisée

Jaune : compétence non maitrisée, mais acquisition en cours

Vert clair : compétence globalement maitrisée, mais encore quelques erreurs

Vert foncé : la compétence totalement maitrisée

Dans un premier temps, l’observation des élèves est réalisée en classe, par le biais des évaluations classiques qui incluent systématiquement un cartouche normalisé.

Rapidement, devant le nombre important de données, nous avons collecté et traité ces informations sur une feuille Excel. Après chaque contrôle, chaque élève a désormais le compte-rendu de l’état de ses compétences et l’enseignant dispose d’une synthèse graphique qui permet de visualiser les points faibles et forts de sa classe.

Nous avions testé les années précédentes une « activité de démarrage » de cinq minutes en début d’heure durant laquelle nous revenions sur des exercices classiques des leçons précédentes. Puisque nous disposions désormais en temps réel du niveau de maitrise des compétences, nous avons écrit un algorithme de choix qui tient compte, à chaque début de séance, de ce niveau de maitrise et de l’historique des choix précédents. Ainsi, les compétences globalement mal maitrisées sont retenues fréquemment, celles mieux maitrisées étant néanmoins travaillées de temps à autre afin de les réactiver.

Concrètement, avant que les élèves n’entrent dans la salle, nous vidéoprojetons le titre de la compétence retenue ainsi que son évaluation individuelle. Les élèves en rouge s’assoient sur des tables communes au fond de la classe pour travailler avec l’aide de l’enseignant. Un exercice s’affiche ensuite, puis sa correction après cinq minutes.

De la pratique de classe à la pratique d’élève

Au début assez surpris par l’apparition de la notion de compétences et de couleurs, les élèves y ont rapidement trouvé leur compte. Devant cet engouement, nous nous sommes questionnés sur les possibilités que pouvaient offrir le traitement de ces données pour répondre aux besoins des élèves, désormais identifiés et différents pour chacun. Parallèlement, afin que les nouvelles procédures soient pérennes, nous souhaitions qu’elles n’entrainassent pas de surcharge de travail pour l’enseignant. Pour cela, nous avons développé les outils informatiques nécessaires, ainsi que les bases d’exercices et de corrections qui les alimentent.

1– Le devoir à la carte (en classe)

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Dès lors que l’on revoit les compétences en spirale, il est tout à fait possible de demander aux élèves sur quelles compétences ils souhaitent travailler et être évalués.

En évaluation, ils ont eu deux sujets, et bien sûr deux corrigés différents. Lydia, qui maitrise beaucoup de compétences, va faire porter ses efforts sur ses faiblesses (alors qu’avec un choix de compétences aléatoire, elle aurait très probablement « travaillé » sur des compétences déjà maitrisées). Yacer, qui maitrise peu de compétences, se trouvera en réussite sur deux exercices (alors qu’avec un choix de compétences aléatoire, il aurait très probablement été en échec sur la plupart des exercices).

2 – Le devoir à la demande (à la maison)

En partant du même principe, chaque élève, ayant connaissance de ses faiblesses et de ses points forts, peut demander une fiche de travail à la maison personnalisée. Il remplit une demande de devoir personnalisé et le cours d’après, il reçoit la fiche d’exercices sur ce qu’il a demandé.

Ces devoirs à la demande se font en plus des devoirs à la maison pour tous. La note ne compte que si elle améliore la moyenne (ça rajoute de la motivation pour apprendre).

Des conséquences importantes sur nos pratiques

Dès lors que chaque élève a un sujet différent, le travail de remédiation se fait sous la forme de groupes d’élèves présentant des difficultés analogues, en nommant parfois un « expert » au sein d’un groupe qui a un rôle de tuteur. Les corrections sont données sous la forme de photocopies et les séances de correction transformées d’office en séance de remédiation, car il ne peut y avoir une correction unique.

La modification la plus importante que nous avons constatée est celle d’avoir amené les élèves à être de véritables partenaires dans l’acquisition des compétences, les notes ont perdu un peu l’importance à leurs yeux au profit de leurs apprentissages et c’est toujours plaisant d’entendre une élève dire : « j’aurais besoin d’une séance de remédiation ! ».

Suivi des compétences et socle commun

En observant l’évolution des compétences que nous suivons, nous pouvons déterminer à la fin de l’année si l’on considère que telle ou telle compétence est acquise ou pas, et ainsi nous prononcer sur l’obtention de la compétence 3 du socle commun avec des éléments d’observation pris sur l’année.

Résultats, travaux en cours, questionnement et projets

Nous constatons chaque année que les résultats de nos élèves aux épreuves écrites du brevet sont en augmentation. Cela nous encourage à poursuivre dans cette voie et nous amène à nous poser la question de savoir ce qui fait réellement progresser les élèves

Les compétences choisies pour le suivi sont d’ordre « technique ». Si elles sont un prérequis indispensable à la pratique des mathématiques, elles ne peuvent à elles seules rendre compte des compétences que doivent acquérir les élèves au collège. De ce fait, il nous faut également créer des exercices qui mobiliseront des compétences plus larges.

Notre outil peut également nous permettre de créer des planches d’exercices par élève qui ne porteraient que sur leurs « faiblesses » qu’il nous faut corréler avec les dispositifs d’accompagnement éducatif existant dans notre établissement.

Le travail par compétences et leur évaluation ont permis de donner une nouvelle motivation à certains élèves pour laquelle les notes ne jouaient plus ce rôle, et a accru la productivité du travail de beaucoup d’autres.

Virginie Hervé, Gilles Maranges, Sabrina Nouni, Fabien Martignoles, Guillaume Perron, Philippe Taddéi

Collège Pons, Perpignan


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